A DIM 34 (Christ-Roi) - Quelle surprise !


Voilà mes amis, qu’on se retrouve, vous et moi, tous ensemble devant le Seigneur Jésus.

C’est la fin de l’année liturgique, et dans la parabole de l’Evangile, c’est aussi la fin de notre vie terrestre.

Le début d’autre chose.

Nous sommes tous là dans une sorte de salle d’attente, un peu comme chez le médecin, et on attend ce qu’il va dire : Est-ce bon ? Est-ce mauvais ? C’est grave docteur ?

Sauf que, ici, c’est pas le docteur, mais c’est le Seigneur lui-même qui va faire le bilan de toute notre vie.

 

Et quelle surprise, quand on l’entend nous dire : « Ces petits étaient mes frères. Ce que vous avez fait pour eux, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Et aussi : « Chaque fois que vous ne l'avez pas fait pour eux, mais c'est pour moi non plus que vous ne l'avez pas fait. »

Alors là, on tombe des nues et on reste bouche bée !

 


Cet étonnement est très visible dans le texte : « Comment ça, Seigneur ? Quand est-ce que nous t’avons vu ? Tu avais faim et nous t’avons donné à manger ? Tu étais un étranger et nous t’avons accueilli ? Tu étais malade ou en prison ? QUAND SOMMES-NOUS VENUS JUSQU’À TOI ? »

Tu n’étais donc pas comme nous t’imaginions… ?

 

Ce texte est formidable ! Il nous dit quelque chose de fondamental de Jésus.

Quand le Fils, le propre Fils de Dieu est venu sur terre, il a été en toute vérité le Fils de l’homme.

Il a caché sa condition divine en prenant notre nature humaine, en devenant en tous points semblable à nous, ses frères. Il a connu la faim, la soif, la fatigue, la pauvreté… comme nous.

 


Jésus aimait beaucoup cette expression « le Fils de l’homme ».

Il ne veut pas, il n’a jamais voulu être traité en roi.

Il s’est enfui quand on a voulu faire de lui un roi à la manière de ceux de la terre.

Le visage du fils d’homme recouvrait la gloire du Fils de Dieu, si bien qu’on a pu le traiter en homme quelconque, se moquer de lui, le condamner dans un simulacre de jugement, bafouer sa dignité, le torturer et enfin le mettre à mort.

En acceptant cela, Jésus est devenu le frère de tous les humiliés. Des victimes innocentes.

Des « p’tits qu’on sprotche ».

 

Alors, c’est la surprise quand on le voit revenir au Jugement dernier (mot qui n’est pas dans le texte), on le voit comme un Roi, assis sur un trône… ça ne lui ressemble pas beaucoup.

Attention : ne nous trompons pas, c’est un décor de film ou de théâtre, pour donner à la scène une intensité dramatique ! Jésus emprunte des éléments visuels qui étaient courants dans l’imaginaire de son temps, comme à Hollywood. Il faut que ce soit impressionnant pour les auditeurs pour qu'ils comprennent l'enjeu !

 

D’ailleurs, il corrige lui-même ce titre de Roi en ajoutant tout de suite après celui de « berger ».

Ce berger a le souci de séparer les brebis des boucs. C’est ce que faisaient les bergers de son temps tous les soirs, pour éviter que les boucs ne blessent les brebis pendant la nuit avec leurs cornes.

 


Ce Berger auquel Jésus s’est souvent comparé, est un berger plein de tendresse et d’amour pour les hommes et les femmes de cette terre. Les prophètes l’avaient annoncé :

"La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la chercherai, celle qui est faible, je lui rendrai des forces". (Ezéchiel 34,16)

 

Vous connaissez tous la parabole de la brebis perdue dans l’évangile de Luc, où le berger qui est Dieu cherche sa brebis égarée jusqu’à ce qu’il la retrouve et la soigne, la met sur ses épaules, et invite tout le monde à se réjouir pour elle.

« Je suis le bon Berger, et je donne ma vie pour mes brebis » dit le Seigneur en Jean 10,14.15.

 


Alors, Jésus, Roi ou Berger ?

 

Au jour de la Rencontre – je préfère ce mot à celui de Jugement, au jour de la Rencontre sera-t-il ce Roi sévère qui dit à certains :  "Allez-vous en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges" ?

 

Ou bien sera-t-il ce Berger plein de tendresse qui déclarait : "Celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors (…) la volonté de Celui qui m'a envoyé, c'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donné, mais que je les ressuscite au dernier jour". Jean 6,37-40.

 

Roi ou Berger ? Il est périlleux de trancher. Le Roi fait peur, le Berger rassure.

Moi je pense qu’en annonçant que tous les petits sont ses frères, le Roi descend de son piédestal.

Et ça c’est encore une surprise.

