C DIM 30 - Confiteor

 


Tous les dimanches, au début de la messe, nous sommes invités par le célébrant à nous « reconnaître pécheurs » - le « kyrie ». Je sais que ce rite donne des boutons à un certain nombre d'entre nous…

L'Église chercherait-elle encore à nous enfermer dans une image négative de nous-mêmes ? On pourrait le craindre ; de fait, les sciences humaines et l'évolution de la société nous pousseraient plutôt à rejeter tout ce qui pourrait nous enfermer dans une culpabilité. Le langage lui-même paraît à beaucoup ringard et dévalorisant : "Seigneur prend pitié" -  "miséricorde" - "pécheur"…



En fait, on est devant un problème à la fois psychologique et culturel… mais aussi théologique !

Du point de vue de la forme, j'ai l'impression que nous avons fait de ce rite dit "pénitentiel" une sorte de ritournelle composée invariablement de 3 invocations plus ou moins semblables et répétitives, agrémentée d'un petit refrain toujours le même… On passe vite dessus, avant les choses sérieuses: les textes et l'homélie. Au fond, sommes-nous vraiment touchés ? Nous sentons-nous concernés ? Il est vrai que le ton de certaines préparations liturgiques est parfois franchement culpabilisant...  versant dans une sorte d'autocritique maoiste !

J'avoue qu'en ce qui me concerne, en tant que célébrant, je ressens la difficulté pour l’assemblée de prier "à froid" cette litanie qui ne laisse guère de place à l'intériorisation (1). Pour ma part, je préférerais de temps en temps un moment de silence pour que chacun ait le temps de réfléchir et prier en lui-même…  Ou, dire simplement le "je confesse à Dieu et je reconnais devant mes frères et mes sœurs…" (Confiteor en latin) : une prière qui dans sa simplicité permet à chacun de se mettre en vérité devant Dieu et devant les autres sans faire de discours. (Souvenez-vous du père du Fils prodigue qui dans la parabole coupe la parole à son fils qui avait préparé un beau discours, pour l’embrasser…). 


D’ailleurs, autrefois, le kyrie chanté était toujours précédé du Confiteor. Il me semble qu'il serait moins monotone et peut-être plus "efficace" sur le plan liturgique d'alterner de temps en temps les différentes formes de prière pénitentielle. C'est une simple suggestion que je soumets aux membres des équipes liturgiques et à leur jugement !

 

Tout cela ne répond pas à la question : pourquoi nous reconnaître pécheurs au début de la messe ? N'est-ce pas couper la source de la Joie et "casser l'ambiance" de l'Eucharistie ?  Et justifier ainsi le préjugé de "pisse-vinaigres" moralisateurs qu'on impute aux catholiques ?

Bien sûr que non !

 

L'Eucharistie est ce moment privilégié de rencontre entre le Seigneur qui nous invite à sa table, et nous. Il importe donc de savoir qui est celui qui nous invite et qui nous sommes face à lui, le savoir-vivre élémentaire voulant que toute rencontre commence par les présentations…

L'évangile d'aujourd'hui nous montre deux façons diffé­rentes de nous présenter au Seigneur.

Le Pharisien s'évalue par rapport à lui-même et aux hommes : « Me voilà, Seigneur, tout va bien pour moi, je fais ceci, je donne tout ça, je ne suis pas comme ces gens-là... ». Un peu comme une personne qui aborderait son médecin en disant :

- « Bonjour Docteur, je viens vous voir mais, comme vous pouvez le constater, je suis en pleine forme. Je ne suis pas comme vos malades qui... »

-  « Heureux de l'apprendre, cher Monsieur. Dans ce cas, je ne vois vraiment pas ce que je puis faire pour vous. Re­venez me voir quand vous voudrez. »



Le publicain (collecteur d'impôts), lui, a réalisé qu'il ne peut pas s'attribuer à lui-même sa valeur. Il n'est pas très honnête, il est même voleur, mais il est suffisamment lucide pour comprendre ce qu'il est vraiment, comme nous tous : un être petit, fragile, dépendant, limité.  Il réalise que tout lui est donné par cet Être Tout-Puissant d'amour devant qui il se présente. Il ressent le besoin profond de son âme et devine que Dieu seul est à même de le combler, de le guérir, de le sauver. Il attend donc tout de lui.

Frères et Sœurs, est-ce dans cet état d'esprit-là que nous nous présentons devant le Seigneur, en ce moment ?



Regardons de plus près la prière de nos deux personnages qui nous représentent si bien :

Le pharisien sait qu'il est juste. Sa prière paraît parfaite, mais elle est fermée : aucune ouverture par où la grâce pourrait pénétrer. En somme il ne s’est pas mis réellement en présence de son Dieu. A la limite, Il n'en a pas besoin. Ou plutôt, si ! Il a simplement besoin de quelqu’un à qui il puisse dire qu’il est le meilleur. En tout cas, pas le dernier, non !

Pendant ce temps, le publicain va demander à Dieu de faire quelque chose pour lui. Il a besoin de Dieu pour sortir de sa misère. Il sait qu’il ne vit pas dans la justice. Aussi il demande à Dieu de l’ajuster à lui.

C’est un peu comme Saint Paul (2de lecture). Il se glorifie lui aussi d’abord : “J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi” ; puis petit à petit il change d’attitude : “Le Seigneur m’a assisté.”  Un retournement qui change tout.

C’est, je crois, Kierkegaard, un grand penseur danois du 19ème siècle, qui a écrit cette parole lumineuse : “Le contraire du péché, ce n’est pas la vertu, mais la foi”.

 



Le pape François disait, le jour de son élection : “Qu'est-ce que je suis ? Un pécheur, un pécheur pardonné. Comme nous tous… Priez pour moi“, a-t-il ajouté.

Heureux les pauvres” dit Jésus. “Heureux, disait quelqu’un, ceux chez qui il reste de la place : le contraire des hôtels quand ils affichent complet.”

: Se reconnaître pécheur, ce n’est pas du masochisme, ce n’est pas le plaisir pervers de s’avilir soi-même, c’est simplement reconnaître le besoin d’être aimés comme nous sommes - gratuitement, pour nous-mêmes. Ce que seul Dieu peut nous offrir vraiment.


Certes, chaque fois que nous entendons cette parabole, nous nous projetons dans le publicain, puisque c’est à lui que Jésus donne raison. Mais en chacun de nous, il y a sans doute des attitudes qui ressemblent à celle du pharisien :
- D’abord parce que sommes encore imprégnés de l’idée que le salut est une question de mérites, au lieu de le recevoir comme un don.
- Ensuite parce que nous avons besoin de nous sécuriser grâce à ce que nous faisons et à ce que nous sommes.


..........Et si nous avions simplement la force de nous reconnaître tels que nous sommes, riches de tout que Dieu nous a donnés, mais aussi pauvres en amour, simples pécheurs assoiffés d’amour ? Et confiants dans le pardon infini du Père, de Celui qui ne regarde pas notre péchés mais notre cœur ?




Si nous sommes vrais en face de Dieu, sans vanterie ni complaisance, nous pourrons faire la vérité dans notre vie. Et ouvrir notre cœur à la puissance infinie de son amour!

Si c'est le cas, prenons place autour de la table, le repas va être servi, Jésus nous attend. Amen.




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NOTE

(1)    On pourrait en dire autant des autres pièces liturgiques comme le sanctus, l’anamnèse, l’Agnus Dei… qu’on débite souvent mécaniquement, comme des accompagnements de salades à un repas trop lourd. Evitons donc de faire de nos rites... des ritournelles !

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