C DIM 29 - Prier sans se décourager

 HOMELIE 29ème DIM. ORD. C 

Prier sans se décourager

Cette parabole de la veuve et du juge nous est dite pour montrer qu’il faut prier sans se décourager, sans se lasser. Parabole sur la constance, la persévérance. Donc, c’est qu’on a besoin d’être encouragés ! C’est quoi finalement l’objectif de cette parabole, l’idée qui est derrière ?

Ben en fait, c’est la question : « à quoi ça sert de prier, finalement ? »

Nous nous posons bien la question même si nous ne l’avouons pas. Alors, c’est vrai que souvent, on détourne la question sur le caractère opérationnel de la prière : Puisque souvent nous prions mais nous n’obtenons pas, alors on a des tas de chemins détournés pour éviter le soupçon : car on ne peut pas soupçonner Dieu d’être sourd ou de ne pas vouloir entendre ; alors on se dit, bien voilà, nous avons demandé quelque chose à Dieu et nous avons obtenu autre chose qui au fond était meilleur mais qui n’était pas ce qu’on demandait...

Ce qu’il y a d’intéressant dans la prière, c’est que c’est une relation. Cela veut dire que, au fond, on ne coupe pas la relation. Demeurer dans la prière, c’est finalement demeurer dans une forme de relation, de conversation – et ne pas la rompre. Et ça, c’est une expérience que tous les croyants ont faite, c’est-à-dire que plus on prie, plus il est simple de prier ; moins on prie, plus c’est difficile, comme quelqu’un avec qui on n’a plus parlé depuis longtemps, on a du mal à re-rentrer dans la conversation.

Et au fond, la première chose, la constance, c’est de demeurer dans cette conversation, dans cette intimité, ce cœur à cœur de chaque instant, d’une certaine façon.

C’est si important, voilà, qu’on a besoin d’être encouragés, parce que la prière est difficile ; la prière peut parfois être aride ! C’est pour cela que Jésus nous encourage.

De toute évidence, en effet, Jésus était un personnage tel que, quand les disciples le regardaient prier, ils voyaient bien que eux, ils ne savaient pas prier. D’où la demande : « Seigneur apprends-nous à prier. » Il va donc les éclairer en prenant une parabole, ces deux personnages qui de nouveau sont très très typés. 


Donc on a d’un côté une gentille, de l’autre côté un méchant ; elle, c’est une pauvre gentille, une veuve. Les veuves sont celles qui en l’occurrence sont sans protection puisqu’elles n’ont plus de mari et qu’elles sont sorties de la protection de leur père : en fait il n’y a pas de personnalité juridique de la femme dans une société patriarcale. 

Dans la bible, la veuve, l’orphelin et l’étranger sont toujours associés parce que ce sont les faibles ; ils n’ont pas de protecteur. En théorie, ils devraient être protégés par la justice, normalement, sauf que là, le juge est un juge inique, un juge qui ne craint pas Dieu (on va le répéter à plusieurs reprises) alors que normalement il exerce la justice au nom de Dieu et qu’il doit protéger au nom de Dieu les faibles, eh bien il n'a pas envie de le faire. Et donc, il ne le fait pas.


Mais elle, elle persiste, elle insiste ! Elle n’a pas de protecteur, mais elle a la persévérance. Il y a d’autres figures dans l’évangile où le voisin frappe à minuit et qui demande du pain et tu vas finir par lui donner ce qu’il demande parce que maintenant que tu es réveillé, autant le faire ; là aussi il y a cette idée qu’il faut continuer, c’est aussi une parabole pour encourager la prière. Et au fond, le juge il ne se convertit pas, il ne change pas son cœur, mais là finalement, pour avoir la paix, il va rendre justice à la veuve au moins pour qu’elle arrête de lui casser la tête, ses oreilles. 

Et c’est terrible, cette idée qu’on casse les oreilles – je me rappelle quand Elie se moque des prophètes de Baal en leur disant que leur dieu ne les entend pas, qu’il est peut-être un peu sourd ou qu’il a autre chose à faire en ce moment… Et là, le juge il n’est pas suffisamment sourd, on lui casse les oreilles et finalement il va donner raison à la veuve non pas à cause de la justice mais de la persévérance.

Et en fait, même si le mot n’est pas présent dans le texte, Jésus va profiter de cette parabole pour utiliser le « combien plus » , comme dans d’autres paraboles qui mettent en scène des humains normaux, c’est-à-dire avec tous leurs défauts, mais qui arrivent de temps en temps à faire des choses bonnes et justes : comme la parabole des parents : « Si vous, parents, aussi mauvais que vous êtes, vous donnez de bonnes choses à vos enfants, et pas une pierre au lieu d’un œuf lorsqu’ils en demandent un, si vous savez donner de bonnes choses à vos enfants qui vous prient, COMBIEN PLUS votre Père du ciel donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demandent.