 

Ce Roi devant qui on était prêt à plier le genou, ce Juge devant qui on était prêt à courber la tête, voilà qu’il se met au rang des petits, des pauvres, des pécheurs et des malheureux, en disant : « Et bien, tu vois ce pauvre type-là ? Ce gars à qui tu as donné un billet ou une pièce quand il mendiait dans la rue : Eh bien, c’est moi ! »

 

Cela me rappelle une scène que j’ai toujours trouvée extraordinaire dans le film de Zefirelli qui raconte la vie de saint François d’Assise : « François, ou le chemin du soleil ».

On y voit François qui arrive à Rome, avec ses compagnons, tous déguenillés, pieds nus sur le sol de marbre de la basilique du Latran, et qui s’avance vers le trône où siège le pape Honorius III pour lui demander d’approuver la règle de son ordre tout nouveau. Vous imaginez le décor, le pape avec sa mitre, ses habits de soie, la richesse splendide de la basilique vaticane et tous les cardinaux avec leurs habits rouges et leurs larges chapeaux…


Et le poverello, le petit pauvre d’Assise qui s’agenouille, prosterné, devant ce pape qui ressemble à un souverain plus qu’à un pape…

On fait remettre à François sa supplique pour la reconnaissance de son ordre, et on s’apprête à les jeter dehors comme un tas d’ordures, des pouilleux.

Et c’est là qu’arrive la scène extraordinaire : Tout à coup, alors que François et les siens s’en allaient déjà, le pape se lève d’un coup comme s’il avait une vision, et crie : Où sont-ils ? Qu’on les fasse revenir !

 Alors, on voit le pape descendre les marches de son trône, une à une, il arrive devant François qui ne sait pas où se mettre, et, stupéfaction, il s’agenouille devant lui et lui embrasse les pieds (sales).

 

Je ne peux pas m’empêcher de rapprocher cette scène de celle qui est évoquée dans la parabole de ce dimanche. Dieu, en Jésus, descend de son trône, car je pense que jamais il ne s’habituerait à vivre sur un trône. Cela ne lui ressemble pas. Mais il en descend, pour embrasser les pauvres humains que nous sommes et les élever vers lui.

 

Bien sûr, dans la parabole, il y a aussi un tri. Une séparation entre les bénis et les maudits. Et cela peut nous faire peur.


Mais ce n’est pas le but de Jésus ni celui de la parabole qui n’est qu’une parabole – donc une image ; mais qu’est-ce qui est jugé, finalement ? Ce ne sont pas les personnes en tant que telles, ce sont les actions. C’est ça la pointe de l’histoire, et c’est très très concret : donner à manger, donner à boire, visiter les malades, etc.


Le Christ, lors de la Rencontre, ne nous demande pas nos certificats de baptême, nos attestations de confirmation ou de 1° communion, si nous sommes de tel parti ou de telle religion, ni même pas si nous allons à la messe…

 

Non, il nous pose une seule question : Et c’est aujourd’hui qu’il nous la pose ; le jugement décisif, ce n’est pas demain ou après-demain, à la saint glin-glin, c’est maintenant. C’est aujourd’hui. C’est chaque jour.

Et la question, c’est :  Est-ce que tu fais de ta vie, une vie d’amour ? Est-ce que tu te rends proche de ceux dont tu n’as pas besoin mais qui, eux, ont besoin de toi ?

Au fond, veux-tu le bonheur ? – parce que seul l’amour conduit au bonheur.

 

Saint Jean (encore lui) écrit : « Celui qui n’aime pas reste dans la mort », il est déjà mort. (1 Jn 3,14)   

Celui qui n’aime pas se rejette lui-même loin de Dieu et se rend lui-même malheureux comme les « maudits » de la parabole. On crée notre propre séparation.

Ce n’est pas Dieu qui condamne, ce n’est pas le Christ, c’est nous-mêmes.

 

Reconnaissons-le, nous sommes tous des pauvres en amour. Nous ne sommes pas des abbé Pierre, des Vincent de Paul, des François et des Claire d’Assise…

Tous, pauvres en amour que nous sommes ! Inutile de comptabiliser nos actes, bons ou mauvais.

Puissions-nous, comme l’apôtre Pierre, nous écrier devant Jésus : « Seigneur, tu sais tout ! Tu sais que je t’aime. »

Et il te répondra : « Viens, béni de mon Père, entre dans le Royaume ton héritage, car c’est l’amour dont tu as aimé qui vivra toujours. »

 


Seigneur, détourne-moi de moi, pour te regarder, toi, et t’aimer,

Pour te découvrir dans tes frères, les hommes qui m’entourent,

A commencer par ceux avec qui je vis et par ceux que tu me signales particulièrement…

Ceux que, instinctivement, je suis porté à éviter !...

Seigneur Jésus, règne en mon cœur par ton amour…

Pour que je sois un instrument de ton règne dans tous les cœurs !



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