C DIM 28 - la conversion de Naaman

 

HOMELIE 28è DIMANCHE C : 

La conversion de Naaman






Les ressemblances entre la première lecture et l’évangile de ce dimanche sont évidentes. Dans les deux cas, il s’agit d’un ou plusieurs lépreux qui demandent une guérison à l’homme de Dieu.

Qu’est-ce que cela peut nous enseigner, à nous, chrétiens d’aujourd’hui ?

Avant de résumer abruptement le tout en disant que la foi accomplit des miracles, point final, regardons-y d’un peu plus près.

Le début du texte du Livre des Rois qui raconte l’histoire de Naaman le Syrien a été malencontreusement omis dans la lecture.

En fait, il ne faudrait pas s’y tromper : ce que cherche ce puissant général au service du roi de Syrie, c’est un charlatan.

Un charlatan comme ceux qui profitent de la crédulité et de la misère sociale des gens pour leur extorquer un maximum d’argent :


Vous avez tous déjà reçu sur votre pare-brise ou dans votre boîte aux lettres ces annonces dérisoires et bourrées de fautes d’orthographe : « Grand marabout venu d’Afrique ; travail sur photo pour trouver l’amour, succès, argent, guérison. Succès garanti. »

Bien sûr, vous jetez très vite ce papier dans la poubelle, mais qui peut dire qu’il n’est pas tenté quelques fois par certains rites et formules qui sont à la limite de la superstition ?

Réciter autant de fois telle prière à tel saint, et l’envoyer à autant de personnes (les fameuses « chaînes »), dire autant de chapelets avec un papier béni sur la partie malade, mettre une statue de telle sainte sur un endroit particulier… Cela se mélange parfois à des pratiques dites de guérison enseignées par des gourous dans des tas de livres de soi-disant spiritualité et de pseudo-science… Les missionnaires Pères Blancs disent avec humour qu’un baptisé de plus ne fait pas toujours un animiste de moins !

Naaman donc, muni d’une lettre de recommandation de son maître, est orienté par le roi d’Israël Joram vers Elisée le prophète, dont la réputation était déjà grande. Il s’attend à ce que l’homme de Dieu lui fasse faire tout un rituel compliqué, avec des incantations et des gestes magiques, des impositions des mains sur la peau aux endroits malades…

Rien de tout cela ! Le prophète lui ordonne d’aller simplement se baigner 7 fois dans le Jourdain. Naaman est déçu et furieux. Il trouve cela ridicule, trop simple pour lui, le grand général. Il fait demi-tour pour s’en aller.

Alors ses serviteurs lui disent : « Si le prophète t’avait demandé quelque chose de difficile, tu l’aurais fait, n’est-ce pas ? Pourquoi ne le fais-tu pas quand il te dit seulement : Lave-toi et tu seras guéri ? »

L’orgueil du général cède. Naaman descendit donc (le mot ‘descendre’ est important) et se plongea dans le Jourdain 7 fois, comme avait dit Elisée, et sa chair redevint comme la chair d’un petit enfant.

Alors il fait une vraie conversion, et proclame sa foi toute neuve : « Maintenant, je sais qu’il n’y a pas de dieu sur toute la terre, sauf en Israël ». Et il emmènera un peu de la terre d’Israël sur ses mulets, car dans la pensée de l’époque, les dieux étaient attachés à la terre d’un pays, chacun le sien.

Dans l’évangile, les 10 lépreux auraient pu réagir de la même façon au départ que Naaman : Ce grand guérisseur qu’est Jésus ne nous a même pas touché, ni prescrit aucune cure compliquée, ni accompli aucun geste impressionnant ! « Allez voir les prêtres au Temple de Jérusalem ». C’est tout ? Pas la peine d’en faire un fromage, cet homme n’est pas à la hauteur de sa réputation… Mais ils y allèrent quand même, et en route, en route dit le texte, ils furent guéris.

La démarche de foi, de conversion, c’est se mettre en route. Descendre de son piédestal pour descendre en humilité (le Jourdain), se baigner dans la confiance, nu et sans moyens personnels, pour vivre une nouvelle naissance physique et spirituelle (comme la chair d’un enfant) : le chiffre 7 (plonger 7 fois) évoque immanquablement les 7 jours de la création…

 

Par rapport à ce changement d’optique et cette conversion de Naaman et des 10 lépreux, qu’est-ce qu’on peut dire ?

