C PENTECÔTE - L'Esprit Saint et le joueur de Ney
Quand j'étais
gamin,
dans l'Eglise Catholique, on parlait peu de l'Esprit
Saint… en tout cas le moins possible: on ne savait pas
trop comment en parler. On nous
parlait surtout de Jésus…
Est-ce que vous vous souvenez de votre catéchisme ? Je sais, c’est loin… ! Mais peut-être, comme moi, vous aimiez bien ce livre broché avec de jolies illustrations (déjà en couleurs à mon époque). Alors, un peu par curiosité, j'ai eu l'idée saugrenue d'aller voir ce qu'on disait dans mon petit catéchisme de mon enfance.
Question: " Qu'est-ce que le Saint-Esprit?"
Réponse: " Le Saint-Esprit est la troisième personne de la Sainte Trinité, égal
en tout au Père et au Fils".
Voilà qui est très bien…
Très bien,
mais, il me semble, très loin de l'expérience que lesApôtres
font de l'Esprit Saint, très
loin de l'expérience que nous pouvons en faire dans notre
démarche de foi.
Contrairement au catéchisme de mon
enfance, le Nouveau Testament évoque l'Esprit Saint non comme une définition dogmatique, mais
comme une dimension essentielle
de
la vie de foi.
C’est nous, les Occidentaux, gens de la modernité, qui
avons toujours besoin de tout définir, de mettre les choses et les personnes
dans des cadres… Mais ce n’est pas le cas du peuple de la Bible, ni de beaucoup
d’autres peuples dans le monde encore aujourd’hui.
Pas de définition donc,
mais des images, et elles sont
multiples :
Chez St Luc, c'est le feu qui embrase les disciples et les amène à proclamer
la Bonne Nouvelle du Ressuscité.
Chez St Paul, c'est la liberté, la liberté de Dieu qui, seule, peut nous conduire à la vie en
Dieu.
Chez St Jean, c'est la vérité, la vérité de Dieu qui prend place en nos cœurs. Il en parle aussi comme d’un
Défenseur, un Répétiteur qui rappelle et fait comprendre les paroles de Jésus.
Des images multiples, parce que l'expérience de foi est multiple.
Et vous, qu’est-ce que vous diriez ??
Qui est pour vous l’Esprit-Saint ? Dans votre expérience
personnelle de vie…
Alors oui, c’est difficile
de définir l'Esprit Saint, en tout cas de le nommer… et je comprends l'embarras
des rédacteurs des catéchismes
de mon enfance!
Pourtant, dès les premières pages de la Bible, il est question de l'Esprit Saint, de l'Esprit de Dieu : "La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l'abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. (Gn 1,2)
Quand Dieu crée
l'humanité, quand il les crée homme
et femme, il les
crée "à son image", à sa "ressemblance". (Gn1,27 et 1,26)
Le deuxième poème de la création dit la même chose, mais un peu autrement: "Le Seigneur Dieu insuffla dans ses narines une haleine de vie, et l'homme
devint un être vivant". (Gn 2,7)
Autrement dit, l'Esprit Saint, c'est
la respiration de
Dieu. Dieu respire en nous. C'est
sa vie qui est en nous.
Et c'est bien l'expérience que vivent lesApôtres
en ce jour de Pentecôte: ils découvrent
que
Dieu respire en leur cœur.
Ils ne le savaient pas?
Ils ne s'en étaient pas rendu compte. Ils étaient comme des morts
qui ne respirent plus !
Le jour de Pentecôte,
ils font cette découverte extraordinaire:
la vie même de Dieu est au cœur de leur propre vie. Dieu respire en eux.
Mais alors…
Si ma
respiration, c'est la respiration même de Dieu, alors… tout est
possible!
Je n'ai plus de raison d'avoir peur, peur des
autres, peur de moi-même, peur de la mort: c'est la Vie (avec un grand V) qui est en
moi !
Cette découverte, on ne peut pas
la garder pour soi. Et voilà les Apôtres dehors!
Ils disent
à tous ce qui leur arrive, ce
qu'ils
ont découvert. Et tout le monde
les comprend, et tout le monde s'étonne: c'est
étonnant de voir quelqu'un respirer, c'est étonnant la vie!
On a envie de les aimer, ces inspirés
respirants, tout simplement parce qu’ils inspirent l’amour, parce qu’ils sont
aimants de toute la Création !
Si vous en rencontrez, vous ne pouvez pas les
louper : on voit si bien qu’ils sont des Vivants, on aspire à recevoir
d’eux quelque chose de leur souffle, de leur énergie, de leur amour…
La respiration, c’est
deux mouvements : inspirer…….. expirer……..
L’un ne va pas sans l’autre, et vice versa.
Aussi indispensables l’un que l’autre.
Alors si j’inspire le Souffle de Dieu (dans sa parole, la prière, les sacrements - l’eucharistie..., dans la nature aussi et y compris dans toutes mes rapports spirituels avec mes frères humains, si donc j’inspire : je dois aussi expirer. Rendre le Souffle – la Vie :
Et ça, c’est l’évangélisation. Le partage de
Vie. Et qui n’est pas une entreprise d’endoctrinement, n’est-ce pas : c’est
simplement laisser le Souffle passer à travers moi, par mes sens, mes facultés,
mon intelligence, mon cœur surtout… pour que la Vie de Dieu se communique à
d’autres, beaucoup d’autres. Je dois le donner, en me donnant - comme Jésus.
Et pour exprimer cela, encore une image : connaissez-vous les derviches tourneurs ? Certainement vous en avez entendu parler ! Dans la tradition des mystiques soufis de l’Islam, les derviches sont des adeptes d’une pratique qui mêle la danse et la méditation. Lorsqu’ils tournent sur eux-mêmes en cercle, les derviches symbolisent l’harmonie de l’univers, la circulation de l’énergie divine, et l’aspiration de l’âme à retrouver sa source en dépassant son ego.
