A DIM 14 - Êtes-vous un anawim ?

 



« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le fardeau, et moi je vous donnerai le repos. » 

Voilà, chers frères et sœurs, une proposition qui doit nous intéresser en cette période de grandes vacances ! Il est vrai que le stress de la société où nous vivons et travaillons quotidiennement rend cette détente bien nécessaire pour que chacun puisse se restaurer…


 
C’est émouvant de voir Jésus nous proposer le repos. Mieux, le donner lui-même à ceux qui sont écrasés par de lourds fardeaux.

 


Mais nous risquons de passer à côté de ce cadeau si nous ne comprenons pas de quoi il s’agit :



-        ce n’est ni un « nirvana »,  une « déconnexion » du monde réel pour le remplacer par un peu de rêve ou d’évasion », comme en proposent les agences de voyage ou les publicités (ce w-e, chez nous, 200.000 vacanciers prendront l’avion pour des destinations lointaines, a-t-on annoncé) ;

-        ni l’absence de contraintes ou la cessation de toute activité : 

Le repos dont parle Jésus est quelque chose de bien plus essentiel. On pourrait l’appeler le repos du cœur, ou la paix intérieure

 

A qui Jésus s’adresse-t-il ? De quels fardeaux parle-t-il ?

Il nous faut faire un retour dans le passé, au temps où le peuple juif était déporté à Babylone. Toutes les structures sur lesquelles s’appuyait la religion des pères avaient disparu : plus de roi, plus de Temple, plus de prêtres ni de prophètes… Tout ce qui faisait la cohésion, la force du peuple des croyants était anéanti.

Une situation terrible… qui n’est pas sans faire penser à celle que la religion catholique connaît actuellement dans notre propre pays comme dans l’ensemble de l’Occident.

 

Or, malgré l’absence de ces structures sociales et religieuses, des croyants ont gardé la flamme de la foi allumée et l’ont transmise avec ténacité tout au long de l’exil et après l’exil : ce sont ceux qu’on appellera les « anawim » en hébreu, les pauvres de Yahvé – les pauvres de Dieu.

 

En Israël, on distingue trois catégories de pauvres :

·        Les ebionim  : c’est le pauvre en train de mendier.

·        Les dallim, les prolétaires, le « pauvre en son état de maigreur », totalement dépourvu de ressources.

·        Les anawim sont les humiliés, les opprimés de toute sorte. Ceux qui courbent la tête et qui crient vers Dieu qui les exauce.


La pauvreté dans la Bible ne signifie pas seulement le manque de ressources matérielles, ou d'argent, elle contient l'idée de petitesse et d'abaissement, et concerne aussi le caractère de la personne, son être profond et plus encore ce terme désigne une attitude d’humilité, de pauvreté spirituelle face à Dieu. Dans les Psaumes, les pauvres de Dieu sont les petits, les faibles, les humbles, les doux, - contraire de riche, hautain, violent.

…On commence à comprendre pourquoi Jésus exulte dans sa louange en bénissant son Père qui se révèle aux tout-petits, les anawim.

 

Mais les épreuves du peuple de Dieu n’étaient pas terminées : L'an 539 avant Jésus-Christ avait sonné la fin de l'Exil à Babylone. Enfin, les juifs pouvaient retourner chez eux, reconstruire le pays, rebâtir le Temple… Bref, on allait pouvoir tout recommencer !

Et on allait voir ce qu'on allait voir : Le pays allait retrouver sa gloire et sa splendeur passées, et la religion avoir à nouveau pignon sur rue, avec son Temple rebâti et ses prêtres, ses docteurs de la Loi...

 

Mais ça ne s'est pas passé comme ça ! Le pays n'a jamais retrouvé son indépendance politique : Au moment où écrit le prophète Zacharie, elle est passée sous le contrôle de l'occupant grec.

Dans une Jérusalem en ruines, le peuple se lamente. Quand les beaux jours reviendront-ils ? Quand le culte dû au vrai Dieu sera‑t‑il rétabli dans toute sa splendeur et son faste ?

