C AVENT 02 - C'est la Route du Seigneur !

 
La semaine passée, le 1er dimanche de l’Avent, la Parole nous a invités à refuser la peur et le chacun-pour-soi pour nous ouvrir à l’à-venir, à une Espérance qui grandit comme un germe, celle d’un monde nouveau que la venue de Jésus apporte avec lui. Cette démarche a été symbolisée par une première clé.  

Pour que ce monde nouveau advienne, il faut procéder en premier lieu à un déblayage. Cela est affirmé de façon catégorique dans la Parole d’aujourd’hui.

=>Baruc dans la 1° lecture : « Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées … »

=>Jean le Baptiste dans l’évangile : « Toute montagne et toute colline seront abaissées ».

=>Il ne fait d’ailleurs que citer le prophète Isaïe qui précise : « Que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! »



Bon… j’imagine que ni Baruc, ni Jean-Baptiste, ni Isaïe ne connaissaient les joies des sports d’hiver, ni sans doute celles de l’escalade ou de la spéléo !  Il doit donc s’agir de montagnes symboliques. De quelles montagnes s’agit-il ?

Si je m’en réfère à l’exégèse, et que je fais une petite recherche historique, je m’aperçois que les événements que ces oracles annoncent sont déjà passés, ils datent tous de la période de l’exil à Babylone. À l’époque, pour annoncer que les juifs déportés à Babylone allaient bientôt être libérés et prendre le chemin du retour, Isaïe avait raconté que le désert qui sépare Babylone de Jérusalem allait devenir une véritable autoroute par laquelle les exilés reviendront au pays, d’où l’imagination d’Isaïe projetant de façon grandiose les travaux de terrassement qui révèleraient la gloire de Dieu : c’est la Route du Seigneur ! Dans ce cadre, les montagnes et les ravins représentent les obstacles à l’action de Dieu, lesquels seront aplanis pour qu’Israël chemine en sécurité. Et les bords de "l'autoroute" sont boisés d'arbres odoriférants ! C'est d'une poésie extraordinaire. On partage la joie des déportés retrouvant leur ville sainte, Jérusalem : "Quitte ta robe de tristesse, Jérusalem, et revêt la parure de la gloire de Dieu pour toujours!" ** 

Ce retour d’exil a eu lieu en 540 avant JC. Alors pourquoi Baruch (un auteur tardif qui a simplement repris le nom d’un disciple et scribe de Jérémie) et Jean-Baptiste copient-ils ces promesses déjà réalisées ? Du plagiat ? – L’idée même de plagiat n’existait pas à l’époque. Par contre, il était courant de puiser dans les textes célèbres qui avait soutenus l’espérance des juifs des images parlantes pour les adapter à un nouveau contexte. Ce n’est pas du plagiat, c’est une profession de foi dans la validité des promesses d’un Dieu dont l’amour et la fidélité sont pour toujours. 

Donc ces images sont encore valides, opérantes pour nous aujourd’hui. Et Jean le Baptiste a raison de les utiliser pour annoncer le Messie. Et nous, de les relire aujourd’hui en méditant sur la façon de préparer l’avènement définitif du Christ et de son Royaume.


Bref, on a une autoroute * à construire ! Dans un désert – autre image qui évoque la solitude, l’aridité, un lieu d’épreuve. Par beaucoup de côtés, notre monde actuel ressemble bien à un désert, où la lutte pour la survie imposerait normalement la solidarité plutôt que la guerre et la concurrence, comme cela aurait dû être le cas pour la COP 29 sur le climat qui n’a débouché sur rien ; mais aussi comme cela doit l’être plus que jamais, pour beaucoup de choix politiques qui décideront de l’avenir de notre planète et de nos collectivités humaines…

On sent très fort qu’on est tenté de repousser les décisions difficiles pour ne pas devoir changer de mode de vie et de système économique. C’est dramatique et inquiétant. Il faudra une forte mobilisation citoyenne (et peut-être malheureusement encore bien des catastrophes) pour faire avancer les choses… L’heure est actuellement plus au repli sur soi qu’à la prise en compte de l’interdépendance de l’humanité et de sa nécessaire unité et solidarité.