Or, les derviches sont accompagnés dans leur
danse par un joueur de ney, qui est une flûte oblique en roseau. Dans la tradition spirituelle soufie, le ney est le
symbole d’un homme vidé de lui-même, devenu canal d’un souffle supérieur,
produisant des paroles justes, harmonieuses. C’est cela qui lui donne sa
dimension initiatique.
Comment ne pas voir dans la pratique de cet instrument une image
de l’Esprit Saint qui anime l’homme de sa divine respiration ?
Un
célèbre joueur de ney, Kudsi Erguner, explique : « Lorsque
le ney résonne, la conscience se connecte avec la mémoire enfouie de ce qui est
éternel. L’auditoire pénètre l’espace du souvenir de Dieu, qu’on appelle le
zhikr. Et par sa musique, le ney invite les auditeurs à entrer dans un temps
agréable, dans un sens spirituel et non charnel. Tous deux ressentent une joie
profonde dans cette communion de l’instant qu’on appelle samâ. Le samâ signifie
l’écoute, visant l’élévation de l’âme et la communion avec le divin.
[…] C’est d’ailleurs un des fondements de l’enseignement soufi: servir et
écouter. Écouter vraiment, pas parler de banalités, mais écouter un verset du
Coran, une poésie, une musique."
Kudsi
et Arzu Erguner, Rûmî et les derviches tourneurs, la véritable histoire.
Editions Albin Michel, avril 2025.
Alors,
vous n’oubliez pas de respirer ?
D’inspirer….
(la foi, l’amour et la tendresse,
l’espérance et la joie qui jaillit de la Source de Vie, de l’Evangile, de la prière
surtout la prière d’adoration…) et d’expirer…. (la Justice, la Vérité,
la Bonté, le Souci des autres et de la création, le partage des biens…)
Pouvons-nous
oublier de respirer?
S'il
nous arrivait d'oublier que c'est Dieu qui vit en nous, et que, sans lui, nous
n'aurions pas de souffle, pas de
vie…
S'il
nous arrivait d'oublier Dieu, nous
serions… comme des morts qui ne
respirent plus!
Et l’Eglise s’étoufferait ; le monde s’asphyxierait :
ce monde qui ne respire que les vapeurs toxiques et délétères du matérialisme
ambiant et la fumée corrosive de la vanité des egos déments.
Alors,
comme ces malades des poumons à qui on doit mettre un masque à oxygène et qui
aspirent avidement la moindre molécule d’air, rebranchons-nous vite sur la
Grande Respiration de Dieu, l’Esprit de Pentecôte que nous avons reçu à notre
baptême et à notre confirmation.
Vite !
MEDITATION :
SOUFFLE
« Le souffle en moi s'épuise, mon
cœur au fond de moi s'épouvante...
Ton Souffle est bienfaisant.. »
Psaume 142
Nous sommes à bout de souffle, halètent les patients qui sentent la vie les quitter.
Nous sommes à bout de souffle, crient les soignants qui se voient submergés par les arrivées massives en réanimation.
Nous sommes à bout de souffle, clament les patrons d'entreprises à l'arrêt, qui n’ont plus de commandes ni de livraisons.
Nous sommes à bout de souffle, s’angoissent les ouvriers craignant la perte de leur emploi, portes fermées, manque d'argent.
Nous sommes à bout de souffle, confient les parents confinés avec leurs enfants dans d’étroits logements.
Nous sommes à bout de souffle, gémissent les anciens condamnés à la solitude et privés de relations.
Nous sommes à bout de souffle, avouent les croyants qui ne connaissent guère la vie intérieure et n’ont plus droit aux rassemblements.
Nous sommes à bout de souffle en ce
temps de crise
et pourtant :
Le Souffle de Dieu, brise légère, est encore offert à tous et nous guidera sur de bons chemins
si nous épousons son mouvement,
si nous nous laissons habiter par lui,
si nous respirons à pleins poumons le don de la vie qui nous est confiée,
ce don de l’amour que chacun porte en soi et que Jésus lui-même nous a partagé.
Présence encore cachée.
Mais bientôt
Il sera grand temps de nous mettre à l’unissons de cette « Ruah Yahweh »,
cette puissance de vie qui traverse
la Bible,
transperce des êtres
et ranime vivants et morts.
Jésus, Fils Bien-Aimé de Dieu, en
était rempli sans mesure.
Son souffle guérissait, son souffle relevait, donnait des forces neuves...
et pourtant comme nous,
sur son chemin de croix, nous l’avons vu :
Il haletait, soudain privé de souffle,
jusqu’à la croix, torture pour le souffle,
jusqu’à remettre enfin, entre les
mains de son Père,
en Dieu, qui était bien son Père,
son esprit, son dernier souffle de
confiance
d'amour et de pardon, d'espérance infinie
pour le dernier des humains.
La mort a fait son œuvre,
mais au-delà du voile et de la déchirure,
un grand vent est passé,
vent d'orage,
vent que nous découvrons au
troisième jour
vent de résurrection.
Jésus Seigneur, premier ressuscité dans la gloire du Père,
au cinquantième jour
répandra en abondance le Souffle d’en-haut,
incompressible don offert à tout
vivant
Hier, Aujourd’hui et Demain.
Saurons-nous l’accueillir pour de nouveaux enfantements ?
Des jours de la Passion
jusqu'au Jour de Pentecôte,
pour un Après qui ne finira pas...
Paroisse Saint-Raphaël-Archange, Île Bizard, avril 2020 en temps de confinement
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