 


On rêve de restauration, de retour en arrière ; un peu comme à notre époque où certains voudraient une Eglise à nouveau puissante, avec un pouvoir politique, un enseignement, et des structures sociales sous son influence… Chez certains, on garde la nostalgie des célébrations religieuses de son enfance, avec des nombreux communiants en rangs bien ordonnés, des encensoirs et des processions magnifiques où les gens qui les voient passer enlèvent leur chapeau et s’inclinent…

 

Mais ce n’est peut-être pas cela que Dieu veut pour son peuple aujourd’hui, pas plus que jadis au temps de Zacharie…   

 

Alors que les juifs humiliés espèrent une restauration, le prophète répond à cette attente en promettant la venue d'un nouveau roi – Mais ce roi sera bien différent de celui qu’ils imaginaient : il est pauvre ! Du jamais vu ! Un roi anawim, monté sur un petit ânon !

Cela vous rappelle quelqu’un ?

 




Hé oui : Jésus ! Jésus entrant à Jérusalem le jour « des Rameaux ». Jésus est, a voulu être un anawim, un pauvre de Dieu.

Et ce roi n’utilisera pas sa puissance pour faire la guerre et écraser les adversaires, au contraire : « il brisera l’arc de guerre et proclamera la paix aux nations ». Son règne est un règne de paix et d’amour.

 

Jésus est venu apporter la paix, c’est vrai, mais cette paix n’est accessible que si elle est accueillie et reçue dans des cœurs humbles, des cœurs de pauvres.

 

Elle est inconnue de ceux qui s’appuient sur leurs propres forces, leurs richesses, leur savoir, leurs compétences et leurs pratiques religieuses : ceux-là se font leur salut eux-mêmes ou croient le faire par une observance rigoureuse de la Loi et des commandements, comme les pharisiens du temps de Jésus. Leur soi-disant fidélité est faite d’orgueil. Ils n’ont pas besoin de Dieu : ils s’en servent. Et ils lient de pesants fardeaux sur le dos des petites gens en transformant leur liberté en soumission.

 


Tout le contraire de ceux que Jésus exalte dans sa louange à son Père : « Père, je te bénis, parce que ce que tu as caché aux malins et aux experts, tu l’as révélé aux anawim, aux tout-petits. »

Et il ajoute : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, prenez mon joug, devenez mes disciples, et vous trouverez le repos, la paix du cœur ! »

 

Frères et sœurs, entendrons-nous cet appel du Seigneur aujourd’hui : « Venez à moi » ?  

Viens à moi, toi qui souffres et plie sous le poids de ta vie, pour que je puisse te donner le soulagement, cette paix qui n’est donnée qu’aux tout-petits, les humbles, ceux qui ne comptent pas seulement sur eux-mêmes mais d’abord sur Dieu car ils connaissent leur faiblesse…

 


Cette paix, la joie que nous pouvons ressentir lorsque nous sommes unis à Jésus comme à un attelage, elle ne supprime pas nos difficultés, ne nous dispense pas de nos responsabilités, les fardeaux n’auront pas disparu comme par miracle, mais ils seront plus légers car nous ne serons plus seuls à les porter.

 


Oui, frères et sœurs, soyons de ces petits, ces anawim, et quand quelqu’un est accablé au point qu’il croit qu’il n’est rien, qu’il ne vaut rien, qu’il se dise que c’est faux car Dieu n’aime pas « du rien », pour lui nous sommes quelque chose et même beaucoup puisque Jésus est venu vivre notre vie, celle des petites gens, des pauvres et des soi-disant inutiles.


Puisque nous sommes venus aujourd’hui à l’Eucharistie, apportons-y notre « poids » ou fardeau de vie et celui de nos proches ; ensuite, fortifiés par la communion qui nous unit à Jésus comme sous un même joug, nous irons témoigner que l’évangile est fardeau léger qui nous porte bien plus que nous ne le portons.



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