B CAR 02 - Laissez-vous aimer !
Homélie 2è dim. de carême B – 25 février 2024
Chers frères
et sœurs,
Je ne
sais pas ce que vous pensez des lectures qui nous sont proposées aujourd’hui – (comme d’ailleurs en général
les prédicateurs n’ont qu’une idée très vague de ce que leurs ouailles pensent
et comprennent des textes bibliques ou de leurs homélies…).
On s’y perd souvent un peu, et on se demande (-si
on a écouté) quel rapport il peut bien y avoir avec notre vie personnelle, ma
vie… Souvent aussi, nous constatons que ça ne va pas changer grand-chose à
notre vie, notre train-train. Sauf si quelque chose nous bouleverse,
nous touche au plus profond et nous retourne d’un coup : paf !
Est-ce
que cela vous est déjà arrivé ?
Bon, je ne crois pas que ça risque d’arriver avec le texte de la première lecture tirée de la Genèse. Vous devez vous dire que cette histoire d’Abraham à qui Dieu demande de sacrifier son fils unique est quelque chose d’absolument imbuvable, incompréhensible, inadmissible : comment des textes qui parlent de sacrifices humains peuvent-ils encore être lus à messe ? Quand j'étais petit, au catéchisme, on lisait ce récit où Abraham faisait porter à Isaac tout innocent le bois qui devait servir au sacrifice ; et le commentaire c'était qu'on devait admirer la foi et l'obéissance du patriarche...
Quelle image de Dieu ces textes donnent-ils : celle
d’une idole cruelle qui teste la soumission de ses fidèles en leur demandant de
sacrifier ce qu’ils ont de plus cher ? Bon, on a quand même sauvé in
extremis la vie de l’enfant en lui substituant un bélier, mais quand
même ! Et puis les sacrifices ‘pour faire plaisir à Dieu’, par exemple en
carême, c’est fini : c’était une autre époque…
Eh bien,
si c’est ce que vous pensez, dites-vous que vous êtes tout à fait normal !
Dieu – en tout cas le Dieu chrétien – ne réclame aucun sacrifice ! Ce sont les hommes qui ont inventé cela, c’est du paganisme en plein. S’attirer les faveurs de la divinité en les payant en quelque sorte… D’ailleurs même les prophètes de l’AT ont réagi :
« Cessez
d’apporter des offrandes inutiles, cessez de m’offrir la fumée des sacrifices,
j’en ai horreur » (Is 1,13). Et chez Amos : « Quand vous me présentez des
holocaustes et des offrandes, je n’y prend aucun plaisir. Mais que la droiture
soit comme un fleuve, et la justice comme un torrent qui jamais ne
tarit. » (Am 5,22.24)
Jésus
lui-même reprendra en la citant une phrase d’Osée (Os 6,6) : « C’est
la miséricorde que je veux et non les sacrifices. » (Mt 9,13 et 12,13)
Voilà qui
est clair et net. Ça ne veut pas dire que le texte proposé en 1ère
lecture soit inintéressant, mais il faut pouvoir le lire au second degré. J’y
reviendrai.
Je reprends ma question : Qu’est-ce qui peut donc m’aider dans les lectures qui nous sont proposées pour ce 2è dimanche de carême ?
Et d’abord,
qu’est-ce que c’est le carême ?
On peut déjà
dire : ce n’est pas se priver de chocolat ! Le danger, c’est :
de faire des « efforts de carême » - ceux qu’on appelle ainsi :
le jeûne, la prière, le partage – d’en faire des buts en soi, alors que
ce ne sont que des MOYENS ! (Comme le petit gamin au catéchisme qui
déclarait : « Le carême, c’est une boîte dans laquelle on met des
sous pour les pauvres. »)
Quel est
alors le but du carême ? Eh bien le texte de l’Evangile nous le montre aujourd’hui : =>
C’est être tous et chacun transfigurés dans la Résurrection du Christ, après
être passés nous aussi par sa mort. Rien que cela !
L’entraînement du carême, c’est pour nous
préparer à vivre de la vie même du Christ. La vie de ressuscité. Celle que nous
avons déjà reçue en germe à notre baptême. Et pour cela, il nous faut
accepter de mettre nos pas dans ceux de Jésus, et de mourir à notre petit
« moi » égoïste : c’est ce que nous avons fait en recevant les cendres
le 1er jour du carême.
.........Mais
est-ce que nous en avons envie ?.....................
Nous nous
contentons souvent d’un « entre-deux » : la satisfaction d’avoir
accompli quelques actions méritantes, un geste de partage lors de la collecte
de carême, un peu plus de prière, quelques économies sur les douceurs ou moins
de sorties ou de restos…
Alors
que le carême, c’est un temps privilégié pour se découvrir tellement aimé de
Dieu, que cet amour inconditionnel et extraordinaire transfigure ma vie
et me fait voir tout : moi-même, les autres et le monde, autrement !
Cette lumière intérieure irradie et le transfigure -c’est un mot compliqué, il signifie le passage d’un état à un autre (trans)…
Bon, on peut
déjà retenir que c’est l’amour qui nous fait exister, l’amour de
Dieu, des autres… Et cet amour nous transfigure. En fait, il nous
rétablit dans ce que nous avons de plus essentiel, il nous fait advenir à
nous-mêmes, à notre être véritable. Celui que Dieu avait dans la tête en nous
désirant et en nous créant…
Vous avez déjà remarqué combien l’expérience d’être aimé de quelqu’un nous rend beaux, nous illumine… nous transfigure. Expérience vitale pour un bébé, mais aussi à tous les âges de la vie. Même un vieillard, quand quelqu’un lui sourit et qu’il se sent aimé, il est illuminé !
Eh bien, si une personne
s’ouvre totalement à l’Amour divin, sans aucune barrière, il devient comme
le Christ, comme Jésus au Thabor : purifié par cet amour de tout ce qui
encombre l’âme et voile son être profond, il ne peut empêcher cette lumière
intérieure de rayonner à travers lui. Il devient un être d’amour.
Un « porte-bonheur » au sens qu’il apporte du bonheur et de la joie
autour de lui en communiquant quelque chose de Dieu… vous en connaissez sans
doute, de ces personnes, non ?
N’est-ce
pas cela le vrai sens du carême, frères et sœurs ? Loin des efforts fastidieux et des
pénitences rébarbatives, des « sacrifices » des catéchismes
d’autrefois : Ce qui me rend bon, ce ne sont pas mes actes faits à coup de
volonté, c’est l’amour que je reçois et que je laisse infuser en moi
pour qu’il habite mes actions. …Et il faut sans doute pour pouvoir
l’accueillir, gravir une montagne : comme Abraham qui a enfin compris son
erreur, comme lui abandonner les fausses images qu’on s’était fait de Dieu, et
croire à son amour sans conditions !
Laissez-vous
aimer durant ce carême, frères et sœurs ; laissez venir au jour la lumière
qui est en vous ! Amen.
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