C DIM 03 - Faire corps !
« Je
crois du fond du cœur que Dieu a une mission pour Donald Trump ».
Cette phrase entendue de la bouche d’une brave grand-mère lors de l’investiture du 47ème président des Etats-Unis, déclarant même au journaliste qui l’interviewait que « Dieu a entendu ses prières », ces propos nous disent quelque chose des divergences qui peuvent exister entre des croyants d’Eglises qui, toutes, se réclament du même Fondateur, Jésus-Christ.
Je ne commenterai pas davantage cet exemple tiré de l’actualité. Il se trouvera par ailleurs dans le monde autant de chrétiens moins influencés par les courants évangélistes fondamentalistes, qui verront dans le retour de ce personnage non seulement un danger pour la démocratie, mais aussi un démolisseur acharné d’une certaine vision de l’homme et du monde élaborée patiemment durant des siècles de christianisme et qui est à la source de notre civilisation. La seule parole de Jésus qu’il semble avoir (mal) comprise et reprise à son compte serait sans doute celle-là : « Celui qui n’est pas avec moi, est contre moi. » (Mt 12,30)
En
tout cas, ce phénomène a de quoi nous interpeller en ce moment où nous célébrons la
Semaine mondiale de Prière pour l’Unité des chrétiens. Il est clair que le
recul des Eglises traditionnelles -catholiques, luthériennes principalement, aux USA mais
aussi un peu partout dans le monde, ce recul favorise la croissance actuelle
d’une efflorescence d’Eglises autoproclamées sans véritable magistère, mais
beaucoup plus actives politiquement et souvent ultraconservatrices. En Russie,
Poutine, lui aussi, a bien compris l’intérêt de s’appuyer sur l’Eglise
orthodoxe traditionnellement conservatrice avec le patriarche de Moscou à sa
botte, qui voit également en lui un « messie » chargé de rétablir
« l’ordre » social et moral tel que Dieu l’aurait conçu de toute
éternité…
Soyons justes : Au long de l’Histoire, il s’est trouvé quand même une longue litanie de chrétiens issus de différentes Eglises qui, au nom de leur foi et de leur vision de l’humain, se sont opposés aux pouvoirs en place et l’ont d’ailleurs fréquemment payé du martyre et de la persécution – c’est encore le cas dans de nombreux pays, dont la Chine, l’Inde, l’Afrique du Nord etc.
En
tout cas, que ce soit du point de vue des relations entre Eglises et Etats ou du
point de vue de la doctrine et du dogme, et surtout le point délicat de
l’autorité et de la gouvernance, il y a encore beaucoup de travail pour
réaliser cette unité que le Christ a lui-même voulu pour ses disciples !
Des progrès sérieux ont pourtant été réalisés depuis 30 ans, principalement
entre les Eglises officielles qui ont fait des pas importants les unes vers les
autres, partant de la reconnaissance réciproque d’un même baptême. Aujourd’hui,
les catholiques, les luthériens et les chrétiens issus de la Réforme, les
anglicans et dans une certaine mesure les orthodoxes, se sentent davantage
membres d’une même famille aux multiples visages. Des relations de respect et
même de collaboration se sont installées, là où ces différentes Eglises
coexistent.
On
a depuis longtemps abandonné cette idée que l’unité devait se faire par
l’absorption ou le « retour au bercail des brebis récalcitrantes ».
Des anathèmes, il n’y en a plus.
Reconnaître que dans chaque Eglise particulière se donne à voir et à vivre quelque chose du Corps unique du Christ, de l’Eglise universelle du Christ, fut et reste un très très grand saut en avant ! Un pas fondamental. Une Eglise ne peut pas contenir à elle seule le tout de la réalité du Corps du Christ. Autrement dit, les autres Eglises non seulement ont le droit à l’existence, mais on devrait dire en allant jusqu’au bout de cette logique qu’elles sont mêmes nécessaires, pour que ce visage, ce Corps global du Christ soit manifesté dans toute sa richesse et sa diversité.
Corollaire
de cette « unité organique » : « Il [Dieu] a voulu ainsi
qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres
aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les
membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous
partagent sa joie… » (1Co 12,12-30)
Nous
sommes tous membres de ce Corps, et ensemble, nous sommes le Corps du Christ, assène Paul dans cette
grande vision. Et lui, Paul, qui a souffert des divisions et des rivalités
entre chrétiens d’origine juive et les païens convertis, entre ceux qui étaient
des hommes libres et les esclaves devenus chrétiens, il rappellera avec force
que dans la Foi, entre tous ceux qui sont baptisés d’un unique Esprit, il n’y a
plus ni Juif ni païen, ni homme libre ni esclave, et même ni homme ni femme,
mais désormais seulement l’Homme nouveau créé à l’image du Christ. (cf Ga 3,28)
Cette vision ne gomme pas les différences, elle ne les nie pas, mais au lieu d’en faire des motifs d’exclusion ou de marginalisation, elle reconnaît qu’au-delà de ces différences, il y a quelque chose de complètement fondamental qui les réunit : c’est le Don de Dieu, l’Esprit du Christ, qui est répandu sur tous les baptisés et qui réalise en eux de façon diverse les charismes qui doivent être mis au service du Corps entier.
Aujourd’hui, cette vision d’ouverture imprègne beaucoup de nos communautés d’Eglise ; chez nous catholiques, elle inspire aussi ce qui a été développé au cours du dernier synode, une façon de vivre l’Eglise qui s’appelle « la synodalité » ou chacun peut et doit apporter sa part à la construction du Corps vivant du Christ qui est l’Eglise, appelée à être ouverte à tous vents – le vent de l’Esprit.On
est quand même un peu à l’opposé des replis identitaires et nationalistes instrumentalisant
les religions pour en faire des facteurs de division, ainsi que l’actualité
nous le montre… non ?
…Et
si nous commencions chez nous ? dans nos familles, notre travail, nos
paroisses… ?
Commentaires
Enregistrer un commentaire