B DIM 18 - epiousion (mon essentiel)
Vous vous souvenez, en mars 2020, le début du confinement ?
En quelques heures, les rayons des supermarchés ont été dévalisés
de leurs produits de base. Farine, huile, pâtes, riz : tout disparaissait à vue
d’œil. Jusqu’au papier toilette, devenu denrée rare et précieuse !
À croire que les Belges stockaient en prévision d’une pénurie
mondiale. Et le pire est que cette folle demande en excès a créé en effet quelques
pénuries provisoires, le temps que le système de production s’adapte...
Après-guerre, dans beaucoup de familles, on continuait de stocker,
par réflexe. Chez nos parents, nos grands-parents qui avaient connu la guerre, il
y avait toujours un placard rempli de farine, huile, sucre, riz : ‘on ne sait
jamais’.
Cette peur de manquer est aussi vieille que l’humanité, aussi
vieille que la vie elle-même.
Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’on risque chez nous de mourir
de faim, ou de constipation par manque de papier toilette, mais le réflexe
d’accumulation continue de se manifester plus que jamais dans nos pays riches
– moins dans les placards que dans un mode de vie où on entasse à profusion des
biens de toutes sortes. « On ne sait jamais ».
De l’accumulation à la frénésie de la consommation, il n’y a qu’un
pas, qui est allégrement franchi dans une société construite sur le mythe de la
croissance indéfinie.
Ce jeudi 1er août 2024, on atteignait le « Jour du dépassement de la Terre », c’est-à-dire qu’en à peine 7 mois, l'humanité a dépensé l'ensemble des ressources que la Terre peut générer en un an. À compter de cette date, la Terre vit à crédit. Ce Jour avance inexorablement d’année en année ; en 1970, par exemple, le jour du dépassement intervenait le 29 décembre ! Pour le continent européen, ce jour tombait déjà le 3 mai 2024 ! À ce rythme-là, dans moins d’une trentaine d’année, les maigres ressources encore disponibles donneront lieu à des guerres sans merci dans un monde invivable et pollué. Déjà maintenant, si tout le monde vivait comme nous en occident, il faudrait 4 planètes !
Quel rapport, frères et sœurs, avec les lectures de ce dimanche ?
L’épisode de la « manne » au désert révèle que souvent, les
hommes préfèrent l’esclavage au risque de manquer. En témoignent les
récriminations des Hébreux qui regrettent les oignons et les marmites de viande
de l’Egypte : ils ont faim, c’est vrai, mais ils ont surtout peur de
l’avenir, peur de manquer. « Ah, pourquoi nous as-tu fait sortir d’Egypte »,
reprochent-ils à Dieu.
Aujourd’hui, au XXIè siècle, nos esclavages, nos assuétudes sont plus
subtils, mais nous n’en sommes pas moins captifs : les modes, les
tendances, le besoin de se comparer aux autres nous jettent dans les bras des
puissants lobbys publicitaires qui inventent sans cesse de nouveaux besoins. On
ne se rend même plus compte que nous sommes loin des besoins vitaux à
satisfaire, qui finalement se résument à relativement peu de choses… Et la
majeure partie des pays dits développés et de ses habitants est lancée dans une
course sans fin à la possession. C’est ce qui s’appelle la convoitise.
Or, que s’est-il passé quand, au désert, les Hébreux récriminaient sous
la peur du lendemain ? Au lieu de dire à Moïse et aux Hébreux de faire des
provisions, Dieu fait tomber la manne chaque matin et les cailles chaque soir, et
de la sorte il obligeait le peuple de ramasser juste le nécessaire pour qu’il
apprenne la confiance, à abandonner la convoitise et à partager avec ceux qui
ont ramassé moins. Et de la sorte, d’éviter la violence.
L’injustice, la violence en effet ne sont jamais loin de la peur
de manquer ; elles se nourrissent l’une de l’autre. L’enjeu de la manne
quotidienne est alors d’éduquer cette horde d’esclaves en fuite à ne pas céder
à la convoitise. « Apprends à ne pas céder à ton désir d’accumulation,
et tu maîtriseras la violence tapie à la porte de ton cœur. »
La catastrophe qui s’est abattue sur notre région lors des
inondations de juillet 2021 nous a fait ouvrir le cœur et réveiller le sens du partage et de
la solidarité : un élan extraordinaire a réuni les gens qui autrement souvent
s’ignoraient ou étaient indifférents… Des gens sont venus de partout, même de
Flandre, pour aider ceux qui avaient tout perdu.
Oui, il nous faut apprendre à renoncer à l’accumulation pour réapprendre
la convivialité – car nous sommes tous des invités sur cette Terre à
partager. Plus nous stockons et
accumulons, plus nous croyons être invulnérables, indépendants, n’ayant pas
besoin de l’aide des autres… Nos biens entassés nous coupent peu à peu de la
relation à autrui, et à Dieu en premier. Ils nous empêchent de découvrir la
vraie faim qui est la nôtre. Celle dont parle Jésus dans le chapitre 6 de
saint Jean, et qui n’est pas rassasiée par les biens terrestres.
« Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »
Et il précise : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
Comme les Hébreux, nous savons râler quand il nous manque quelque
chose, des biens ou du confort que nous considérons à tort ou à raison comme un
dû ; mais avons-nous soif de la Vie, de la Sagesse, de l’Amour de Dieu ?
- De Sa Parole et de son Eucharistie comme d’une nourriture dont le chrétien ne
saurait se passer ?
Ou sommes-nous des
rassasiés, les repus de Dieu ?
Jésus ne nous a-t-il pas appris dans le Notre Père à demander
notre pain quotidien, et pas un stock de boulangerie ? « Donne-nous
aujourd’hui notre pain de ce jour ».
L’expression grecque ἐπιούσιον (epiousion) traduite par « de ce jour » signifie en
fait « essentiel » : Père, donne-nous aujourd’hui notre pain
essentiel. Il s’agit donc moins du pain matériel, que de Jésus lui-même,
par qui nous avons tout : la vie, la grâce, et la foi de Dieu dans ce que
l’homme a de meilleur.
Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là !
Amen.
VIDEO : chant "Voici le Corps et le Sang du Seigneur", cliquez sur l'image ci-dessous pour écouter
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