C DIM 32 - Je crois en la résurrection des morts
Aujourd’hui, alors que nous venons de célébrer la
Toussaint et la fête des Défunts et que nous approchons de la fin de l’année
liturgique, les lectures nous parlent de résurrection.
Nous sommes tous à peu près d’accord sur la résurrection
de Jésus, mais lorsqu’il s’agit de la nôtre, c’est déjà plus compliqué.
D’après une enquête du journal La Croix qui datait de 2009, une personne sur
dix seulement croit en la résurrection ! Et 73 % des catholiques
pratiquants. Parmi ceux qui fréquentent l’église, plus d’un quart donc doutent
ou ne croient pas en la résurrection qu’ils proclament pourtant dans le Credo !
La survie de l’âme a plus de succès : 88 % pour les catho pratiquants, 61
% des « sans religion ».
Que des chrétiens sociologiques, de nom ou de tradition, ne
croient pas à l’au-delà, cela n’a rien d’étonnant en soi. Mais comment les
pratiquants, eux, s’arrangent-ils avec la foi et son contenu pour un point
aussi essentiel, aussi central que celui de la résurrection des morts ? Comme
l’écrit l’apôtre Paul, "Si le Christ n'est
pas ressuscité, s’il n’y a pas de résurrection des morts et si c'est pour cette
vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les
plus malheureux des hommes" (1 Co 15).
C’est peut-être à cause de cette érosion de la foi en
cette destinée ultime de la vie, que les églises se vident. Pourquoi venir à la
messe le dimanche matin s’il n’y a qu’un discours humanitaire ou moralisant ?
S’il n’y a pas une espérance en une autre vie que celle-ci et une plénitude de
bonheur ? Pour résumer, cette phrase qu’on entend souvent : « Après
nous, les mouches ! »
C’est une des misères du christianisme en Europe occidentale
que cette dilution du contenu de la foi. Chacun se bricole sa propre religion.
Mais ce bricolage rend la foi très fragile, car tout peut s’écrouler d’un coup,
surtout si on enlève l’élément central qui est la résurrection du Christ d’où procède
notre propre résurrection…
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Il n’est
pas facile, il n’est pas évident de croire en la résurrection. L’expérience
de nos sens nous dit le contraire, nous voyons tout ce qui vit, finir par mourir,
se corrompre et disparaître. C’est une dure réalité que nous affrontons tous et
chacun…
Alors on va chercher au fond de soi des éléments, des
fragments qui nous permettent d’adoucir cette réalité en pensant que « tout
n’est pas fini », et qu’il reste peut-être « quelque chose ». C’est
ce que tout le monde fait, et moi aussi, quand on doit vivre un deuil. Ce sont
des croyances, comme l’esprit de tel défunt qui plane au-dessus de nous quand
nous pensons à lui, ou près de tels objets, ou encore qui transmigre dans d’autres
êtres vivants ou dans un arbre qu’on a planté… Ce sont des croyances, plus ou
moins rassurantes ou consolantes, mais ce n’est pas la Foi.
La Foi, c’est accepter d’abord qu’une personne morte est
morte. Elle ne vit plus. Point. Le judaïsme était très clair à ce sujet. Les
morts sont bien morts ; ils ne se baladent pas dans une demi-vie
quelconque. Les chrétiens, sous l’influence de la pensée grecque, ont ajouté le
concept de l’âme, qui n’existait pas chez les Juifs. On s’y est raccroché
durant des siècles.
Mais le cœur de la Foi, c’est bien la résurrection :
une personne, un homme est bien mort, d’une façon atroce en plus, sur une croix :
c’est Jésus le Christ. Et le 3ème jour après sa mort, il est sorti
du tombeau et de nombreuses personnes l’ont vu vivant. Et ils ont témoigné de
cette expérience dans les Ecritures, les évangiles… On ne peut plus dire désormais :
« personne n’est revenu de l’autre côté » ! La résurrection du
Christ est en quelque sorte le prototype de la nôtre. Il l’a d’ailleurs
annoncé, en proclamant qu’il donnerait la vie éternelle à celui qui croirait en
lui, et qu’il « le ressusciterait au dernier jour ». Il a signé
cette promesse par sa propre résurrection. Or, c’est ce « dernier jour »
qui nous paraît si lointain, alors que les premiers chrétiens, eux, l’attendaient
dans un avenir tout proche...
Les siècles ont passé, et avec l’avènement de la science
moderne, un matérialisme s’est petit à petit installé, qui réduit l’existant
à ce qu’on peut voir, toucher, expérimenter. « Je ne crois que ce que
je vois. » Pourtant, la science ne peut pas tout expliquer, et elle le
dit elle-même. La science ne s’occupe que du « comment ». Les grandes
questions du pourquoi, le pourquoi de la vie, de l’existence de l’univers
et de ce qu’il y a après la mort, restent sans réponses. Là, commence le
domaine de la Foi. Et la Foi repose non pas sur du vide, mais sur les
témoignages d’une recherche spirituelle plus que millénaire et les rencontres d’hommes
et de femmes avec Dieu, rencontres qui les ont transformés et a changé leur
vie. Les plus importantes de ces expériences sont transmises au travers des
Ecritures, c’est-à-dire la Bible et plus particulièrement les Evangiles. Elles
nous montrent que Dieu, notre Dieu, est le Dieu des vivants, comme l’affirme
Jésus dans le passage de ce dimanche, et que ce Dieu veut l’homme vivant pour
toujours avec Lui.
Oui, frères et sœurs, il ne sera jamais évident de
croire à la résurrection, puisque ce n’est pas du domaine du tangible. Le
débat entre les pharisiens et les saducéens, ceux qui croient en la vie
après la mort et ceux qui n’y croient pas, se poursuivra encore longtemps,
aussi longtemps qu’il restera des hommes sur cette terre… Mais croire que Dieu
existe, qu’il veut avoir une relation personnelle avec moi, et que dans cette
relation il me transmet quelque chose de lui-même, quelque chose qui si je l’accepte,
transforme ma vie et lui donne un sens en suivant les pas du Christ, cette Foi-là
devient en moi un germe d’éternité.
Cette Foi a donné à plein d’hommes et de femmes la force
de refuser l’injustice, de s’engager pour la défense de leurs valeurs, de
proclamer la dignité inaliénable de tout être humain fait à l’image de Dieu, jusqu’au
martyre souvent et la persécution, comme dans la première lecture. Et l’Histoire
nous montre que ce sont eux, ceux qui mènent le difficile combat de la Foi en
Dieu et en l’Homme, qui ont raison, et pas ceux qui se glissent dans le courant
de la facilité car, dit Jésus , « le Royaume de Dieu appartient à ceux
qui le conquièrent » (Mt 11,12).
Ce n’est que par le Christ que tout prend sens ! Et c’est notre attachement au Christ, qui nous permet de quitter le terrain de la compréhension à tout prix pour entrer dans celui de l’accueil de la bonne nouvelle. Celui de la Foi ! Croire en la résurrection n’est pas une option, pour les chrétiens, car c’est elle qui donne sens même à notre Foi. C’est elle qui donne sens même à notre vie ! C’est elle qui nous permet de nous mettre debout, même si des situations nous font nous courber, mais par le Christ, qui nous réconforte, nous entrons dans la puissance de la Vie ! Et si nous ne le croyons pas, il est peut-être temps de vivre notre propre épisode du Buisson ardent, de vivre notre propre rencontre personnelle avec Dieu, ce Dieu qui est le Dieu de la vie et non pas de la mort !
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