C ASSOMPTION - Marie danse !

 15 août 2022 - Assomption de la Vierge Marie


Je ne puis pas m’empêcher d’imaginer, de voir Marie danser en chantant son « Magnificat » ; il me paraît impossible qu’elle prononce ces paroles en se tenant de façon statique : Mon âme exalte le Seigneur… Il s’est penché sur son humble servante… Désormais tous les âges me diront bienheureuse… »

Au cœur de l’été, l’Assomption est un des grands rendez-vous annuels de l’Eglise. Elle met en route beaucoup de monde pour la fête, les vacances et les retrouvailles. Malheureusement nous ne savons plus exactement pourquoi…



Il y a deux manières de célébrer Marie : l’extraordinaire, à la limite du mythologique que beaucoup ne supportent plus, et l’ordinaire, celui de tout être humain en ce monde.

L’extraordinaire nous entraîne dans un déploiement imaginaire et merveilleux qui peut nous agacer, et qui pourtant nous aide à prier. Le texte que nous avons entendu en première lecture est le refrain du chant que nous entonnerons tout à l’heure. « Nous te saluons ô toi Notre-Dame… »

Nous sommes dans le ciel : un monde totalement imaginaire et irréel. Une femme apparaît sur la voute étoilée, elle est vêtue du soleil, la lune est sous ses pieds. Elle est enceinte. Elle est face à un dragon. C’est une étonnante bête rouge, avec dix têtes et dix cornes, qui balaie de sa queue le tiers des étoiles pour les précipiter sur la terre. C’est apocalyptique ! Comme dans les films, les chansons, les jeux vidéo : un monde imaginaire qui parle des combats entre les forces du mal et celles du bien.


Cette femme est au cœur du combat de la vie et de la mort, dans le ciel comme sur notre terre. Nous croyons tous à la vie et nous voudrions qu’elle gagne !

Cette femme met au monde un enfant. Toute la Tradition a reconnu en elle Marie, la mère de Dieu. Elle est la Theotokos, « celle qui porte Dieu ». C’est un dogme de l’Eglise depuis les premiers siècles. Elle crie dans les douleurs et la torture de l’enfantement, comme toute femme depuis la nuit des temps, ce que la Genèse attribue à la faute de l’homme, quand Adam et Eve se détournèrent de Dieu. L’apocalyptique rejoint ainsi le mythologique, mais aussi nous ramène aux réalités de la terre : la souffrance de l’humanité pour qui la vie est difficile, insupportable parfois.  

Marie est la femme, « Eve nouvelle », qui met au monde l’enfant qui sera « le berger de toutes les nations ». Cet enfant c’est le Christ qui apporte le salut à l’humanité.  Cette vie donnée dès l’origine, redonnée et pardonnée grâce à la tendresse miséricordieuse de Jésus, au cœur de l’histoire où se manifestera « la puissance et le règne de notre Dieu ».

Cette femme dans le ciel, la Tradition dit qu’elle est vierge : celle qui est protégée par Dieu de toutes les atteintes du mal, du péché et de la mort. Elle est pure de tous ces maux. De la mort même : le jour de l’Assomption nous faisons mémoire de « son élévation dans la gloire du ciel, avec son corps et avec son âme », comme l’a défini le Pape Pie XII en 1950, dans ce que l’on appelle le dogme de l’Assomption.  

Mais si l’Eglise catholique en a fait un dogme, pour le peuple chrétien, en occident comme en orient, c’était une évidence depuis des siècles que Marie ne pouvait qu’être totalement assumée, assomptionnée en Dieu à la fin de sa vie terrestre comme Jésus son fils. Car elle est la pauvre par excellence ; elle est depuis toujours totalement vide de soi, rien d’autre qu’accueil, acquiescement à la volonté de Dieu comme aiment le souligner Maurice Zundel, saint Bernard et bien d’autres…

Ce vide, cette béance qui permet la fécondité à la vie de Dieu, nous est rappelée par l’image de la grotte, représentée sur les icônes grecques de la Nativité, et dans la symbolique de la grotte de Lourdes. Marie est l’illustration la plus parfaite de la première des béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume de Dieu est à eux ». Elle vivait ce Royaume dès sa vie terrestre, déjà morte à elle-même, vivante en Dieu, pour Dieu. Nous, qui sommes tellement pleins de nous-mêmes, il nous faut encore passer par la mort pour y entrer.