Naaman consent à se détourner du spectaculaire, de ses attentes vis-à-vis du divin et du système qu’il s’était construit lui-même, et il fait confiance à un ordre tout simple : « Va te baigner dans le Jourdain ». Sans le savoir, il préfigurait ainsi le Baptême : mourir à soi-même pour renaître dans le Christ à la vie de Dieu.    


C’est une nouvelle création de chacun qui est en jeu dans le baptême. Nous en sortons purifiés, redevenus comme des petits enfants, nettoyés des pustules du péché qui défigure l’humain comme une lèpre. Et nous suivons Dieu, le Christ, que nous sommes appelés à louer désormais, à remercier comme le dernier des lépreux, celui qui est revenu.

C’est fantastique, extraordinaire bien sûr. Le baptême est un cadeau merveilleux. Mais la conversion, elle, n’est jamais achevée. On a toujours à lutter constamment pour ne pas retourner vers ses idoles : l’orgueil, la force, le prestige, le pouvoir, le fric, l’égoïsme, la domination, et le refus de Dieu.

« Si vous ne devenez comme des enfants, dit Jésus, vous n’entrerez jamais dans le Royaume de Dieu. » (Mt 18,3)

La tentation de manipuler Dieu, le divin, de le mettre à son service plutôt que de le servir, c’est bien cela qui est dénoncé dans cette histoire de Naaman. C’est la tentation de toutes les religions. On veut obtenir quelque chose de Dieu, alors on fait des rites superficiels, et on applique mais de façon extérieure une morale, faite d’interdits et d’obligations.

Cela, ce n’est pas la religion enseignée et pratiquée par Jésus, qui est faite d’amour, de don et de gratuité. De reconnaissance aussi, comme le dixième lépreux, le Samaritain, revenu sur ses pas pour remercier et louer Dieu.

Là où nous avons souvent le plus difficile de pratiquer notre religion chrétienne -et où nous ressemblons en cela à Naaman avant sa conversion, c’est là où elle apparaît la plus simple et la plus directe (trop simple ?) :

-        Partage ton pain avec celui qui a faim (Is. 58,7)

-        Si tu as deux vêtements, partage avec celui qui n’en a point. (Luc 3,11)

-        Fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile. (Is 58,7b)

-        Donne à qui te demande et ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter. (Mt 5,42)

-        Aimez vos ennemis et faites du bien à ceux qui vous maudissent (Mt 5,44)

-        Je te dis de pardonner 7 x 77 fois. (Mt 18,22)

-        Faites du bien sans demander en retour. (Mt 5,46)

-        Soyez simples comme des enfants, candides comme des petites colombes (Mt 10,16)

-        Tu aimeras ton Dieu de toute ton âme, et ton prochain comme toi-même. (Mc 12,31)

Remarquez, je n’ai pas mis la messe en haut de la liste. Parce qu’elle ne doit pas servir de prétexte pour croire qu’on peut ainsi agir sur Dieu et l’influencer. Mais bien sûr qu’elle est importante pour nous mettre à l’école du Christ.


Alors, quelle sera notre conversion ce dimanche ? Ma conversion ?

 

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Pour vous amuser, voici les « recettes » que j’ai trouvées pour soigner les verrues ou les tumeurs, recueillies par un historien du 19ème siècle en France, mais ces pratiques ont existé (existent encore ?) chez nous :

« En Corrèze, on frotte les verrues contre la veste d’un cocu ou on les frictionne avec du suc de chélidoine (herbe locale), ou on peut aussi les toucher avec une limace rouge. » 

 

« En Haut-Limousin, il faut enterrer à deux heures du matin, sans être vu et à la pleine lune, une pomme ou une touffe de cheveux ou bien mettre deux grains de sel dans un linge et le jeter ensuite au milieu d’un chemin : celui qui le ramassera prend les verrues. On peut aussi les frictionner avec des feuilles de saule que l’on enfouit ensuite dans du fumier. » 

 

« En Charente, il faut uriner sur les verrues au milieu d’un chemin, puis verser sur celles-ci du lait que l’on fait lécher par un chat, puis ramasser un os abandonné par un chien et trois matins de suite avant le lever du soleil, en frotter les verrues et jeter dans un puits une pierre ou autant de haricots que l’on a de verrues, en courant de façon à ne pas entendre le bruit de leur chute. » 

 

« Pour faire disparaître les tumeurs : Il faut appliquer sur celle-ci un crapaud âgé de 7 ans. D’ailleurs, il n’est pas rare d’entendre dire que tous les médecins en possèdent un, mais ne veulent pas le prêter. » 



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