A CAR 05 - "histoire de bandelettes"
Ce dernier dimanche de carême, ce n’est
plus un inconnu comme la Samaritaine ou l’aveugle-né, c'est un ami de Jésus qui
nous est présenté.
Nous connaissons son nom : Lazare
! Il avait deux sœurs, Marthe et Marie, une maisonnée d’un petit village
près de Jérusalem, Béthanie, où Jésus aimait venir se reposer entre deux
tournées…
Alors qu’il était encore loin de
Béthanie, on prévient Jésus que son ami est malade. Pourtant, il ne se presse
pas. Quand le Seigneur arrive à Béthanie, Lazare est mort - même si Jésus
suggère qu'il est endormi seulement. Mais en fait, il est déjà enterré.
Non seulement il est enterré, mais lié. Des bandelettes entourent
tout son corps. Pourquoi faire, je n'en sais rien. Etait-ce vraiment nécessaire
de ligoter les morts ? On lui a mis des bandelettes autour de ses bras et de
ses jambes, un voile sur le visage, il est sans vie dans un tombeau avec une
pierre devant, le froid et l’obscurité à l'intérieur. C’est fini. Point.
Schluss. Terminé.
Est-ce que Lazare, comme l'aveugle-né
de la semaine dernière, nous représenterait ?
Est-ce que notre humanité n'est pas,
en bien des lieux, sans espoir, frustrée, ligotée, aveugle, sourde, à la dérive,
se décomposant, enfermée dans la mort ?
En tout cas, c'est ainsi que Jésus a trouvé son ami. Non plus un homme, mais un
cadavre.
Ses sœurs étaient défaites, elles
aussi. Bien sûr, elles avaient espéré qu'il aurait pu l'empêcher de mourir… « Seigneur
si tu avais été là ! » Mais maintenant, il était bien trop tard.
Quand Jésus s'est approché, le chagrin des sœurs et la pensée de son ami mort, l'a bouleversé. Il a frémi. Sa gorge s'est nouée. Et les larmes sont montées à ses yeux. Il a pleuré.
" Voyez comme il l'aimait ! " disaient ceux qui le virent !
Alors il dit : " Roulez la pierre ! " Jésus n'aime pas
les tombeaux. Il n'aime pas les pierres devant les tombeaux. Il n'aime pas la
mort. C'est évident. Voilà pourquoi il ne dit pas, il ordonne : " Roulez
la pierre ! "
Puis il dit " Lazare, sors ! " et le mort sortit. Et il
était vivant ! et il marchait. Alors Jésus continue : " déliez-le, et
laissez- le aller ! " Car, pas plus qu'il n'aime les tombeaux, et les
pierres devant les tombeaux, Jésus ne supporte les bandelettes, tout ce qui
enchaîne quoi ! Il a délivré Lazare qui reprend sa vie, à l'étonnement de tous.
La question que nous nous posons
souvent, c’est : « qu’est-ce qu’il est devenu,
Lazare ? Qu’a-t-il rencontré de l’autre côté de la mort ?
Qu’a-t-il ressenti en revenant à la vie ? »
Et on pense à tous ceux qui racontent
des expériences de « mort imminente », qui disent avoir vu un tunnel
ou une lumière et ressenti un bien-être… Rien de tout cela avec Lazare : on
n’a pas convoqué les journalistes, il n’a pas pipé un mot, il s’efface en
arrière-plan tandis que l’attention se porte sur Jésus…
Voila ce qui est important : Le dialogue que Jésus a avec
Marthe, puis avec Marie, il le poursuit avec chacun de nous. « Moi,
je suis la Résurrection et la Vie. Le crois-tu ? Crois-tu vraiment que
rien, aucune force de mort ne peut me résister ?
Ce que Jésus a fait pour
Lazare, il veut le faire pour nous. Il veut le faire pour l'humanité
tout entière. Comme le disait magnifiquement un clown canadien, Jésus est "un
ouvreur de tombeau" et "un dérouleur de bandelettes" !
Ça sent la mort dans notre société, où on est de plus en plus indifférent à la
pauvreté qui s’étend dans les villes, les sans-abri et les sans-papiers que
l’on ignore ou qu’on expulse,… les malades et les personnes en fin de vie
laissés seuls dans les hôpitaux… Des hôpitaux où seuls les plus riches pourront
bientôt se payer des soins !
Ça sent la mort dans notre monde où on laisse plus d’un tiers de l’humanité
souffrir de la faim, où tant d’enfant meurent faute de soins alors qu’on
consacre des budgets énormes pour l’armement… ou pour des dépenses de prestige…
Mais est-ce que nous-mêmes nous ne sommes pas parfois aussi liés, comme paralysés, par des
« bandelettes » qui nous enserrent trop bien ?
Nous sommes bien des « Lazare »
quand nous laissons le pessimisme, la morosité, les « je vous l’avais bien
dit » nous envahir, quand nous jugeons qu’il n’y a plus rien de bon chez
quelqu’un, quand nous devenons cyniques
et désabusés, laissant l’esprit morbide nous contaminer et le repli sur soi…
Tout au contraire, l’esprit de l’Evangile est joie,
espérance, confiance en la Vie plus forte que la mort, et engagement solidaire
des autres hommes vers ce monde nouveau que Jésus a ouvert par sa résurrection.
Un monde sans entraves, sans chaînes, sans prisons, sans ghettos, sans zones
tampons entre les hommes. Un monde ou personne n'aurait plus besoin de papiers… un monde de frères et de sœurs.
Dans quelques jours, nous allons
fêter Pâques.
Vous connaissez certainement ce jeu que les enfants aiment beaucoup, et qui consiste à ligoter quelqu’un en l’entourant avec des rouleaux de papier toilette, le jeu de la momie.
Et puis, sur un signal, celui qui
était ligoté devait faire éclater d’un coup toutes les bandelettes.
Eh bien, il faut qu’à Pâques, chacun
de nous fasse éclater toutes ses bandelette, tout ce qui l’empêche de bouger,
d’être libre, d’aimer, de s’engager, de pardonner, d’être vraiment vivant!
Ou plutôt,
il faut le demander à Jésus !
« Sors de là ! », crie-t-il à Lazare.
N’est-ce pas un ordre pour chacun de nous en cette dernière semaine de
carême ?
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