B FÊTE DE L'EUCHARISTIE - Un Corps à corps
FÊTE DU CORPS ET DU SANG DU
CHRIST 2024
Au milieu de toutes les fêtes que nous avons célébrées entre Pâques et celle
d’aujourd’hui qui est celle du Corps du Christ, il y en a une dont nous n’avons
peut-être pas mesuré toute l’importance liée au corps (parmi d’autres
dimensions) : je veux parler de la fête des mères.
Au hasard d’un billet radio-diffusé sur RCF * (une chaîne que j’écoute
beaucoup) et qui traitait du lien biologique entre mère et enfant, alors que je
réfléchissais à mon homélie pour ce dimanche, j’ai été frappé par une sorte
de coïncidence entre les découvertes étonnantes qu’on a pu faire ces
dernières années autour de l’expérience unique de la grossesse, qui nous
montrent que l’interaction entre une mère et son bébé va bien au-delà de ce qu’on
peut imaginer, et le don que le Christ Jésus nous fait de son Corps
aujourd’hui dans le Sacrement de l’Eucharistie.
C’est vraiment très étonnant ! Je vous partage quelques-unes de ces
découvertes.
Par exemple, savez-vous que lorsqu’on on fait une imagerie cérébrale,
une IRM, il est possible de voir si une femme a eu ou non des enfants dans sa
vie, et même de déterminer combien elle en a eu ! Et oui, vivre une expérience
aussi unique, aussi totale, physique, psychique, sensorielle avec la présence
d’un autre en soi transforme le cerveau, c’est ce qu’on appelle la
neuroplasticité périnatale. J’imagine volontiers qu’à force de communier
pendant des années au Corps du Christ, cette Présence réelle doit-devrait finir
aussi par nous transformer… non ?
Autre exemple, savez-vous qu’il est possible de retrouver dans le corps
d’une femme, longtemps après sa grossesse, des cellules fœtales de l’enfant
qu’elle a porté ? On peut en retrouver dans son cœur, son cerveau, ses poumons,
sa thyroïde… des décennies après la naissance, parfois même, à vie !
C’est ce qu’on appelle le microchimérisme fœtal et maternel.
C’est un mot un peu compliqué mais c’est très simple. Pendant la vie in utero,
le placenta sert de barrière. Seuls les nutriments passent dans le cordon
ombilical pour apporter au bébé ce dont il a besoin. Et bien il arrive que
cette barrière laisse filer quelques cellules… que mère et bébés « s’échangent
» alors mutuellement et qui vont tranquillement s'installer chez l’autre.
A celles qui sont mères, se dire
que quelques cellules issues de vos enfants battent peut-être en ce moment dans
votre cœur de maman, n’est-ce pas sacrément émouvant ?
Et bien oui, nous avons aussi désormais la certitude qu’à la naissance
un enfant reconnaît non seulement, évidemment, la voix de sa mère mais aussi
sa langue maternelle. On peut même dire que les nouveau-nés pleurent dans
leur langue maternelle, tellement leurs cris en empruntent la mélodie. Et on a
démontré qu’en cas d’hospitalisation, la voix de la mère était pour l’enfant un
puissant anti-douleur naturel !
Bon, on est d’accord, la science
ne fait que confirmer le bon sens et l’expérience ! Il y a, nous le
savions déjà, un lien unique et extrêmement fort entre la mère et son enfant
- ce qui ne diminue ni ne dévalorise le lien - différent - que les pères
peuvent entretenir avec leur enfant.
Que se passe-t-il quand ce lien est affecté
par la perte de l’enfant ?
Après la fête des mères qui est tout ce qu’il y a de plus
touchant et de plus mignon, surtout quand les tout-petits apportent à leur
maman leur dessin maladroit rempli de petits cœurs et récitent le poème appris
à l’école, on peut avoir une pensée aujourd’hui pour toutes les mamans d’un
enfant décédé ou disparu, pour qui cette fête résonne différemment,
douloureusement, insupportablement peut-être. Et elles sont nombreuses,
celles qui, au long des âges, pourraient en partager le témoignage…
Oui, dans quelques jours nous commémorerons le 80ème
anniversaire du débarquement de Normandie : Combien de mères
américaines, canadiennes, anglaises, n’ont jamais revu leur enfant par exemple
; combien n’ont même pas pu toucher le corps de leur fils une dernière fois, ni
même s’approcher d’une tombe ? … On peut aussi penser aujourd’hui à toutes les
mères israéliennes, palestiniennes, ukrainiennes et russes qui sont dans ce cas ;
et au fond, c’est un peu la destinée - et même complètement - la destinée de
la Vierge Marie elle-même.
Oui, quoique Marie a pu, elle, recevoir dans ses bras le corps de Jésus. La Piéta de Michel-Ange nous aide à imaginer la tendresse avec laquelle elle a entouré son Fils défunt de ses bras ; oui, Marie a probablement mis la main dans les cheveux de Jésus et puis sur ses paupières pour fermer ses yeux, et puis elle a dû poser ses lèvres une dernière fois sur le front du Christ… Eh bien, certaines mamans n’auront jamais ce privilège, elles resteront toute leur vie comme empêchées de ce dernier contact. Quelle douleur ! Ceci doit nous inciter à les porter particulièrement dans notre prière et à les confier à la Vierge, Notre-Dame des Douleurs.
Que pourrions-nous en conclure ?
Alors,
vous savez, on aime beaucoup parler de liturgie dans notre Église, et on se
dispute sur la manière de bien donner la communion, de bien la recevoir – dans la
main, sur la langue, en s’agenouillant, etc... Eh bien, au-delà de toutes nos
habitudes et de nos préférences légitimes, j’aimerais suggérer que nous
puissions recevoir ce Corps, le Corps du Christ, comme une mère recueille le
corps de son enfant. D’autant que ce n’est pas le corps d’un mort que
nous recevons, mais le Corps d’un Vivant, d’un Ressuscité !
Comme Marie-Madeleine qui étreint le Christ au matin de
la résurrection et qui ne veut plus le lâcher, saisissons-nous de ce Pain
eucharistique que nous fêtons aujourd’hui. Saisissons-nous avec passion de ce Pain,
de ce Corps, avec la fougue brûlante des retrouvailles d’un être très aimé
qu’on a eu peur de perdre !
Oui, tout-à-l’heure, en vous approchant de
l’Eucharistie, ayez le regard amoureux de celui qui retrouve son amour, et qui
ne le lâchera plus ! Bonne fête.
(*) émission avec Blanche Streb (RCF)
Commentaires
Enregistrer un commentaire