 

La fécondité de Marie s’exerce continuellement jusque aujourd’hui. Marie donne la vie en plénitude, en commençant par son premier-né, Jésus. Elle donne l’amour dans toute sa pureté et tout son accomplissement. Elle est le réceptacle le plus parfait, le plus pur de la vie, comme nous souhaiterions l’être, comme nous souhaiterions que soit notre époux, notre épouse, notre enfant… C’est cela le sens le plus juste de la virginité, ce n’est pas ne pas avoir des relations sexuelles, c’est devenir pauvre de soi-même pour être riche de Dieu, riche d’amour…

La fête et les lectures de ce jour nous ramènent à l’ordinaire de notre humanité. En effet le langage extraordinaire risque de faire de Marie une déesse, et de la mettre au-dessus de tout, de Dieu même. Certaines dévotions, certaines formulations de chants nous interrogent.

La seconde lecture, la lettre de Paul aux Corinthiens, nous dit bien que nous ne sommes pas dans un autre monde : « La mort étant venu par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. » Dans notre actualité nous sommes confrontés à la violence, à la haine, aux injustices…  Jésus les assume jusqu’à la mort et les prend avec lui pour nous aider à traverses ces épreuves qui nous frappent si régulièrement !


La troisième lecture, l’Evangile nous présente Marie dans toute sa simplicité. La rencontre de ces deux femmes, Elisabeth et Marie, dans le récit de la Visitation, si bien décrite par saint Luc, nous permet de contempler celle qui est de notre race, celle qui nous ressemble. Marie est celle qui va voir sa cousine qui en est à son sixième mois, celle qui est, après la mort de son fils, sera présente au Cénacle aux amis de son fils, à leur détresse… eux qui ne comprennent toujours pas. Marie est toujours disponible.

Marie est mère dans les situations humaines qui sont les nôtres… De son enfant elle vit pauvrement la naissance à la crèche, l’itinéraire étonnant et bouleversant de son existence, la mort douloureuse et intolérable… Chacune des mamans de cette terre pourrait faire mémoire de ce qu’elle a vécu avec son enfant… Marie ne comprend pas toujours mais elle médite à chaque instant ce qui lui arrive, elle médite tout cela dans son cœur. Peu à peu la lumière se fait et tout s’illumine au bout du chemin. C’est ainsi qu’Ignace de Loyola, dans sa contemplation de la Résurrection, imagine que le premier être humain à qui Jésus apparaît est, sans aucun doute, sa mère… la première en chemin !

C’est cette mère que l’on vient prier à Lourdes, à Beauraing, à Banneux, où l’on prie la vierge des pauvres… On s’adresse à elle parce qu’elle est mère, qu’elle nous comprend et qu’elle saura parler à son fils, à Dieu, comme à Cana. Elle saura dire les mots qu’il faut pour qu’il nous sauve, pour que nous reconnaissions que sans lui nous ne pouvons rien faire pour sortir de notre mal et des combats infernaux de la vie.


Finalement Marie nous montre le chemin de notre humanité car justement elle n’est pas une déesse. Elle est ce que nous rêvons d’être, l’homme et la femme par excellence… Ce que nous désirons au plus profond de notre cœur : la sainteté dont parle avec tant de bonheur le Pape François.

Marie est ce que nous sommes en réalité. Elle nous montre comment y trouver des signes de vie et d’espérance… Elle nous entraîne à la louange du magnificat, à la miséricorde du pardon.

Marie, par son exemple, nous aide à vivre et à aimer. 

Alors, ne nous lassons pas de la prier ! Amen !

 

(grotte restaurée de l'église St Jean-Baptiste de Mont-Dison)

Voulez-vous une petite histoire pour terminer ? Elle nous montre toute l’humanité de Marie :

Je ne sais pas si vous connaissez Notre-Dame du Laus, près de Gap dans les Hautes-Alpes. C’est un lieu où Marie est apparue de nombreuses fois à une pauvre bergère (encore une !), Benoîte Récurel entre 1664 et 1718. 

Même si vous ne croyez pas aux apparitions (moi j’y crois), j’aime beaucoup cette petite anecdote qu’on raconte dans les manuscrits du Laus :

« La Mère par excellence (un titre qu’on donne là-bas à la VM), voyant Benoîte tomber presque de lassitude, lui dit de se reposer. Alors, Benoîte, qui avait beaucoup de caractère et de spontanéité quand elle s’adressait à la Vierge, elle lui dit : Oui, mais qui va garder alors mon troupeau ?

Alors Marie, elle lui répond : « Reposez-vous, moi je garderai votre troupeau. »


Voyez, par rapport à toutes nos lassitudes de vie, notre Mère du ciel ne nous dit pas « débrouille-toi » ; elle ne dit pas « fais des efforts », elle nous dit : « reposez-vous un peu, et moi je vais m’occuper de votre troupeau. » Cela me parle beaucoup, ça !

Nous pouvons confier – abandonner – complètement à Marie tous nos troupeaux, vos troupeaux d’enfants, vos troupeaux de problèmes, troupeaux de soucis, et les laisser sous la garde de Marie qui veille sur chacun.

Bénis sois-tu Seigneur, en l’honneur de maman Marie.


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