B DIM 26 - Ne l'empêchez pas !
« Ne
l’empêchez pas »
Si vous êtes
ici ce matin (ou ce soir), c’est que vous n’êtes pas allés voir le pape
François à Bruxelles.
Evidemment,
on ne s’attendait pas à ce que les églises fussent toutes vides de paroissiens
ce week-end, et tout le monde catholique au grand complet qui se serait entassé
à Koekelberg, dans le stade Roi Baudouin ou le long du parcours du pape dans
les rues pour essayer de l’apercevoir ! Quoi que, 39.000 personnes
annoncées, c’est pas mal quand même ! Il y a des concerts de rock-stars
qui rassemblent moins de monde que cela.
Quelles sont
les motivations de ceux qui sont allés en car, en train ou en voiture voir le
pape ?
Elles sont
sans doute très variées. Il y a bien sûr un grand nombre de chrétiens
fervents, des catholiques convaincus et sincères, pour qui l’événement
revêt une signification spirituelle et qui se sentent appelés à vivre un moment
de communion particulière avec le successeur de Pierre au milieu du peuple de
Dieu rassemblé, un moment d’Eglise qui va marquer leur vie, espèrent-ils.
À côté de
ceux-là, il y aura aussi certainement, inévitablement, un certain nombre de
spectateurs qui iront par curiosité, ou pour pouvoir dire à tout le
monde : j’étais à Bruxelles, j’ai vu le pape – il y en a d’ailleurs qui
comme d’habitude font tout pour avoir une bonne place, le plus près possible…
et qui prennent des selfies. C’est humain. Et l’un de ces motifs n’empêche pas nécessairement
l’autre…
Comme on est
tous fait de chair et de sang et le pape aussi bien sûr, dans ce type de
manifestation, il est inévitable qu’on recherche des sensations, des émotions,
qu’elles soient spirituelles ou provenant des effets de foule. Même le roi
Hérode cherchait à voir Jésus parce qu’il avait entendu parler de lui (Lc
9,7-9).
Ce que je
voulais dire, et c’est ce que nous indique la Parole de ce dimanche, c’est
que la surprise peut venir d’ailleurs. Précisément, de ceux « qui ne
font pas comme tout le monde » (cf. la chanson « La mauvaise
réputation » de Brassens) ou qui n’appartiennent pas à nos cercles.
Jésus nous prévient : il n’y a pas que les « bons » catholiques qui peuvent délivrer un message de la part de Dieu, ou faire du bien, « des miracles en son nom ». Et il ajoute de façon catégorique : « Ne les empêchez pas ! » C’est un avertissement très sérieux, mais qui a rarement été suivi dans l’histoire du christianisme lequel s’est développé comme une religion où il faut que tout le monde suive les mêmes règles.
« Il n’est
pas, ils ne sont pas de ceux qui nous suivent » : C’est l’argument
que les disciples avancent pour justifier leur proposition
d’ »empêchement ». Ils veulent cadenasser l’accès au Royaume et à la
sainteté. Remarquez le « nous » : il n’est pas de ceux qui nous
suivent, nous les bons, les vrais disciples. Ça y est, déjà
l’Eglise-forteresse !
Je voudrais
vous inviter, frères et sœurs, à relativiser ce « nous » si
enfermant, restrictif, excluant.
