B AVENT 1 - Se laisser surprendre

 Se laisser surprendre

 


C’est drôle !

 

On vient à peine de commencer l’Avent, chacun dans sa tête est déjà en train de penser à Noël et se met tout doucement à programmer : Où, chez qui, avec qui, comment, quels cadeaux, quel menu, les vêtements, la coiffeuse… Heureusement, il y a des habitudes ; on ne doit pas tout réinventer chaque année. Et puis, il y a la publicité des magasins pour nous rappeler…

En fait, il n’y a rien d’aussi prévisible que Noël ! On sait même que Jésus va naître le 25 décembre, exactement à minuit. Tout est couru d’avance : la crèche, le sapin, les guirlandes… la messe pour ceux qui y vont, et l’oncle Jules qui oublie chaque année de répondre à l’invitation ! Et la tante Adèle qui va apporter exactement le même gâteau que l’année dernière et que toutes les années avant…

Bref, quand tout est réglé comme sur du papier de musique, il n’y a plus qu’à attendre bien paisiblement (ou dans l’agitation, cela dépend des tempéraments) le jour J - de Noël.

 


Alors, POURQUOI est-ce qu’on nous répète 4 fois, en insistant, dans cet extrait de l’évangile de Marc, qu’il faut VEILLER, être VIGILANTS ?

« Parce que vous ne savez pas quand vient le maître de maison » – vous savez, là, Celui qui est « parti en voyage » et qui nous a confié la terre et tous ses biens.

Autrement dit : Si vous ne faites pas attention, vous allez manquer la venue de Dieu. Parce que Dieu, il veut s’inviter dans votre vie. Et pas seulement à Noël (même si c’est un jour merveilleux, celui de l’anniversaire de sa Venue il y a 2000 ans en un petit enfant fragile et dans une famille qui n’avait pas de toit pour le mettre au monde).

Oui, chers frères et sœurs, Dieu veut s’inviter dans votre vie. La partager avec vous, pour l’illuminer de son Amour et de sa Paix.


Mais qui peut le recevoir – et le reconnaître, si vous et moi nous ne sommes pas vigilants et attentifs ?

Hier, je devais rentrer de Liège en voiture vers 16 heures ; il faisait déjà noir. La circulation était très dense, il y avait des travaux. Sur l’autoroute, toutes les bandes de circulation étaient occupées et il y avait constamment des chassés-croisés de camions ou d’autres vénhicules qui se dépassaient… Je vous assure, il y avait intérêt, vraiment, à être attentif ! La moindre distraction pouvait avoir des conséquences graves.

Eh bien, ce n’est peut-être pas ce type de vigilance que le Seigneur attend de nous, parce qu’elle n’est basée que sur la crainte, la peur d’un possible accident, mais c’est certainement une intensité semblable qui est requise du disciple de Jésus guettant les signes de sa venue.

Dans la Bible comme dans l’histoire humaine, Dieu vient quasi toujours à l’improviste. C’est une manie chez lui ! Et il s’invite sans tambour ni trompette.


- C’est une soudaineté, comme la rencontre de Paul avec le Christ sur le chemin de Damas. « Comme j’étais en chemin et que j’approchais de Damas, raconte-t-il dans les Actes, tout-à-coup, vers midi, une grande lumière venant du ciel resplendit autour de moi. » (Ac 22,6). Imprévisible ! Paul qui persécutait les chrétiens est renversé, retourné.  - Dieu peut se manifester même si on est loin de lui…

- Comme aussi le souligne Isaïe le prophète, dans le passage que nous avons entendu dans la première lecture et qui parle de la venue du Messie : « Ah, si tu déchirais les cieux ! Si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face. » (Là, le lecteur doit faire un tout petit silence, puis :) « Tu es descendu ! Les montagnes furent ébranlées devant ta face. »  Voyez-vous l’astuce littéraire pour faire ressentir cette soudaineté ?

- L’inattendu de Dieu et la surprise qu’il peut provoquer lorsqu’il se manifeste dans nos vies est encore visible dans bien d’autres témoignages, comme celui de Marie-Madeleine qui, au Tombeau désormais vide, pleure son Jésus (je dis « son » car elle me semble quelque peu possessive dans son affection pour le Maître). Marie-Madeleine restait donc là, près du Tombeau, à pleurer, refusant d’être consolée et de passer à autre chose – les autres disciples étaient retournés chez eux. Elle veille, dans son chagrin, devant un tombeau vide où normalement plus rien ne va se passer… Elle n’a plus rien, plus que son désir, son attente… de quoi ? Puisque plus rien ne peut être changé.

