C AVENT 01 - Du rêve à l'espérance

 


Noël, pour beaucoup de nos contemporains, c’est du rêve.

C’est une bouffée de merveilleux, de « magie » dans un présent qui souvent est difficile, voire cauchemardesque.  Et l’avenir ne semble pas, ne s’annonce pas meilleur…

Alors, cette bouffée, cette parenthèse de rêve est bienvenue – aussi bien d’ailleurs chez les non-croyants que chez les croyants.

Pendant quelques temps, durant ce qu’on appelle désormais « les fêtes », on va s’évader – pour ceux qui en ont la possibilité en tout cas – dans une bulle d’ambiance familiale chaleureuse et pétillante (rêvée, souvent fantasmée), environnée de décors et d’illuminations toujours plus somptueux (encore du rêve) et dans une frénésie de consommation et de cadeaux (toujours du rêve), autour de sapins et de musiques qui font replonger dans les souvenirs d’enfance…


Du rêve, du rêve, et encore du rêve ! Même la traditionnelle crèche n’échappe pas à cette nostalgie, cette envie d’évasion. Aaah, les Noëls d’autrefois ! Qu’il est bon de retourner dans le passé, avec tous ces parfums d’enfance, ces étoiles scintillantes qui nous font si bien rêver…

Est-ce mal ? Est-ce qu’on y peut quelque chose ?

Ben non, c’est ainsi. Et j’avoue bien volontiers que moi aussi je me laisse prendre par cette athmosphère collective qui met un peu de lumière et de rêve dans la longue obscurité hivernale et un contexte pas très rigolo – c’est le moins qu’on puisse dire.

Je me réjouissais déjà d’entonner avec vous mes frères chrétiens les beaux cantiques d’Avent, prometteurs de ces douces joies à venir… Mais voilà que Jésus casse l’ambiance !! Paf : « Ce jour-là s’abattra sur vous comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière… Les nations seront affolées, désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver… » etc.




M’enfin !!! Pourquoi avoir mis un tel évangile tout juste au début de cet Avent, alors qu’on a tellement envie de rêver à Noël qui vient ?!  Un Noël de paix et de sérénité, qui fait un peu oublier les guerres, les cataclysmes, le réchauffement climatique et les fermetures d’usines… Ils pensent à quoi, les liturgistes ?  On a déjà envie de zapper, non ? Assez entendu d’horreurs comme cela dans les journaux télévisés… Pourquoi donc ce rappel glaçant et malvenu ?


J’ai peut-être une réponse.

D’abord, dans ce texte qui est assurément apocalyptique, on ne parle pas de la même venue du Christ que celle qui a eu lieu à Bethléem il y a plus de 2000 ans. Ici, il s’agit bien plutôt de l’ultime venue (ad-venue) du Christ en gloire lorsqu’arrivera le terme de l’histoire, la fin des temps. Ça, ce n’est pas pour tout de suite ! Quoique… selon Jésus, il faut s’y préparer. Maintenant.   (*)


« Oui, bon, mais j’ai autre chose à faire, moi : les fêtes avec ma famille à organiser, les cadeaux à acheter, les réservations pour les vacances d’hiver (on ne dit plus ‘de Noël’), le ski à la Plagne – s’il y a de la neige cette année… Alors excusez-moi, mais la venue de Jésus à la fin des temps, je ne vois pas très bien ce que cela a à voir avec Noël. »

Justement ! Nous, chrétiens, n’attendons pas un événement du passé. Nous sommes tendus vers un à-venir, une espérance. C’est cette venue-là du Seigneur qui oriente toute notre existence et notre façon de vivre désormais. En ce sens, Noël ce n’est pas la fête de la nostalgie et du rêve, mais la fête de l’Espérance : ce qui a commencé il y a 2000 ans par la 1ère venue du Fils de Dieu dans le monde, va s’accomplir totalement et définitivement lors du second avènement du Seigneur. Ce processus est déjà en marche.

Et l’Espérance, n’est-ce pas sans doute ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui en ce 21ème siècle si troublé, pour ne pas mettre notre tête dans le sable et pour continuer d’avancer en mobilisant nos énergies au service de ceux qui sont les plus défavorisés et souvent désorientés, perdus dans ces fractures et ces bouleversements que nous connaissons et qui vont en s’amplifiant et en s’accélérant : bouleversements économiques, politiques, sociaux,  mais aussi, je dirais même, de civilisation...?

=>Ce n’est pas pour rien que le pape François a mis ce thème « pèlerins d’espérance » au cœur de ce Jubilé de l’Année Sainte 2024-25 qui commence précisément à Noël !

 

Devant un avenir forcément incertain, devant les « signes qui affolent les nations », nous pouvons soit, nous réfugier dans la peur : « Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde » déclare Jésus dans l’évangile. Cette peur engendre dépression, angoisse, malaise. Et surtout, elle paralyse. Elle ne permet plus de goûter au bonheur.

Soit, nous pouvons aussi fuir ce qui nous dérange et nous effraie dans une façon superficielle de vivre « dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie » comme dit aussi l’évangile. Nous nous replions sur l’instant présent. Nous ne regardons plus au loin. Nous n’espérons plus rien de l’avenir. Une telle attitude est très répandue non seulement chez les individus, mais aussi chez bon nombre des responsables de nos cités. On gère au jour le jour. Sans vision. Sans véritable espérance. Or, le temps de l’Avent, c’est-à-dire de l’avènement, est une puissante invitation à se tourner vers l’à-venir. « Redressez-vous et relevez la tête ! » appelle avec force Jésus.


