B ASCENSION - prédication à l'hôpital le 9 mai 2024
Le Christ est monté
aux cieux, nous le
proclamons dans le Credo, nous le célébrons aujourd’hui ; Cela signifie
que son humanité est auprès de Dieu – son humanité qui est aussi la nôtre, la
même que la nôtre destinée à vivre auprès de Dieu : toute notre
humanité, pas seulement notre âme, mais aussi notre corps.
D’ailleurs nous ne savons
pas bien ce que serait une humanité sans le corps. Nous ne sommes pas des
anges, et nous ne savons pas vivre sans cette merveilleuse unité de l’âme, de
l’esprit et du corps. On est un tout ! Et d’ailleurs, quand on est
malade, notre corps sait bien nous le rappeler : ce n’est pas seulement
mon pied, ou ma main, ou mon estomac qui souffre, mais tout mon être n’est-ce
pas ?
Nous nous le rappelons
aussi, d’une certaine manière, lorsque nous proclamons notre foi en la
résurrection des corps. C’est par ce corps que nous agissons, que nous
servons, que nous souffrons et que nous aimons, et toutes ces activités ont une
valeur d’éternité. La foi en la résurrection des corps est difficile, mais nous
ne pouvons pas imaginer être vraiment humain sans le corps, sans que notre vie
soit incarnée. Le Verbe s’est fait chair pour que nous soyons accueillis au
cœur de la Trinité, pour que notre humanité soit en quelque sorte, divinisée,
transfigurée, avec nos esprits et nos pauvres corps. La fête d’aujourd’hui nous
le rappelle. On ne sait pas comment ce sera, mais ce sera merveilleux. La
seule chose qu’on sait, c’est que nous garderons des traces de notre passage
sur la terre. Comme le Christ : après sa résurrection, Jésus s’est
montré à ses disciples avec les traces visibles de la crucifixion. Comme le
disait une religieuse qui est aussi psychanalyste, Isabelle Lebourgeois,
entendue à la radio RCF, dans chaque vie, il y a des choses qui ne sont pas
réparées et qui peut-être ne le seront jamais. Mais on peut apprendre à vivre
avec, et même à en faire parfois des atouts.
C’est plutôt rassurant de
savoir qu’en Jésus aussi, dans son humanité, même dans son corps
glorieux, il y a de l’irréparé, ces traces qui en fait sont les traces de
l’amour. Comme on garde les traces de ses accouchements chez les mamans, les
traces des travaux qui ont durci nos mains et ridés nos visages, les traces de
nos combats contre la maladie… Moi je suis content de savoir que j’irai au ciel
avec mes rides, mes taches d’âge sur ma peau ; je n’ai jamais trouvé ça
laid, au contraire ! Pour moi une personne âgée reste une belle personne,
si son cœur est bon. (à part ça
j’espère quand même qu’au ciel, je retrouverai des dents !)
Cette fête, si nous
lisons bien l’Évangile, nous dit encore autre chose chers frères et sœurs. Elle nous dit que si le Christ
échappe à nos regards, il se rend présent d’une autre manière. Les apôtres
ont eu une chance immense d’avoir vu le Christ, d’avoir vécu avec lui, d’avoir
assisté à ses miracles, à ses prédications. Jésus est parti auprès de
Dieu ; désormais c’est à eux de poursuivre son œuvre. Mais le Christ est
avec eux, continuellement, par son Esprit. Comme il est là au milieu de nous en
ce moment.
Alors, au moment de
l’ascension, je suis étonné de voir comme on le lit dans les Actes, que les
apôtres en sont encore à espérer que Jésus sera un sauveur temporel. « Seigneur,
est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour
Israël ? » Ils n’ont toujours rien compris ! Ils ont
pourtant entendu plusieurs fois le Seigneur répondre à ces demandes en leur
expliquant qu’il n’était pas venu pour cela.
Jésus a souffert la
passion, il a donné sa vie. Il est ressuscité ; et ses apôtres, le
jour de l’ascension, ils n’ont toujours pas fait le deuil de ce pouvoir humain,
politique qu’ils désirent. Aujourd’hui encore nous avons du mal à faire le
deuil - pas seulement de la puissance, d’une Eglise qu’on rêve forte et
reconnue, admirée pour son prestige et ses monuments, et non pas une
Eglise humiliée, moquée, et renvoyée aux catacombes, avec seulement des petites
gens, des pauvres qui y tiennent encore et qui l’aiment ;
mais aussi, on a tous du mal à faire le deuil
de nos propres désirs de bonheur sans nuages, de santé sans maladie, de liens
familiaux sans blessures et sans cassures… et on demande toujours à Dieu, à
Jésus dans nos prières, qu’il arrange tout cela ! Nous avons du mal à
comprendre que Jésus a répondu une fois pour toutes à nos désirs mal ajustés,
lorsqu’il a dit dans l’Évangile : « Mon royaume n’est pas de ce
monde ».
Mais ce qu’il fait, c’est qu’il nous donne la force,
le courage, l’intelligence du cœur pour vivre avec ces blessures et ces
cassures, ces manques de santé ou d’autre chose, et non seulement pour vivre
avec et les supporter, mais il nous donne aussi son Esprit aussi pour les
transformer, comme ses blessures d’amour sur la croix, et cela devient un
témoignage pour les autres. Jésus nous demande aujourd’hui, en cette fête
de son Ascension, il nous demande de témoigner qu’il est bien à l’œuvre
dans l’Eglise, dans nos corps, nos cœurs, notre vie. À vous, chers frères et
sœurs malades, comme à nous, à moi, il nous le demande, quel que soit
notre état de vie, notre métier, notre situation. Alors c’est comme dans
l’Evangile quand Jésus promet que le mal n’aura pas de prise sur ses
disciples. Les démons, les serpents, le poison, ce sont tous des symboles du
mal qui détruit. Le chrétien n’a pas peur du mal. Et en plus, il
fait du bien, par exemple en imposant les mains au nom de Jésus aux malades
– ce n’est pas par nous-mêmes, c’est Jésus qui fait du bien par nos mains…
Demandons
à Jésus de nous envoyer son Esprit, de nous inspirer pour que nous poursuivions
l’action qu’il a inaugurée, dans l’Évangile. Amen.
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