Et c’est alors qu’un homme, derrière elle, soudain, lui dit, l’appelle : « Marie ». Elle ne le reconnaît pas encore, elle le prend pour le jardinier. Elle devra apprendre à reconnaître l’irruption de Dieu. Au deuxième appel de son nom, elle se retourne encore une fois : « Rabbi ! » et elle se jette à ses pieds…


Dans une situation d’impasse totale où même l’espoir n’est plus permis, Marie-Madeleine a fait grandir sa capacité d’attendre, de veiller, de désirer… l’impossible ! Et l’impossible est venu.

Même lors de la Nativité, St Luc souligne la soudaineté imprévisible des événements : « Soudain il y eut avec l’ange une troupe innombrable de l’armée céleste qui louait Dieu en chantant « gloire à Dieu au plus haut des cieux… ». (Lc 2,13).

 

Frères et sœurs, le grand danger qui guette le chrétien et menace sa vie spirituelle, est l’habitude. L’habitude tue le désir – et entraîne la perte de la vigilance.

« Dieu, mon Dieu, je te cherche dès l’aube ; mon âme a soif de toi, comme un cerf altéré cherche l’eau vive », chante un psaume (62-63) que j’ai toujours aimé prier depuis mon séminaire.


On peut s’habituer au manque, à l’absence. Comme les serviteurs à l’absence de leur maître parti en voyage ; On peut s’habituer au fait que Dieu n’intervient pas avec fracas dans le monde pour remettre les choses en ordre. On s’habitue à aller à messe, comme si on assistait à une cérémonie, pas à une rencontre. On s’habitue à tout.

L’habitude tue l’amour.  Noël est devenu pour bien des gens aujourd’hui - même de culture chrétienne - une tradition, un rite familial ou festif, mais vidé de son sens profond. Où est le désir de Dieu, de sa Venue ? L’accueillir dans sa vie demande un retournement du cœur, comme celui de Paul, de Marie-Madeleine et de bien d’autres. D’autant plus qu’il se manifeste – qu’il fait irruption – le plus souvent de manière inattendue, comme dans l’évangile de dimanche dernier de Mt 25 : « Quand est-ce que nous t’avons vu ? Tu avais faim et nous t’avons donné à manger ? Tu étais nu et nous t’avons habillé ? Tu étais étranger et nous t’avons accueilli ? »

Cette venue s’accomplit chaque fois qu’un pauvre, un petit, un souffrant est à ma porte ou à ma portée, et que j’ai la possibilité de l’aider. Jésus l’a voulu ainsi.


Mais il vient aussi lorsque nous nous laissons surprendre par quelque chose qui est non-calculé. Le calculé se déroule logiquement sans surprise ; le cœur n’est pas touché. Le gratuit - le geste, la démarche spontanée, le jaillissement du désir d’aimer et de donner, la beauté de la gratuité nous bouleverse et nous surprend. Le cœur est touché. Dieu est alors présent. Cela peut être un paysage, une musique, une rencontre, un geste de tendresse, de compassion…



Frères et sœurs, au seuil de cet Avent, rangeons nos vieilles habitudes et demandons-nous : Quel est l’improviste dans ma vie ? Quelle place je laisse à l’inattendu de Dieu ? Ai-je encore envie de me laisser surprendre par Lui ? 
(Comme par la tente qui est montée à côté de la crèche et qui nous invite à penser à ceux qui n’ont pas de logement décent, c’est notre thème d’Avent de cette année.)




Seigneur, ton prophète Isaïe disait : « Seigneur, tu nous as livré au pouvoir de nos fautes » :

Violence, guerre, injustice, pauvreté, abus, laïcité antireligieuse… Et tu ne fais rien !

Cependant, Jésus a dit : « Je m’en vais, mais je reviendrai ».

Son absence n’est donc pas définitive. Ai-je encore la foi ?

Seigneur, aide-moi à être un veilleur au cœur du monde !  Amen.



écoutez (et priez) le psaume 62 en cliquant :



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