C DEDICACE DU LATRAN - "C'est vous, le Temple !"

 


La « dédicace » rappelle le souvenir de la consécration d’une église. Chaque église a en principe la sienne. Aujourd’hui, c’est plus particulièrement la Basilique du Latran qui est à l’honneur. Pourquoi ? C’est que, cette église-là, est la première église publiquement consacrée au christianisme par l’empereur Constantin en 325. Devenue la cathédrale du pape en tant qu’évêque de Rome (ce n’est donc pas la basilique St-Pierre), elle est considérée comme la « mère de toutes les églises du monde » – c’est ce qui est d’ailleurs inscrit sur son portail. Ainsi, la fête de la Basilique du Latran, c’est la fête de toutes nos églises, c’est la fête de l’Eglise peuple de Dieu.

Jadis, cette fête revêtait une certaine importance. Les cloches accompagnaient tous les événements, tristes ou joyeux, de la vie quotidienne. Le jour de la dédicace, le village se rendait à la messe le matin, puis entrait l’après-midi dans des réjouissances populaires. C’est ce qu’on appelle en certains lieux de Belgique la « ducasse » (dédicace) ou la « kermesse » (du néelandais : "kerkmis"), rappel d’une société où l’homme était pris en charge par l’Eglise, de la naissance à la mort.

Les temps ont changé. Nous sommes en train de devenir une religion à côté de beaucoup d’autres. La « dédicace » devient plutôt aujourd’hui la fête de la communauté-Eglise, faites de ces pierres vivantes que sont les hommes et les femmes attachés de tout leur coeur au Christ Jésus. Ce sont les baptisés dans leur ensemble qui forment cet édifice sans cesse en chantier, dont l’âme n’est autre que le Saint-Esprit.

La belle vision d’Ezéchiel nous montre, au seuil du Temple, une source jaillissante qui coule vers l’orient, assainit les eaux stagnantes et féconde la faune et la flore. Ce Temple, c’est l’Eglise. Le torrent, c’est le Christ qui donne vie à tous ceux qui viennent s’abreuver auprès de lui, dans les sacrements qui les font vivre. Les hommes ont besoin de se plonger dans la source pour retrouver la joie et la paix du cœur. La source, c’est Dieu.

Mais cette Eglise que nous sommes aura toujours à se purifier. L’épisode des vendeurs chassés du Temple nous le remémore.



A l’époque, il y avait donc 46 ans que le roi Hérode avait lancé les travaux pour réparer le vieux Temple de Jérusalem et en faire un des plus beaux édifices religieux du monde. Et tout autour de l’immense esplanade par laquelle on y accédait, le grand prêtre avait autorisé l’installation de marchands d’animaux (pour les sacrifices du culte) et des changeurs (pour payer l’impôt annuel). Initiative très lucrative car la clique sacerdotale retirait un pourcentage juteux de ce trafic ! Jésus, scandalisé, commence le nettoyage de toute cette foire qui souille « la Maison de son Père ». 



Et, mieux encore, il annonce une révolution : bientôt le lieu du culte, la Demeure de Dieu, ne sera plus un bâtiment de pierres mais SON CORPS.

Déclaration incompréhensible qui a laissé tous les spectateurs pantois et incrédules. Mais lorsque Jésus fut ressuscité, ses apôtres comprirent qu’il avait été, sur la croix, l’agneau unique immolé pour le pardon des péchés du monde et qu’il était dorénavant le sanctuaire vivant, le Corps, auquel, par la foi, les disciples pouvaient s’adjoindre pour devenir son Eglise, la véritable Maison où peuvent accéder les hommes de toutes les nations qui deviennent les enfants du Père.

Lorsque, 40 ans plus tard, en l’an 70, suite à la révolte juive, les Romains incendièrent et rasèrent le Temple (qui venait d’être achevé) au grand désespoir du peuple, les chrétiens ne se sont pas réjouis mais ont répété que l’on ne détruirait jamais le temple spirituel de l’Eglise.




L’incendie de Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019 nous a rappelé la fragilité de nos orgueilleuses constructions humaines. Même reconstruite, sa pérennité atteindra-t-elle celle des pyramides dont les tombeaux ont été pillés, saccagés ? Et nos petites églises de village que nous avons bien du mal à entretenir, traverseront-elles le temps ?

Seule a la promesse d’éternité l’Eglise vivante, communauté universelle, Corps du Christ.



l’Eglise, parce qu’elle est à la fois humaine et divine, « Temple de l’Esprit » et faite de pécheurs, a toujours à se rendre sainte (« semper reformanda » disait le Concile), à accepter de se laisser purifier par le Souffle divin : oui, elle a encore et toujours d’énormes défauts (goût du faste, peur des engagements, mœurs infâmes de certains membres…) ; il est courant de ne voir qu’eux et donc d’en faire la cible de critiques virulentes (et parfois justifiées). Cependant c’est bien pour que cette Eglise existe que Jésus a donné sa vie sur la croix. Et son Souffle divin continue de l’animer au travers de chaque baptisé, pour qu’elle remplisse sa mission de conduire tous les hommes à la Vie.

N’en soyons donc pas des pierres mortes, inutiles, qu’on entasse dehors. Jouons-y notre rôle. Soyons, ce que nous sommes par le baptême, des pierres vivantes où bat la joie de Dieu pour les hommes. Alors, pleins de reconnaissance, souhaitons-nous les uns aux autres : « Bonne fête, chez nous, dans l’Eglise ! »



 

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