Parce que l’être humain peut se tenir debout, il peut relever la tête et regarder devant lui. Il peut accueillir la parole de bonheur qu’un autre lui adresse même si les signes sont contraires. Certes, le bonheur que Dieu promet est toujours devant nous. Nous ne le goûterons pas totalement, du moins sur cette terre. Mais nous tourner vers lui, le Seigneur, avec confiance nous permet de rester éveillés et de nous tenir debout, et ce, même dans la tempête. Et ces tempêtes n’ont qu’un temps, puisque notre Rédemption approche, dit Jésus. La Bible parle aussi d’un germe de justice ; cette germination est lente, certes, mais elle est constante, et surtout, elle est à l’œuvre dans notre quotidien – si nous voulons bien progresser dans l’amour, comme dit Paul dans la seconde lecture.

Oui, chers frères et sœurs, oublions la nostalgie, refusons la peur et le chacun pour soi, et faisons donc de Noël une vraie fête de l’Espérance ! Oui, Jésus vient à notre rencontre – il viendra à la fin des temps, il nous l’a promis, mais il vient déjà maintenant : « Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m'en vais, et je reviens vers vous. » (Jn 14,28) .


 

Comment préparer cette Venue actuelle ? Comment être aujourd’hui des pèlerins d’Espérance ?


Vivre Ensemble
, notre partenaire d’Entraide & Fraternité qui est actif dans tous les diocèses francophones avec le soutien des évêques, nous propose cette année d’être attentifs aux liens entre la pauvreté et la santé mentale. On sait aujourd’hui que ces deux réalités, la précarité économique et sociale, et les souffrances mentales telles que la dépression, les troubles anxieux, ces deux réalités quand elles se conjuguent, ce qui est souvent le cas, s’amplifient et se renforcent l’une l’autre. C’est un cercle vicieux. D’après les études, une personne en situation de pauvreté court entre 1,5 et 3 fois plus de risques de développer des signes de dépression ou d’anxiété. Cela appelle à des changements structurels en termes de politique sociale et de santé pour une approche plus globale et plus de prévention, et bien sûr davantage de moyens financiers pour améliorer la prise en charge. On constate aujourd’hui que les acteurs de terrain sont débordés, et que l’offre en psychiatrie ou en accompagnement psychologique est largement insuffisante.

À côté de ces actions relayées par des associations locales soutenues par Vivre Ensemble, et que vous pourrez découvrir p.ex. sur le site de l’UP Pays de St Remacle, il nous est suggéré aussi de faire évoluer notre regard sur les personnes qui, en raison précisément de leurs problèmes en rapport avec la santé mentale, sont souvent victimes de jugement et d’exclusion. Les gens « différents » dérangent ceux qui se croient normaux. Or, ces problèmes peuvent devenir un jour aussi les nôtres, suite à un événement qui fait basculer notre vie.

N’avons-nous pas la possibilité de proposer des clés pour nous ouvrir les uns les autres à une meilleure compréhension, et donc à une plus grande communion avec les personnes en souffrance mentale – qui pourrait finalement déboucher sur une libération (de la parole, de l’intégration…)


Chaque weekend de l’Avent, une clé sera placée sur une serrure représentant ces personnes enfermées dans la souffrance, la dépression, l’anxiété… les personnes confrontées à des problèmes de santé mentale. Cette clé symbolise l’ouverture de portes, permettant de sortir de l’isolement et de la peur. Ces clés représentent également notre engagement à favoriser la rencontre, l’accueil et à créer des chemins de confiance, de fraternité et d’espérance. Voilà pour le visuel qui voyagera dans les églises au fil des célébrations.



Pour le reste, et c’est le plus important, à nous de rester éveillés et tournés vers l’avenir. À nous de dire partout autour de nous des paroles positives – paroles de bonheur – qui redressent les têtes et les cœurs. À prier aussi en demandant comme dit Paul dans la 2è lecture, « entre nous et à l’égard de tous les hommes un amour de plus en plus sincère », amour qui pourra s’exprimer par des gestes concrets de partage et de solidarité vis-à-vis de nos frères dont la santé et l’équilibre mental est blessé, et ce entre autres lors de la Collecte de l’Avent (3ème dimanche).


C’est en effet un amour en actes qui nous fait sortir de nos enfermements, de nos peurs, de nos paralysies. C’est lui qui nous ouvre à Dieu et aux autres. C’est lui qui inscrit et ravive dans nos vies l’espérance tellement précieuse. Bon Avent !

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(*) Franchement, est-ce que vous croyez qu’il y a encore beaucoup de chrétiens aujourd’hui qui espèrent et attendent ce moment, cette Venue finale du Christ ? (…à part peut-être quelques Adventistes du 7ème Jour, des Témoins de Jéhovah ou des évangélistes charismatiques) ?  Pourtant, la liturgie nous le fait dire dans la prière, nous fait exprimer ce désir, cette attente du Jour de Dieu : « Ah, si Tu déchirais les cieux ! » « Marana Tha, viens Seigneur Jésus » « Réveille ta puissance et viens nous sauver » « Fais paraître ton Jour, que le monde soit sauvé… ». Et après chaque consécration à la messe : « Tu reviendras dans la gloire ». Mais, le pensons-nous, le désirons-nous vraiment ?  Encore une fois, je le répète, on préfère fuir dans le rêve, l’évasion du présent et la nostalgie du passé. Le Noël des santons en somme…

 

Tournés vers l'avenir - Chant de Mannick et Akepsimas par Clem (YouTubeKids) : cliquez sur la vidéo



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