B DIM 34 - Roi pour donner la vie

 


Il y a un fameux malentendu !

Dans cette scène surréaliste qui est présentée aujourd’hui dans l’Evangile, il y a un fameux malentendu… Et qui parfois aujourd’hui perdure encore quand on parle du « Christ-roi ».

« Es-tu le roi des Juifs ? »

Quelle question !

Pilate, ce gouverneur qui représente l’autorité de Rome, qui a un palais, une armée, des serviteurs, et surtout, derrière lui, la formidable puissance de l’Empire Romain…,

…Pilate se moque bien de ce petit homme, ce petit Juif qui n'a ni armes, ni soldats, ni pouvoir. Les chefs du peuple l'ont livré, les foules l'ont lâché, et ses partisans l'ont abandonné. Tu parles d'un roi !


Cette scène me rappelle – n’y voyez rien d’irrespectueux – Charlie Chaplin face à Hitler dans « le Dictateur » : la dérision, le choc des absolus contraires.

D’un côté, la force absolue, de l’autre côté la vulnérabilité absolue…

Mais une vulnérabilité qui n’est pas sans force. Seulement, elle se révèlera plus tard, « le 3ème jour ».

À propos de la vulnérabilité, chers frères et sœurs :

La vulnérabilité est une expérience que nous faisons tous. On peut même dire qu’elle fait partie de notre condition humaine. À certaines périodes de la vie, elle s’impose à nous de façon plus explicite : que ce soit à travers notre santé (vulnérabilité physique), notre équilibre mental (vulnérabilité psychique et psychologique), nos liens sociaux et familiaux (vulnérabilité affective). En fait, elle concerne tous les domaines de notre vie, y compris la précarité matérielle.

Cette vulnérabilité, nous la ressentons davantage aux deux extrémités de la vie : l’enfance et la vieillesse ; mais elle est présente aussi à d’autres moments de l’existence. Peut-être en ce moment même, frères et sœurs, dans votre maladie où les misères du grand âge vous vous sentez très vulnérables, fragiles, avec l’incertitude de l’avenir et la peur de basculer dans la souffrance…


Aujourd’hui, je suis très touché de voir que le Christ, le Fils de Dieu, a choisi d’être vulnérable. Il l’était en venant au monde dans la crèche, il l’est encore aujourd’hui, les poings liés devant Pilate qui va le condamner, et pour qui il ne représente rien. 

Les romains méprisaient la faiblesse ; ils ne respectent et valorisent que la force. C’est toujours le cas aujourd’hui dans bien des régimes dictatoriaux, mais aussi il faut le dire, chez certaines cultures qui semblent se développer insidieusement, même chez nous.

Ces cultures qui privilégient le seul avantage économique au détriment de l’humain sont en train de contaminer notre société, laquelle n’accorde plus la même importance au « non-marchand » : les secteurs de la santé et des soins, de l’éducation, de la jeunesse, de la petite enfance ou du grand âge…, qui veillent sur les plus vulnérables et les valorisent.   

Dans notre foi chrétienne, toutes les personnes vulnérables ont de la valeur, sont importantes. En particulier parce que Jésus s’est fait l’une d’elle. En lui, Dieu a accepté d’être vulnérable. Et Jésus tout au long de sa vie sur terre a mis les plus fragiles au centre : les enfants, les femmes, les veuves, les pauvres, les pécheurs et bien sûr également les malades : ils sont au cœur de l’Eglise, car ils sont au cœur de Dieu. Et nous devons le manifester !



Il y a encore une chose importante, frères et sœurs, qui différencie la royauté de Pilate et celle de Jésus.

Jésus lui répond : "Ma royauté n'est pas de ce monde".

Les rois - en tout cas jusqu’à la Révolution mais cela semble se perpétuer chez certains présidents-dictateurs -, les rois avaient le droit de donner la mort à qui ils voulaient. C’était vraiment le symbole du pouvoir de la royauté.

Jésus, lui, est roi, parce qu'il a un autre pouvoir : le pouvoir de donner la vie.

Ce pouvoir, le pouvoir de donner la vie, aucun autre roi sur terre ne l'a eu et aucun ne l’aura jamais !  Lui, Jésus, donne la vie, à qui il veut. (Jn 5,21 : Comme le Père, en effet, relève les morts et les fait vivre, ainsi le Fils, lui aussi, fait vivre qui il veut. )

Jésus est roi, parce que, seul, il a le pouvoir de donner la vie. Il nous la donne au travers de sa Parole, de ses Sacrements, au travers des disciples et des apôtres qu’il envoie en son Nom. Au travers également de tous ceux et celles qui soignent les blessures et les souffrances de l’humanité, et qui mettent le plus faible, le plus vulnérable au centre, à la première place.

Oui, frères et sœurs, ce pouvoir, il nous le donne chaque jour en partage. Par notre baptême, nous sommes associés à la royauté du Christ, invités à la vie, invités à donner la vie !

 


Votre unité pastorale avec son curé l’abbé Jean et son équipe, a choisi d’organiser en ce dimanche du Christ-Roi une messe communautaire avec l’Onction de malades pour tous ceux et celles qui se sentent vulnérables. Je trouve que la date est particulièrement bien choisie en lien avec cette fête.

Nous sommes au point culminant du cycle liturgique. Le but même de la Rédemption, son achèvement est atteint :

Trois jours après que le Christ, dans sa vulnérabilité humaine, ait offert sa vie sur la Croix, Dieu l’a ressuscité en lui conférant la royauté sur toute être vivant. Désormais, notre vie comme dit St Paul est cachée dans le Christ, elle ne nous appartient plus à nous-mêmes mais à Lui qui est mort et ressuscité pour nous. C’est sa propre vie qui est déjà à l’œuvre en nous par notre baptême et les sacrements, et qui s’épanouira en vie éternelle. Cette Vie et son Règne se révéleront lors du retour du Christ à la fin des temps.


En attendant, c’est Jésus lui-même qui prend soin de notre vulnérabilité au travers de l’action et des gestes de l’Eglise : Le sacrement de l’Onction ou Sacrement des Malades que certains d’entre nous vont recevoir aujourd’hui accomplit cette merveille. Par l’imposition des mains des prêtres et l’onction d’huile bénite sur le front et sur les mains, Jésus te touche dans ta vulnérabilité, dans tes blessures, dans ta fragilité humaine : ton corps, ton esprit, ton âme… Jésus te touche tout entier, avec sa puissance de vie et d’amour. Et il te donne le signe que Dieu est avec toi dans ton épreuve. Il te porte et t’accompagne ; soigne et guérit tes blessures, celles du péché et celles de ta peur, de ta révolte, de ta colère, de l’angoisse devant la maladie. Il te donne sa paix. Sa force. Il restaure ton âme et soulage ton corps…

Nous allons maintenant prier pour tous les malades, en particulier pour ceux qui vont recevoir ce Sacrement qui n’est pas celui de la mort, mais celui pour la Vie !

 


"Cette force, c’est aussi celle que le Christ a trouvée dans sa vulnérabilité la plus extrême, sur la croix. Là où la faiblesse semblait triompher, elle est devenue sa force : la puissance de résurrection à l’œuvre. Pour lui, et pour ceux qui mettent leur foi en lui, la croix du Christ est l’échelle qui conduit au ciel…"  (Mgr Luc Terlinden, archevêque-primat de Belgique, lors de la célébration commémorative du 17 novembre 2014 à Koekelberg pour les victimes des abus dans l’Eglise).

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