C PAQUES 06 - Le départ et l'autonomie
Nous avons besoin de
présence pour voir, sentir, toucher, étreindre l’être aimé. L'absence est
toujours un déchirement. Les mots d'amour éclatent dans la rencontre et dans
l'étreinte.
La déclaration de Jésus
est donc pour le moins inquiétante et mystérieuse : « Je m’en vais »…
On comprend le désarroi des Douze, un groupe uni autour de la personne de leur
Maître au point qu’ils ne peuvent plus imaginer la vie sans lui, sans sa
présence. Ils sont pour ainsi dire accro de lui, dépendants comme quand on a
une addiction. Jésus le sait, et c’est la raison pour laquelle il les prépare
non pas à son absence pure et simple, mais à une autre forme de présence :
« Je m’en
vais et je viens vers vous. » Le départ de Jésus n’est pas une absence car il n’y a pas de
distance entre Dieu et nous, mais son départ fait partie du processus de
l’acquisition de l’autonomie. Jésus parle aussi d’une autre présence de Dieu,
celle de l’Esprit. C'est lui qui nous rend adultes dans la foi.
Très tôt, nous (je parle
des parents) nous cherchons à développer chez nos enfants une force
intérieure solide. Car nous réalisons assez rapidement que nous ne pouvons
pas tout contrôler et mettre à l’abri nos enfants de toutes les menaces, ou les
prendre continuellement par la main en route vers leur futur… Les liens
parentaux en particulier avec la mère sont si forts qu’il en demeure toujours
quelque chose d’important malgré le temps, la distance ou même l’absence.
N’est-ce pas le même
discours que tient Jésus à ses disciples ? L'absence ne tue l'amour que s'il
est malade au départ.
Mais comment vivre
cette nouvelle relation sans la présence physique de l’aimé ? Comment rester
les amis de Jésus, ses disciples et ses envoyés, sans le voir, ni entendre sa
voix, le toucher ? C’est cela, le défi du chrétien, le défi de
l’Ascension.
« Si vous
m’aimez… » Ce « si » est quasiment douloureux pour celui qui
l’entend. « Si tu m’aimes » - je ne t’aimerais donc pas, Seigneur ?
Tu n’en n’est pas certain ? Et moi, le suis-je, suis-je bien certain de
t’aimer ? Tu me l’as déjà demandé, comme à Simon-Pierre l’autre jour trois
fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? »
Parfois, je me le demande.
Je suis encore tellement autocentré… Mais je me rassure car je constate que
même quand je me/te perds un peu, je suis continuellement à la recherche de tes
traces. Je crois que c’est cela, être chrétien : être tout le temps à
la recherche de la trace de Jésus. « Tu es mon Dieu, je te cherche
dès l’aube » dit un psaume que j’affectionne énormément. Il
continue : « Mon âme a soif de toi ; après toi languit ma
chair, terre altérée, sans eau… » (Ps 62). Et : « Comme
un cerf assoiffé cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche ô mon Dieu »
(Ps 41). Et saint Augustin (on parle beaucoup de lui depuis l’avènement du pape
augustinien Léon XIV) se fait dire par Jésus : « Tu ne me
chercherais pas si tu ne m’avais pas déjà trouvé ! »
Car : « qui
cherche trouve », bien sûr. Et du coup, on a encore plus envie de le
trouver, Jésus, dans ce prodigieux jeu de cache-cache où plus on trouve, plus
on cherche… Mais celui qui ne désire pas Jésus ne le trouvera jamais.
Comment le
trouver ? Où le chercher ? Chacun de nous doit découvrir Dieu, le
Christ, d’une manière originale, personnelle mais Jésus lui-même nous indique
le moyen par excellence : « Si vous m’aimez, si quelqu’un m’aime,
il gardera ma parole. Mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui, et
chez lui nous nous ferons une demeure. » Woaw !
« Si
quelqu’un m’aime, il gardera ma parole. » C’est certain, voilà le
son de la voix du Bien-aimé, comme dans le Cantique des Cantiques (2,8-14) ! Il franchit
tous les obstacles : le bruit des médias, l’agitation de la vie moderne,
les faux et les vrais soucis qui m’encombrent, pour arriver jusqu’à moi !
Quel bonheur, Seigneur, d’entendre et d’accueillir ta Parole ! « Quand
je rencontrais tes paroles, je les dévorais ; elles faisaient ma joie, les
délices de mon cœur, parce que ton nom était invoqué sur moi, Seigneur,
Dieu de l'univers. » (Jér 15,16).
Je veux garder ta Parole,
non pas comme dans un coffre-fort, enfermée à double tour, mais la faire
descendre dans mon cœur pour qu’elle le travaille et le rende toujours plus
semblable au tien… Pour lui faire porter son fruit ! Un fruit d’amour, de
foi et d’espérance. Pour ma joie et celle de mes frères… Et pour cela, il
fallait aussi que tu partes, pour pouvoir m’envoyer l’Esprit, qui m’enseignera
tout et me fera souvenir de tout ce que tu nous as dit… Mais c’est plus qu’un
souvenir, qu’une vague trace : c’est une Présence, comme dans
l’Eucharistie, le Pain de Vie ! Quand j’entend ta Parole, Seigneur, je te
sens venir et rester avec moi pour y faire ta demeure. Quel cadeau !
Sais-je assez l’apprécier ? En vivre chaque jour ?
Il faut aimer pour connaître, il faut connaître pour aimer.
Et aimer, c’est vivre !
COMMENTAIRE DE LA PREMIERE LECTURE
(Actes 15,1-2.22-29)
Χριστιανοί
Ceux qui adhèrent au
Christ ont été affublés du surnom ironique de cristianoï (chrétiens)
très tôt à Antioche. L’Église à connu depuis de multiples visages. L’action de
l’Esprit Saint a ouvert le cœur des disciples dans les Actes des Apôtres. Ils
ont compris leur mission. Soyons assez sensibles pour percevoir à quel point la
présence de Dieu est originale et particulière, car l’Esprit Saint vient
toujours comme la nouveauté absolue qui nous renouvelle. Tout est appelé à se
renouveler, comme l’herbe des champs et les fleurs. Nous ne sommes pas, ni
l’Église, en possession de structures durables. Le caractère provisoire et
précaire de toutes nos élaborations est là depuis toujours, est là
depuis le départ de Jésus à l’Ascension et le don de l’Esprit à la
Pentecôte.
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