Ce comparatif « combien plus, à plus forte raison », est là pour souligner, faire ressortir la bonté, la générosité du Père qui lui n’est pas inique. Combien plus, si vous êtes patient, persévérant, vous obtiendrez ! C’est dit ici sous forme interrogative : « Et vous ne croyez pas que dieu lui, ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? » 

Ne nous trompons donc pas en identifiant Dieu avec le juge de la parabole : ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Simplement, Jésus a pris une histoire de la vie de tous les jours en mettant en scène le pire juge qu’il puisse exister devant une personne la plus misérable qui soit, afin de faire ressortir par contraste que si la persévérance peut faire changer d’avis un mauvais juge, à fortiori, par contraste, Dieu, qui est le meilleur de tous les pères et qui ne veut que le bonheur de ses enfants, se laissera toujours toucher par une prière confiante dans une relation d’amour.


Ensuite, il y a la chute de l’histoire : « Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? »



La semaine dernière, on disait qu’on n’avait même pas la foi gros comme une graine de moutarde ; et là Jésus lance une fameuse interrogation : Est-ce qu’il y aura encore la foi sur la terre ? Cette question est vraiment très interpellante ! Parce que finalement, c’est une question que chaque génération se pose. Elle est pour nous tous. Parce que finalement nous voyons l’iniquité proliférer, nous voyons le mal et le malheur prendre le dessus ; et là ce n’est pas l’iniquité du juge, c’est une iniquité générale. Et aujourd’hui dans le monde dans lequel on vit, ce qu’on voit ce n’est pas l’athéisme, mais plutôt la négligence religieuse, l’indifférence, ronger ce monde ; et donc nous aussi nous nous posons la question qui nous heurte de plein fouet : Le fils de l’homme trouvera-t-il la foi sur la terre ?

Au fond, le Christ s’adresse à nous de cette façon : « Voilà, votre prière peut être aride, votre prière peut être difficile, votre prière peut sembler demeurer sans réponse, mais est-ce que vous saurez rester assez persévérants pour garder la foi – même devant ces océans d’iniquité, de mal ? »

Chacun de nous, hommes et femmes, croyants du XXIème siècle, on voit d’un côté l’iniquité, la violence du monde, la violence faite aux plus pauvres, aux femmes, à l’environnement : on ne peut pas dire qu’on ne voit pas le mal, on le voit partout, et ce regard sur le mal peut faire chanceler la foi : À quoi bon prier quand le mal prolifère à ce point ? Quand tous les voyous de la terre semblent avoir raison ?

Et là nous sommes comme la pauvre petite veuve qui cherche désespérément la justice ; nous sommes dans cette situation-là, nous faibles croyants au milieu de ce déferlement de méchanceté que nous observons à chaque instant, et puis -peut-être pire encore, l’océan d’indifférence. Pour tant de nos contemporains, Dieu est un inconnu. Donc, c’est peut-être vrai que chaque génération reçoit cette parole, cette interpellation sur la foi comme une sorte d’aiguillon et d’électrochoc qui doit nous faire sursauter. Parce qu’effectivement, si nous on lache, qu’est-ce qui restera ? C’est une question qu’au fond, tous les croyants doivent se poser. « Si nous on lache, qu’est-ce qui restera ? »


…Nous tenir, comme Moïse, Aaron et Hour, au sommet de la colline, en tenant les mains levées vers Dieu, le temps qu’il faudra. Et si les bras s’alourdissent et flanchent, nous soutiendrons les mains de nos frères et ils soutiendront à leur tour les nôtres : Tout seul on ne peut pas gagner le combat de la prière, garder l’espérance, garder la foi ; tout seul on n’arriverait pas à ne pas s’user et se décourager dans le service de la charité : chacun a besoin des autres !

Et ne pas oublier que la petite graine de la foi un jour germera, deviendra un arbre sous lequel de nouvelles générations viendront s’abriter et trouver des forces…

Seigneur, tu sais notre faiblesse, aide-nous à persévérer. Nous croyons en Toi.

Amen.

 


« Seigneur Jésus, depuis 2000 ans, ton souffle gonfle les voiles de tant de barques. Nous te confions celle qui nous porte aujourd’hui. Quelles que soient les bourrasques ou les tempêtes qui nous secouent, nous croyons que tu as embarqué avec nous. Sois toujours celui qui nous rend confiance, mais aussi qui nous montre le cap et nous réveille quand nous faisons de notre vie une croisière sans défi, sans idéal, sans générosité. Ton Esprit est à la fois paisible et exigeant ; qu’il ne cesse de nous mener vers d’autres rivages où nous vivrons plus justes et plus fraternels, plus simples et plus vrais. Amen. » (J. Lievens)

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