B DIM 25 - Un enfant au centre

 


« De quoi discutiez-vous donc en chemin ? »

Oui, frères et sœurs, de quoi discutons-nous en ce moment ?

: Jésus nous parle de sa vie qu’il va donner pour tous les hommes, les bons et les mauvais, les pécheurs et les justes ; du sacrifice de sa croix où il ne sera plus rien qu’offrande et amour,….

… et nous, de quoi discutons-nous, misère ? 

On parle tellement de futilités, où chacun a son avis, péremptoire. Et presque toujours pour critiquer. On se croirait dans l’émission de Cyril Detaeye sur VivaCité, « C’est vous qui le dites ! »

Ecouter l’émission de Cyril nous en apprend beaucoup sur la nature humaine. Parfois en bon, mais assez souvent en moins bon. Et Cyril a fort à faire pour canaliser certains excès, du genre : « Pendez-les tous ! »  Sans être un extrémiste, il est cependant très facile de juger et de critiquer les autres, hélas. De se comparer à eux. De s’estimer meilleur. Plus méritant.

C’est vrai que ce faisant, on s’absout soi-même. C’est ce qu’on appelle les boucs émissaires... Et on se place sur un piedestal : « moi, je suis bien. Inattaquable. D’ailleurs, Madame, j’ai encore entendu au journal de 13h, qu’un tel…

Nous sommes bien de la race de ceux que Jésus avait choisis pour en faire ses disciples, de la race des 12 à qui Jésus va confier son Eglise après les avoir entraînés à sa suite.


Lorsque Jésus demande à ses apôtres : " de quoi discutiez-vous en chemin ?", ils se taisent. Ils se taisent, parce que sans doute, tout à coup, ils ont honte. Ils prennent conscience que le contenu de leur discussion – c’-à-d de savoir qui parmi eux était le plus grand, est complètement à côté de l’enseignement que Jésus leur donne pour les préparer à sa passion toute proche ; mais ils ont honte aussi peut-être parce qu’ils découvrent soudainement, avec ahurissement, quelle est leur nature profonde, leurs motivations cachées… et qu’on se cache bien à soi-même.

« ils se taisaient, écrit Marc, car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand »


Ce qui pourrit les relations, c’est souvent des questions de pouvoir. Y compris dans l’Eglise, dans nos communautés... ! Si on n’y prend garde, ce qui au départ était un service accompli dans un esprit de gratuité et de générosité, devient parfois après un certain temps une « chasse gardée », une propriété personnelle par laquelle on exerce un certain pouvoir, et qu’on exerce pour obtenir la reconnaissance et les louanges des autres. Cette forme de narcissisme existe aussi bien chez les prêtres, les évêques ou les cardinaux, que chez des simples laïcs.

Le pape François dénonce souvent cette attitude ; il l’a fait il y a quelques jours encore en parlant des responsables de communautés.


Quel est l’antidote à ce chancre, cette lèpre qui pourrit les relations sociales ou communautaires ?  Jésus a un remède-choc. Il ne laisse pas voir s’il est déçu ou attristé par ce qu’il voit dans le cœur de ses apôtres, ses amis. Il s’assied – ce qui est en général le prélude à un grand enseignement, il les appelle tous les 12 (comme au jour où il les a institués apôtres), et il leur dit cette phrase stupéfiante : « Celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »


L’exact opposé de toute la logique et la sagesse humaine !  Le dernier, c’est le plus humble, celui qu’on ne voit pas, qui disparaît. Et attention, pas de façon hypocrite comme l’ont compris parfois certains qui se mettent volontiers à la dernière place pour tirer les ficelles par derrière et se rendre indispensables ! 

« L'humble n'a pas conscience de son humilité.» disait Gandhi... Le mot nous vient du latin "humus", qui signifie "terre". Ce qui vit et provient de la terre est concret, réaliste, naturel. Sans artifices.

Les fioritures naissent bien souvent d'un besoin de reconnaissance, qui nous incite à chercher à l'extérieur ce que nous ne réussissons pas à récolter à l'intérieur de soi.
En fait le "vrai" humble, serait celui qui partage et soutient de manière naturelle, sans attente, sans projection, juste pour le bien-être de son prochain.

Et, pour illustrer son propos et bien le faire entrer dans la tête de ses disciples, Jésus prend un enfant et le place au milieu, au centre. Un enfant, ce qu’il y a de plus faible, de plus humble. Et en ajoutant que celui qui accueille cet enfant qu’il met au centre, c’est Dieu qu’il accueille, il montre en fait que Dieu est un enfant, il montre l’Humilité de Dieu. C’est un geste bouleversant.

Le Créateur des mondes, la source de la vie, celui que l’on qualifie de tout puissant, en voilà donc, selon Jésus, la meilleure image : un tout petit.


Comment peut-on donc s’approcher de Dieu si on a le cœur plein d’orgueil ?  Retrouver notre enfant intérieur et le laisser prendre sa place, au centre de notre vie, peut être le vrai chemin. 

L‘enfant, c’est celui qui dépend des autres pour grandir, pour se fortifier, pour vivre ! Or, nous n’aimons pas dépendre des autres, nous sommes si fiers de nous sentir libres ! Suivre le Christ, c’est reconnaître simplement, comme un enfant, que nous recevons tout de Dieu ! Se débarrasser enfin de la volonté de toute-puissance.


Cette attitude de reconnaissance change notre regard sur notre vie, sur notre attitude de service : en reconnaissant que nous recevons tout de Dieu, nous nous libérons de cette volonté de toute-puissance et de domination. Alors, comme le Christ, nous apprenons à servir gratuitement, tout simplement. Et si on nous met à la dernière place, alors nous devons être heureux, car c’est la place de Jésus.

S’il nous arrive, Frères et Sœurs, d’être attristés par les faiblesses de notre nature humaine, les nôtres et celles des autres, pensons que cela n’empêche pas le Christ de nous aimer, de nous faire confiance, de compter sur nous.

Le regard de Jésus sur ses apôtres, qui ne les juge pas mais les aime, même avec leurs défauts, et leur révèle l’essence même de Dieu qui est Humilité et Miséricorde, voilà qui devrait nous guérir de toutes nos prétentions personnelles ou collectives, tout ce qui nous conduit à nous quereller, à nous déchirer, à nous diviser.

Que fait Jésus chaque fois qu’il voit que l’orgueil et la rivalité gangrènent son Eglise, ses communautés ?  …Il place au milieu, exactement au centre, un enfant. C’est ce qu’il a fait par exemple le jour où le pape François a été élu. C’est un cœur d’enfant.



Pour marcher à la suite du Christ, il nous faut continuellement, Frères et Sœurs, nous convertir à ce Dieu petit et pauvre, et lui demander d’exercer en nous son mystérieux pouvoir. Dans les signes de l’eucharistie, si petits, si fragiles eux aussi, qu’il vienne donc en nous et nous ouvre le cœur à son mystère. Amen.

De quoi discutez-vous en chemin ?

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