C EPIPHANIE - Chercher l'étoile

 EPIPHANIE 02/02/2022 : "CHERCHER L'ETOILE"


Y a-t-il vraiment eu une étoile dans le ciel de Bethléem ? Ou bien Matthieu l’évangéliste a-t-il tout inventé ?


La question n’est pas anodine : A l’époque des « fakes news » où le statut de vérité est constamment remis en cause entre autres à travers les réseaux sociaux, où les complotistes, les démagogues et les antivax de tout poil inondent l’internet de fausses études et de jugements soi-disant scientifiques, où l’on doute systématiquement de tout - du moment qu’une autorité établie l’énonce,  et où un certain Trump a pu utiliser le concept pour le moins incroyable de « post-vérité »…, 

bref, comment le citoyen ou le paroissien lambda ne se demanderait pas si on ne lui a pas raconté des salades à propos de cette histoire d’étoile et de mages ?


Il y a en gros deux tendances : Les tenants d’une lecture littérale et fondamentaliste de la Bible la croient vraie à la lettre. Et si la science la contredit, c’est la science qui est en tort selon eux. Il y en a encore beaucoup, surtout chez les protestants évangélistes.

À l’inverse, d’autres lecteurs, de tendance plutôt moderniste ou post-moderniste, affirment catégoriquement que rien de tout cela n’est historiquement arrivé, et que Matthieu a habilement construit un récit mythique en empruntant à diverses traditions, afin de montrer le caractère messianique et universel de la naissance de Jésus. Par exemple, il aurait pu observer la fameuse comète de Halley en +66 et l’utiliser pour décrire le sens de l’évènement de Bethléem, même si elle n’est pas passée dans le ciel cette année-là…

Le problème de ces lectures est qu’à force de démythologiser, il ne reste plus rien d’historique !


Or il s’est bien passé quelque chose, que Matthieu a travaillé certes, mais pas totalement inventé. C’est peut-être un alignement astral, produisant une clarté intense, comme une éclipse. Les astronomes ont calculé par exemple qu’un rapprochement spectaculaire de Jupiter et de Vénus a eu lieu le 17 juin de l’an 2 avant Jésus-Christ. Cette date est plausible, l’année précise de naissance du Christ étant incertaine ; de plus la présence des bergers dehors avec des agneaux s’expliquerait mieux par une nuit de juin qu’une nuit de décembre…

Un autre rapprochement planétaire spectaculaire s’est produit en l’an 7 avant Jésus-Christ. Jupiter s’est rapproché de Saturne à trois reprises en l’espace de quelques mois. C’est cet événement qui a la faveur des historiens car ils datent le fameux recensement du temps d’Hérode de l’an 6 ou 7 avant notre ère.


Il est important d’affirmer avec les historiens sérieux et les exégètes que la Bible n’est pas un tissu de récits soi-disant miraculeux savamment assemblés pour convaincre les benêts crédules, et qu’il y a bien une base historique sous-jacente – même si les événements ont pu être interprétés voire déformés – amplifiés par la tradition et les auteurs bibliques eux-mêmes. Un fait n’est jamais pur, y compris dans la presse moderne : il est composé d’interprétations, d’angles de vue, de théories sous-jacentes, conscientes ou non. Cela ne supprime pas la vérité, mais la met en perspective - en relation avec un autre faisceau de vérités qui fait sens…


Donc, ni reportage journalistique, ni mythe purement et simplement inventé à partir de rien : l’étoile mystérieuse de Bethléem existe avant tout pour attirer nos regards. Matthieu a sans doute pris quelque chose de communément admis dans son temps – un phénomène astronomique voulait toujours signifier un chamboulement de l’ordre du monde, comme par exemple une naissance royale. Et il en a fait le signe de la vocation universelle du Messie-Jésus. Et c’est une vérité indiscutable, même si elle est entourée de merveilleux.


Alors, si donc étoile il y a eu, que pouvons-nous en retirer aujourd’hui pour notre vie ? Et à quoi nous appelle concrètement la fête de l’Epiphanie (de la Manifestation du Christ au monde) – en dehors de manger la galette des rois ?


D’abord, peut-être, se dire que ce Messie, ce Jésus dans la crèche, ne nous appartient

pas, à nous occidentaux, ni même aux juifs, ni aux catholiques, ni aux chrétiens quelle que soit leur confession : il appartient à l’Humanité, car ces « mages venus d’Orient » ne sont pas juifs, et certainement pas catholiques ; ils sont originaires de pays lointains et représentent « les nations » païennes. D’ailleurs, la tradition leur a attribué à chacun un continent : l’Afrique, l’Asie, l’Europe (les autres étaient inconnus alors).

Qui sommes-nous pour enfermer Dieu dans nos églises (avec un petit ou un grand E) ?  L’Epiphanie nous renvoie vers les « périphéries », car la Vérité n’est pas réservée à quelques privilégiés bien catéchisés, mais elle se donne à tout homme de bonne volonté, tout chercheur-euse de lumière…

Ensuite, nous pouvons comme Matthieu repérer ce qu’il y a de nouveau dans le ciel, l’une ou l’autre « étoile » dans le ciel sombre et tourmenté de notre temps, et l’interpréter, lui donner un sens à la lumière de notre foi.  Cette « étoile » peut devenir alors « épiphanie », manifestation de l’action de Dieu pour nous et nos contemporains. 

Par exemple, l’apparition d’une personnalité dont l’influence peut faire évoluer favorablement le monde : Greta Tunberg, Joe Biden ou son prédécesseur Barack Obama, le pape François, le Dalaï-lama, Malala Yousafzai, ou d’autres moins célèbres, engagés au service du bien commun…

L’étoile scintillante à suivre comme les mages est peut-être telle prise de conscience écologique, telle réforme religieuse, tel retour à l’Évangile, telle transformation sociale…  ou, sur le plan personnel, une lecture, une conférence, une rencontre qui nous a bouleversé…

La suivre demandera de sortir de son univers habituel et de revenir chez soi par un autre chemin, à l’instar des mages, pour ne pas perdre la trace de la naissance de Dieu en nous…


L’Épiphanie nous invite donc à garder la tête dans les étoiles, doublement :

-avec Mathieu pour raconter l’action de Dieu à nos contemporains telle que nous la discernons dans nos propres vies, de manière que ces récits leur parlent et les touchent ;

-avec les mages pour cheminer hors de notre zone de confort, en scrutant les signes qui nous indiquent où aller, quel cap prendre pour orienter positivement et résolument notre vie.

Fêtons donc l’Épiphanie, la tête dans les étoiles, les pieds sur le chemin…



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