Or, les chrétiens ont aussi un message à faire entendre à ce sujet. La Bible nous y invite, elle qui déjà avait annoncé l’universalité du projet de salut de Dieu sur Jérusalem et sur tous les peuples de la terre. Les prophètes comme Baruch, Isaïe, Jean, prêchaient dans des périodes de découragement et de morosité : voilà une belle leçon de foi et d’espérance pour nous. Tous les drames de notre temps, quels qu’ils soient, ne doivent pas entamer nos énergies : au contraire, ils doivent les décupler !

Mais ces montagnes, ces collines n’obstruent-elles pas aussi nos vies personnelles ? Ne tombons-nous pas souvent nous-mêmes dans des ravins d’indifférence et de paresse, des ornières qui nous font tourner en rond dans notre vie spirituelle ou/et communautaire ?

C’est sérieux. Nous ne pouvons pas esquiver cette interpellation. La conversion est depuis toujours le thème favori des prophètes. Vouloir que le monde change n’a aucun sens si nous n’acceptons pas de nous changer nous-mêmes. Jean-Baptiste, déçu de la religion officielle, avait pris ses distances par rapport au Temple de Jérusalem – le Vatican de l’époque, malgré son ascendance sacerdotale. Il part au désert et invite ses frères juifs à le rejoindre dans ce lieu symbolique pour retrouver la ferveur du peuple hébreu traversant le jourdain (image du baptême). Et là, écrit Luc, il proclame un baptême de conversion pour le pardon des péchés.

N'y a-t-il pas là une nouvelle clé pour notre Avent ?

Après avoir commencé par nous redresser et relever la tête pour sortir de nos peurs et de nos découragements, ne faut-il pas à présent agir concrètement pour ouvrir de nouveaux chemins d’espérance, en nous attaquant à ces montagnes qui nous bloquent et nous isolent les uns des autres, ces ravins qui nous séparent de Dieu et de sa puissance de vie et de changement ?

Personne n’est enfermé définitivement dans ses erreurs, ses égoïsmes, ses travers. « J’en suis persuadé, écrit Paul à ses chers Philippiens, celui qui a commencé en vous un si beau travail (terrassement ? ouvrage d’art ?) le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus. » (Ph 1,6)

Ce que nous n’arrivons pas à faire par nous-mêmes, Dieu le peut, lui. Non seulement il le peut, mais il le veut. Avec lui, traçons une route dans le désert, une route qui nous fasse rejoindre tous nos frères qui sont captifs de chaînes d’injustice, de mépris, de jugement, en exil de la communauté humaine et d’eux-mêmes. Et libérons-nous, demandons à Dieu de nous libérer de nos montagnes, de nos ornières spirituelles qui nous entravent ! 

Pour actionner de façon simple et directe cette seconde clé, je vous invite en ce temps de l'Avent à vivre un sacrement, celui de la Réconciliation qui ravive notre Baptême. Il ouvrira notre coeur à la tendresse de Dieu qui fera refleurir nos déserts où l'eau de la grâce ruissellera en abondance. "...Et tout être vivant verra le salut de Dieu ! (Lc 3,6)


…Ce 8 décembre, l’Eglise fête l’Immaculée Conception de la Vierge Marie.

Confions à Marie notre préparation à Noël. Que Marie, l’humble « servante du Seigneur », nous aide à préparer nos cœurs à la fête de la Nativité en nous faisant comme elle humbles et accueillants devant Dieu et devant nos frères.  Amen.

 


Notes de bas de page :

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(*) Spontanément, en ces jours proches du 10 décembre, anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, je pensais à ce long, très long chemin où l’humanité a pris progressivement conscience qu’elle était une –sans distinction de pays, de race, de religion, d’opinion ou de milieu social, et que l’individu par le simple fait qu’il appartient à la communauté humaine, avait une valeur et donc des droits intrinsèques. Que de montagnes ont dû être abaissées ! Que de ravins ont dû être comblés entre les égoïsmes et les intérêts particuliers des individus et des nations ! …Et ce n’est pas fini, loin de là. On peut même dire que c’est toujours à recommencer, un peu comme les chantiers sur nos routes de Wallonie…

(**) Il faut prendre le temps de s'arrêter sur ces phrases inouïes : "revêts la parure de la gloire de Dieu" : Il s'agit ni plus ni moins de devenir porteurs du rayonnement même de Dieu pour le monde ! 

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