D’abord en
faisant appel à Eldad et Médad, les deux hommes qui faisaient partie des
70 anciens que Moïse avait désignés. Ils ne sont pas venus au grand
rassemblement, la grand-messe pontificale où l’Esprit de Dieu a été conféré aux
68 autres mais ils étaient restés dans le camp. Et c’est dans le camp qu’ils se
mirent à prophétiser, plus fort et plus longtemps que ceux qui étaient allés au
grand pow-wow spirituel. Réaction immédiate de Josué : « Moïse,
arrête-les ! » Réponse de Moïse : « Serais-tu jaloux pour moi
? Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur tout son peuple, pour faire
d’eux un peuple de prophètes ! »
Je trouve ce
passage très intéressant. Cela témoigne d’une ouverture révolutionnaire pour
cette époque, mais pas seulement. L’Esprit n’a pas de frontières. Une
déclaration que le pape François a récemment faite lors de son voyage en
Indonésie, va bien dans ce sens. Elle a provoqué des broncas et des
raidissements dans certains milieux d’Eglise : Le pape avait affirmé aux
jeunes rassemblés à Singapour que « toutes les religions sont un
chemin vers Dieu » : « Elles sont – je fais une
comparaison – comme des langues différentes, des idiomes différents, pour y
parvenir. Mais Dieu est Dieu pour tous. Et parce que Dieu est Dieu pour tous,
nous sommes tous fils de Dieu. ‘Mais mon Dieu est plus important que le vôtre
!’ Est-ce vrai ? Il n’y a qu’un seul Dieu, et nous, nos religions sont des
langues, des chemins vers Dieu. Certains sont sikhs, d’autres musulmans,
d’autres hindous, d’autres chrétiens, mais ce sont des chemins différents.
Understood ? Capito ? »
Cela ne
veut pas dire forcément que toutes les religions se valent ; mais que des
chemins spirituels différents peuvent rapprocher les humains de Dieu, en gardant bien sûr comme socle de
notre foi la Rédemption réalisée en Jésus Christ : ‘Il n’y a pas sous le
ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés’ (Ac
4,12)
N’empêche
que des théologiens et éminents conservateurs ont immédiatement fourbi leurs
armes pour dénoncer cette ouverture interreligieuse en accusant le pape de
relativisme. Cela revient à dire que l’Esprit nous appartient, rien qu’à
nous ! Mais, une religion, une Eglise qui s’enferme sur elle-même devient
arrogante et dogmatique, autoritaire et cassante. Du coup, elle se ferme justement
aux inspirations puissantes de l’Esprit qui passe comme il le veut, par des
personnes et des moyens inconnus, imprévisibles.
Une autre raison de relativiser le fameux « nous » (il n’est pas de ceux qui nous suivent), eh bien c’est sans doute dans la suite de l’évangile de ce dimanche qu’il faut la chercher : Jésus parle avec des images très suggestives (les mains, les pieds, les yeux) du péché qui gangrène l’homme et dont il faut éviter à tout prix de s’y laisser entraîner, en particulier pour ne pas scandaliser (skandalizô en grec = ‘faire tomber’) un ‘petit’ croyant. Autrement dit, il nous faut reconnaître que nous ne sommes pas une Eglise de ‘purs’, mais une Eglise pécheresse, faite de pécheurs qui ont constamment besoin de la grâce et de la miséricorde divine.
Au nom de quoi, de qui, refuserions-nous la grâce divine ou l’Esprit Saint à des personnes qui ne sont pas 'de ceux qui nous suivent' mais qui sont peut-être moins pécheresses que nous ; en tout cas elles ne commettent pas, elles, le péché d’orgueil de se croire meilleures que les autres -
Ce n’est pas
parce que nous sommes chrétiens et que nous allons à la messe que nous sommes
meilleurs. Nous sommes pécheurs comme les autres. Mais si nous allons à la
messe, si nous nous rassemblons joyeusement comme ce week-end autour du pape,
c’est pour rencontrer Jésus, pour nous convertir, et pour, ayant rencontré le
Bien suprême, être bons à notre tour et rendre les autres heureux.
« Ne
l’empêchez pas », cela pourrait s’agir aussi de ce croyant timide qui dort
parfois en nous, et que le Seigneur voudrait voir prophétiser, annoncer sa
Parole et son message d’amour :
« Ah !
Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes !
Si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur eux ! »
Amen !
Un peu dans la même veine, cet interview du cardinal Hollerich, primat de Luxembourg, à l'occasion de la visite du pape dans son pays. Lui aussi voit dans la diversité une valeur.
(reportage réalisé par Vatican News)
Quelle est la situation de votre Église?
