B JEUDI-SAINT - rien ne pourra nous séparer de l'amour du Christ


 

Comprenez-vous ce que je viens de faire ? – demande Jésus.

Chers frères et sœurs, comme vous certainement, j’ai participé à beaucoup de célébrations du Jeudi-Saint. Mais je ne peux pas dire que j’en comprends déjà toute la profondeur, qui est insondable et se dévoile chaque année je dirais de façon différente en fonction du contexte que vous et moi vivons.

Ça a toujours été et ça reste un moment très fort et émouvant pour moi. Je suis chaque fois touché par ce simple repas fraternel du Christ avec ses amis, ses disciples, et les paroles et les gestes qui y sont échangés.

J’y suis particulièrement sensible cette année, qui est pour moi une année de transition dans ma vie et mon ministère. Je passe d’une mission à responsabilité visible, celle de curé-pasteur de plusieurs communautés, à une mission plus cachée, discrète, celle d’aumônier d’hôpital et de célébrant-dépanneur. Je dois désormais être plus dans le laisser-faire que dans le faire. Dans la prière et l’accueil plus que dans l’organisation et la direction…

Cela rejoint peut-être quelque part le dépouillement que Jésus vit et accepte en ces derniers jours de sa vie : il ne cherche pas à contrôler les événements, il accepte tout d’avance et laisse les choses advenir jusqu’à la fin. Mais il leur donne un sens, une signification salutaire dans le plan d’amour de Dieu, comme par exemple ce Jeudi Saint où il fait de ce simple repas de la Pâque, avec une unique parole, le signe et le moyen éternel de sa Présence au monde pour toujours.


Quoi de plus simple en effet qu’un peu de pain partagé et une coupe échangée ? Et aujourd’hui encore, des millions de chrétiens vivent toujours de ce geste qui nourrit leur âme et leur vie toute entière. « Ceci est mon corps livré, mon sang versé pour vous… Aimez-vous comme je vous ai aimés, et faites cela en mémoire de moi ! »

Nous ne pourrions pas nous en passer !

Se laisser aimer par le Christ dans l’Eucharistie, pour pouvoir ensuite aimer comme lui, en lui, et transmettre cet amour jusqu’aux périphéries…

C’est peut-être aujourd’hui une des choses qui fait que le monde ne s’écroule pas encore, ne sombre pas totalement dans la folie meurtrière et l’auto-destruction.

Il y a tant d’amour caché dans le monde…

Il faut nous laisser « eucharistier » jour après jour, semaine après semaine, pour nous laisser transformer par cet amour et le laisser par nous transformer le monde.

Merci Jésus pour le don de ta vie !

 


Ensuite Jésus se lève de table. Jésus se lève de table, c’est le début, le "debout" d’une heure nouvelle. Jésus est toujours en marche, en mouvement et veut nous entraîner dans son sillage, dans ses pas, même et surtout si nous n’avons, par moment, plus de forces, plus de courage, plus d’envie… La communion, ce n’est pas pour nous y installer comme voulaient le faire Pierre, Jacques et Jean sur le mont de la Transfiguration, mais pour être envoyés.

Jésus se lève de table et quitte son vêtement, voici le dépouillement du vieux monde… comme l'autel qui tout-à-l'heure va être complètement dépouillé, mis à nu. Comme bientôt à la Croix...

Voici à vivre pour nous, pour chacun de nous, le dépouillement du vieil homme qui traîne les pieds… qui retient ses mains qui se ferment pour garder encore un peu de je ne sais quoi…

Les pieds qu’il faut laver sont les pieds de ceux qui viennent de loin, de ceux qui arrivent du chemin, de là-bas tout au bout ou d’ici à côté, les pieds poussiéreux et boueux de la route, souvent blessés et cassés de toutes parts comme ce voyageur dont le Bon Samaritain s’est fait le prochain…

Les pieds de ceux qui ont marché et marchent encore…ou qui ne peuvent plus marcher - dans les homes, les maisons de repos, les hôpitaux, les crèches, les prisons et les maisons d’arrêt. Dans les camps de réfugiés, les écoles-poubelles pour les enfants, les jeunes dits inadaptés… Parfois aussi dans nos églises.


Jésus prend, endosse ce rôle de serviteur, du domestique…Jésus nous provoquera à faire de même… Mais d’abord, à NOUS LAISSER FAIRE, à nous laisser laver nos propres pieds. Car nous aussi nous avons accumulé de la poussière du chemin, des écorchures et des blessures physiques, morales, spirituelles… Jésus veux me, veux te laver les pieds aujourd’hui !

C’est symbolique, bien sûr. Et nous n’allons pas refaire matériellement ce rite qui ne correspond plus à notre culture. MAIS IL NOUS FAUT LE COMPRENDRE : Nous risquons, sans problème, d’être des Simon-Pierre qui refusent ce geste d’abaissement, qui refusent ce passage de Jésus par la mort, refus d’être traité comme des nomades, des passagers… La mort de Jésus dérange tout autant que sa naissance, tout autant que sa vie, ses paroles et ses actes, tout autant que sa résurrection… Oui nous aimons Jésus, nous aimons et voulons bien aimer et servir Dieu et même les autres, mais à condition qu’ils soient bien gentils, bien propres et polis… et qu’ils soient surtout reconnaissants de ce que nous faisons pour eux.


Comment pourrions-nous accepter que Jésus innocent donne sa vie par amour pour nous, si nous ne nous laissons pas laver par lui ? Nous qui sommes coupables et responsables de tant d’absence d’amour…?

Mais ce soir Jésus nous fait entrer dans ce Mystère de l’amour qui se donne sans limites et sans conditions. Amour qui donne et se partage, amour qui pardonne et demande à pardonner.

Savons-nous reconnaître cet amour-là dans le pain de Vie que nous prenons si facilement ?

Rien ne pourra nous séparer de l’amour du Christ dit St Paul !

La prière silencieuse du prêtre avant la communion dit tout simplement : « que rien ne puisse me séparer de toi Seigneur ! »

Ce soir, mes frères, entrons un peu plus dans ce mystère, comprenons un peu plus que l’Eucharistie don de Dieu est inséparable du lavement des pieds où Jésus veut nous laver, nous guérir de nous-mêmes et où Jésus nous demande de nous laver les pieds les uns les autres. Où Jésus nous demande d’entrer toujours plus dans cet amour au quotidien qui cherche le meilleur de chacun et à donner le meilleur de soi-même.

 


Voici l’heure. L’heure de Dieu se manifeste à nos yeux ! L’heure de Jésus de passer de ce monde à son Père.

L’heure pour les disciples que nous sommes aussi, d’accueillir et d’entrer dans la logique du don de Dieu. Amen.


Commentaires

LES HOMELIES - ANNEE A