B PAQ 02 - "Il souffla sur eux"
Dimanche de la divine miséricorde 2024
Bonjour
chers sœurs et frères ! J’espère que vous avez passé de bonnes fêtes de
Pâques avec votre famille ou vos amis. Je vous souhaite à mon tour de Joyeuses
Pâques, vu qu’on est dans l’octave (ça veut dire 8 jours) qui prolonge le
saint Jour de Pâques.
…
Alors que
tout le monde y va de ses vœux de « joyeuses fêtes de Pâques » - comme
je l’ai fait en entrée de cette célébration et que vous l’avez sans doute bien
répété depuis la semaine dernière, eh bien par contre, on ne peut pas dire que l’ambiance
qui est décrite au début de cet Evangile est à la joie, en ce dimanche
qui suit la Pâque à Jérusalem!
Claquemurés,
enfermés, effrayés, les 10 (Thomas absent, et Judas) et les autres femmes
disciples se sont terrées dans la salle qu’ils avaient louée à Jérusalem pour
la Pâque juive.
En fait, cela
ressemble un peu à ce que beaucoup de chrétiens ressentent et vivent dans l’Eglise
aujourd’hui : Ils ont peur et s’enferment sur eux-mêmes, leurs
petits cercles…
Société qui,
parfois à juste titre, les critique, ou critique l’Eglise et ses dérives, ses
scandales qui font regarder les cathos comme des gens malsains, des tarés.
Ils ont peur
en voyant s’effondrer des pans entiers de cette vie d’Eglise qu’ils avaient
connue, avec ses rites, ses pratiques confortables et ses sécurités doctrinales
auxquels ils étaient habitués.
Ils ont peur
de la guerre qui menace d’exploser et de s’étendre, à l’est avec la Russie, au Proche-Orient
où un embrasement général est aussi à craindre. Finie l’époque de l’inconscience
tranquille ou de la tranquillité inconsciente !
Ils ont peur
du réchauffement climatique qu’on ne parvient pas à enrayer, et des
conséquences désastreuses pour les populations, celles qui sont exposées mais
aussi celles qui devront faire face à l’énorme afflux migratoire qui est
annoncé (260 millions de réfugiés climatiques en 2030, jusqu’à 1 milliard 200
millions en 2050, selon les prévisions relayées par Oxfam).
Ils ont peur
de l’emballement de la machine économique mondialisée qui écrase de plus en
plus les gens et les peuples dans l’engrenage de l’exploitation et de la
consommation, dans un système qui produit de plus en plus d’exclus et de drames
humains pour ceux qui ne peuvent plus suivre comme nos agriculteurs…
Bref, les
chrétiens d’aujourd’hui, souvent, ont peur. Réaction naturelle spontanée :
ils s’enferment. L’Eglise, dans sa mentalité, ressemble parfois à une
forteresse assiégée, avec un commandement ressenti comme lointain, plus ou
moins coupé de ses bases qui sont en première ligne et qui encaissent les coups…
On a aussi l’impression que les réponses traditionnelles qui nous sont encore
parfois proposées ne sont plus adaptées aux défis que nos communautés d’Eglise
doivent affronter aujourd’hui, et c’est déstabilisant.
Comme les
apôtres, nous voici dans cette situation : Que va-t-il nous arriver ?
Jésus n’est plus là au milieu de nous comme au bon vieux temps où tout allait
de soi, tout « roulait »… Sentiments de solitude, d’abandon. Alors on
se serre les uns contre les autres comme des animaux apeurés. Et on se compte. Combien
sommes-nous ? Combien reste-t-il qui n’ont pas abandonné ?
Il a
fallu du temps, frères et sœurs, après l’annonce de la nouvelle par Marie-Madeleine et les
autres femmes qui étaient allées au tombeau le matin de Pâques, il a fallu 8
jours - et même plus, à ces disciples qui avaient marché avec Jésus et qui
l’ont vu crucifié, pour que la foi en la Résurrection percole en eux, devienne
conviction en faisant éclater les murs de la peur, et change ce paquet de
larves qu’ils étaient alors, en témoins joyeux et intrépides du Christ à
nouveau vivant ! En fait, il a fallu même attendre jusqu’à la Pentecôte,
50 jours après : la venue de l’Esprit-Saint, pour les remotiver
complètement.
Voilà. Cela
nous rassure sur nos
difficultés personnelles à croire : même pour les apôtres, alors
que le Christ lui-même se manifestait à eux, la foi n’a pas été immédiatement
une évidence. Avant d’être certitude, la foi est une ouverture à l’inconnu,
une interrogation qui cherche dans les événements un sens, des indices pour
oser « se jeter à l’eau »…
C’est cela qui nous est raconté ici : Thomas, qui veut s’appuyer uniquement sur sa propre expérience personnelle, a du mal à rejoindre ce que la communauté veut lui transmettre. Il ne se fie qu’à son propre raisonnement, et préfère rester au seuil de la foi – sans le franchir : comme une très grande partie - une majorité de nos contemporains aujourd’hui. Mais il ne ferme pas la porte définitivement : le dimanche suivant (le 8ème jour), il revient vers la communauté. Et là, il va vivre avec la communauté, en son sein, cette expérience résurrectionnelle qui va le toucher en profondeur et le retourner.
C’est dire,
toujours, l’importance de la communauté pour la communication de la foi.
« Un chrétien isolé est un chrétien en danger », comme l’écrivait
Mgr Boulanger. « On ne peut plus, dit-il, on ne peut pas être croyant
tout seul. Il faut avoir soif de vie fraternelle, retrouver une dimension plus
vaste que son clocher. » Ce n’est donc pas par peur qu’il faut
se regrouper, mais avant tout pour avoir le plaisir de partager. Vivre
des expériences de communion, de rencontres, d’échanges en laissant toujours les
portes et les fenêtres ouvertes au vent de l’Esprit, mais aussi pour
laisser le monde entrer dans nos cercles et communautés d’Eglise. C’est bien
cela entre autres que les jeunes vont chercher aux J.M.J. : de la
rencontre et du partage qui les renforcent dans leur identité.
Frères et sœurs, par rapport aux peurs qui peuvent nous habiter et habiter l’Eglise aujourd’hui, et nous parfois bloquer, surtout ne fermons pas nos portes mais ouvrons-les toutes grandes ! Ne laissons pas nos craintes et nos déceptions nous enfermer et nous étouffer. J’ai confiance que le Seigneur, lui, ne se laisse pas arrêter par les verrous et les serrures ; il est au milieu de nous : c’est pour nous libérer de nos peurs, de nos entraves, nous donner du souffle – son Souffle ! Et nous pourrons alors inventer avec intelligence et compassion des ‘chemins nouveaux’ avec nos frères humains au milieu des défis de ce monde cassé.
Nous,
chrétiens, nous sommes baptisés et confirmés dans l’Esprit pour apporter la
réconciliation partout où nous sommes envoyés : ça commence chez nous, ici,
maintenant. La paix soit avec vous !
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