C'est une petite Église, une Église faible, dans une société fortement sécularisée. On pourrait peut-être comparer le Luxembourg à l'Irlande, un pays qui était très catholique -certains auraient dit même trop catholique à l'époque- et où maintenant l’Église est petite et faible mais quand même vivante. La visite du Pape nous donne l'occasion de regarder les signes d'espérance que nous avons. Ces signes d'espérance sont des marqueurs pour notre ‘marche ensemble’ comme peuple de Dieu.
Quels sont ces marqueurs d'espérance en l'occurrence?
Tout d'abord, il faut regarder la sociologie du pays. La moitié des habitants de notre pays ne sont pas des citoyens luxembourgeois. Nous sommes un pays de migration. La population du pays augmente chaque année de 10 000 personnes, mais le pourcentage de Luxembourgeois reste le même, c'est-à-dire qu'il y a autant de nouveaux citoyens qui acquièrent la nationalité luxembourgeoise que de nouveaux immigrés. Ce qui veut dire que parmi les Luxembourgeois, un grand nombre est d'origine étrangère, possédant la double nationalité. Un tiers de la population est né à Luxembourg et ce ne sont pas uniquement des Luxembourgeois. De plus, si on regarde la population luxembourgeoise, on voit qu’elle est vieillissante. Il n'y a pas beaucoup d'enfants luxembourgeois et il y a un certain matérialisme, le confort économique est la valeur suprême.
Mais quand je vois toutes ces autres populations de notre pays, parfois les églises sont trop petites. On le remarque dans les communautés lusophones qui sont nombreuses, mais aussi au sein de la communauté anglophone qui est grandissante. Sans oublier les communautés polonaise, ukrainienne, maronite, chaldéenne, italienne, etc.
Il y a donc une très grande variété, mais les grandes fêtes religieuses du pays, comme l'Octave de Notre-Dame Consolatrice des Affligés réunissent toutes les populations du Luxembourg. Et c'est beau! Et justement, le Saint-Père ouvrira notre 400ᵉ année de vénération de Notre-Dame de Luxembourg, notre grand jubilé marial à Luxembourg.
Au-delà de l'annonce de l'Évangile, au-delà de la reconnaissance de ces marqueurs d'espérance, qu'est-ce que vous attendez de cette visite du Pape François pour l'Église du Luxembourg?
C’est tout d'abord l'occasion pour devenir plus conscient de notre propre situation. C'est aussi une occasion de prière, parce que j'ai demandé tout d’abord à tous les catholiques de se préparer en prière à la venue du Pape. Et sans prière, il n'y a pas de renouveau de l'Église.
Cette visite du Saint-Père est aussi une prise de conscience des nouvelles possibilités qui s'offrent et de marcher avec courage, ensemble vers l'avant.
Votre pays, qu'est-ce qu'il peut apporter à l'Eglise universelle?
Je pense que pour les Églises européennes, c'est très important de voir cette expérience parce que nous avons en Europe des Églises nationales très fortes: l’Église de France est tout à fait différente de l'Église de Belgique qui de nouveau, est très différente de l'Église d'Allemagne et de l'Église de Pologne, sans parler de l'Église de Hongrie, etc. Il faut donc nous ouvrir beaucoup plus les uns aux autres. Il faut s’écouter les uns les autres et briser un nationalisme ecclésial qui pourrait s'établir avec les autres nationalismes qui prennent essor en Europe. Il faut éviter cela. L'Église n'est jamais nationale, elle est ancrée dans le national, dans la culture et l’histoire de chaque nation, mais elle n'est pas nationale.
Au Luxembourg, nous sommes une Église internationale. Le baptême ne fait pas de différence. On n'est pas plus baptisé si on est luxembourgeois que si on est français ou portugais.
https://www.vaticannews.va/fr/podcast/les-dossiers-de-la-redaction/2024/09/voyage-46-apostolique-luxembourg-pape-francois-eglise.html
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