C DIM 07 - La main plutôt que le poing

 


Je ne sais pas comment vous recevez ce texte que nous venons d’entendre, un enseignement de Jésus qui nous plonge dans la perplexité... Dans les groupes de lectio divina – partage biblique - que je fréquente, la réaction est quasiment toujours : « Mais c’est impossible ! Ce que Jésus demande est vraiment trop difficile ! ».

C’est vrai que, humainement parlant, il faudrait être un saint – et encore avec une vocation de martyr, pour pratiquer ces préceptes d’Évangile. En plus, sans cesser de sourire… !

 


Une fois de plus, Jésus met la barre très haut. Trop haut certainement pour la plupart des chrétiens ‘normaux’ que nous sommes. Mais avant de tourner le dos ou la page et de regarder vers autre chose, plus facile, plus réaliste, il n’est pas interdit et peut-être pas inintéressant non plus, de se demander un instant : Mais comment serait notre monde aujourd’hui, notre société, notre Eglise, notre famille, si tout à coup on se mettait à appliquer ces préceptes à la lettre ?

Plus de conflit à Gaza, en Ukraine, au Congo-Nord Kivu, en Somalie… La guerre serait impossible ! Les partis politiques chez nous s’entendraient pour favoriser le bien commun ; les chrétiens et les musulmans et les athées se souriraient ; les catholiques, les orthodoxes et les protestants se rencontreraient avec joie ; les couples en difficulté se réconcilieraient ; les familles où on ne se parle plus feraient taire leur rancœur pour se tendre la main… Même les syndicats seraient au chômage, parce que patrons et travailleurs chercheraient des solutions avant que n’éclatent les conflits…

 


Evidemment, c’est un rêve ! Le monde est régi avant tout par des rapports de force et de pouvoir, M. Trump et M. Poutine p. ex. nous le rappellent très clairement et froidement. Et nous le savons bien, il vaut mieux dans notre monde tel qu’il est, ne pas être naïf : la naïveté se paye presque toujours très cher ! L’adage romain selon lequel « l’homme est un loup pour l’homme » a peu de chances d’être démenti par les temps qui courent…

Une société qui fonctionnerait selon les règles évangéliques ne serait concevable que si tout le monde sans exception acceptait de jouer le jeu, n’est-ce pas, sinon il risque bien de ne pas y avoir assez de joues à tendre pour ramasser les claques (les tanks et les bombes) qui ne manqueraient pas de s’abattre sur les pacifistes. Et des manteaux qu’on laisserait prendre sans réclamation ni rouspétance, on pourrait sans doute dépasser tous les stocks de vêtements que la Chine envoie sur notre continent…

 


Nous sommes bien d’accord : ce programme est irréaliste, impossible à mettre en œuvre collectivement. D’ailleurs, Jésus ne le demande pas : il n’a jamais voulu faire de la politique. Il ne cherche pas à changer le monde en imposant une idéologie de gauche ou de droite ou même écolo.

Par contre, et c’est là que nous sommes concernés, si le Christ ne s’adresse pas aux dirigeants de ce monde, aux experts de la politique qui organisent la société ou aux parlementaires qui font les lois, à qui adresse-t-il alors ce message si radical ?

 


Tout premier verset : « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez… » C’est bien aux disciples, à ceux qui l’écoutent et qui se laissent former par lui, que Jésus livre cet enseignement. A nous donc, aujourd’hui.

Ne jamais oublier : suivre Jésus, c’est se mettre à son école pour devenir comme lui, agir comme lui. C’est se laisser changer soi-même et ne pas vouloir ni attendre que ce soient les autres qui changent. C’est un chemin de croissance et de transformation intérieure, où l’on se dépouille du vieil homme pour revêtir l’homme nouveau à l’image du Christ en se laissant entraîner dans sa Pâque (cf liturgie baptismale).

 

Cela prend du temps. Ce n'est pas du jour au lendemain que nous apprenons à aimer à ce point où nous nous arrêtons de juger les uns et les autres, où nous pouvons pardonner, où nous pouvons laisser aller les blessures, les baffes reçues, et se pardonner… Nous avons tant de raisons de nous réconcilier !  Pardonner, c’est accueillir et porter la faiblesse d’un autre. Pardonner, c’est être plein de tendresse et de compassion. Celui ou celle qui a le cœur ouvert, c’est celui ou celle qui s’entraîne à reconnaître ses torts, qui sait faire le premier pas.

 


Mais il est nécessaire de s’engager résolument sur ce chemin, même si parfois -souvent-, on trébuche et on fait marche arrière. Le chrétien qui fait la décision de marcher à la suite de Jésus doit être prêt à aller jusqu'au bout, à essayer de vivre un amour sans exclusives, ce qui peut être bien exigeant. Vivre selon ses enseignements nous demande de transformer notre vision du monde, de changer nos attitudes et notre comportement. Jésus nous appelle à un dépassement continuel. Ah oui, suivre Jésus ce n'est pas de tout repos !

Quand Jésus nous appelle à partager, cela n'est pas toujours évident. Il nous appelle à pardonner, et c’est encore plus difficile. Il nous appelle à présenter l'autre joue, et cela demande beaucoup d'humilité. Il nous demande d'accueillir l'autre, et parfois nous aimerions mieux être ailleurs…

 


Mais c’est un chemin de libération ! Pour moi, et pour l'autre, mon ''ennemi'' : En fait, le but de Jésus, ce n’est pas de transformer la société -cela, ça viendra après de façon naturelle-, mais de nous aider à nous libérer de nos instincts de possession de nos corps et de nos biens, de protection de notre image personnelle, de défense par la riposte ou par l’agressivité, bref, de tout ce qui peut nous enfermer dans les chaînes de la haine et du ressentiment et nous empêcher de goûter la tendresse et la miséricorde qui viennent du cœur de Dieu et à qui nous nous fermons en refusant d’aimer l’autre -  d’être généreux et compatissants envers lui comme les fils de Celui "qui est bon pour les ingrats et les méchants".

 


« Ce que vous avez envie que les autres fassent pour vous, faites-le vous-même pour eux. » Si vous voyez quelqu'un qui a besoin d’aide, tendez-lui votre main. Quelquefois un mot de réconfort, et une vie se remet à vivre.

Serrer non pas le poing mais une main pour convaincre et vaincre la peur ; dans la souffrance la presser doucement pour dire "je suis là" ; la laisser dans celle de l’autre pour dire "tu es quelqu’un de bien". Se donner la main pour partager un moment fort, pour vibrer ensemble... Se prendre la main, par amour, par amitié, pour donner, pardonner. Pour que notre terre devienne chaque jour davantage une terre de Dieu. C’est possible. Aujourd’hui.

Si je commence.

Amen.


UNE VIDEO A ECOUTER : cliquez sur l'image ci-dessous

Demain les hommes auront des mains - EDIT478. Auteur : Jean Debruynne. Compositeur : Michel Wackenheim : cliquez sur le titre en bleu pour écouter



Commentaires

LES HOMELIES - ANNEE B

LES HOMELIES - ANNEE A