A DIM 32 - Une flamme qui ne s'éteint pas

Quand j’étais enfant, j’aimais bien aller à la messe le dimanche. Et puis, l’après-midi, on avait le Patro ou les scouts. Là, on apprenait qu’il fallait s’entraider, partager…

Mais quand j’entendais raconter à l’église l’évangile des « vierges sages et des vierges folles », j’en étais tout chamboulé. Ce texte assombrissait mon humeur, j’en entendais les menaces ; et puis il y avait ce refus total d’entraide des sages vis-à-vis des folles. « Allez vous-même acheter de l’huile chez les marchands ! »

Et la fin de l’histoire était terrifiante : « Je ne vous connais pas ! » Non, vraiment, je ne comprenais pas ce que cette parabole venait faire dans l’évangile…

 

Peut-être faut-il tout reprendre depuis le début :

 

Nous sommes invités à des noces.

La Bible est une histoire d’amour, l’histoire des noces de Dieu avec l’humanité.

Dieu crée l’homme à sa ressemblance, et il lui propose son amitié :

Il l’invite à se promener avec lui dans le jardin (Gn 3,8) ;

Il dira à Abraham : « Marche en ma présence ! Je veux faire alliance avec toi ».

Au Sinaï, cette Alliance devient un mariage en bonne et due forme.

Le Seigneur, l’Epoux divin, et le peuple d’Israël s’engagent réciproquement,

Et la fête se termine, comme dans les noces, avec un repas (Ec 24).

 

Plus tard, les prophètes insistent sur l’aspect essentiel de l’Alliance : l’amour.

Dieu aime son peuple comme un époux aime son épouse.

 

Mais pour que l’homme comprenne enfin cela, il aura fallu que Jésus, le propre Fils de Dieu, vienne parmi nous, qu’il épouse concrètement notre humanité en prenant chair de Marie, et qu’il nous dise l’amour du Père avec son cœur humain.

 

Jean-Baptiste l’a compris : il désigne Jésus par ce nom d’Epoux (Jn 3,29) ; Jésus lui-même s’attribue ce nom pour expliquer la raison de la joie de ses disciples : Les invités à la noce peuvent-ils jeûner (être dans la tristesse) quand l’époux est avec eux ? (Mt 9,15).

 

Oui, le Seigneur Jésus, l’Epoux, est toujours avec nous. Par l’Eucharistie il nous redit sa présence fidèle et aussi la joie des noces ; celle que nous éprouverons enfin pleinement lors de son RETOUR glorieux, que nous attendons dans la foi :

Et ça aussi, nous le proclamons à la messe, juste après la consécration : « Nous proclamons ta mort, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ! »

 

Mais mais mais… Nous sommes parfois comme les jeunes filles de la parabole :

Comme l’Epoux tardait à venir, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.

 

Nous aussi on a attendu. On a longtemps attendu, comme l’enfant que j’étais : On avait appris au catéchisme, au cours de religion, à la messe, que Dieu était bon, qu’il veut le bonheur de l’homme, et qu’il aide tous ceux qui le prient… Que le Royaume de Dieu allait se réaliser, où tous les hommes s’entendraient et ne feraient plus la guerre, qu’il n’y aurait plus de faim ni d’injustice dans la monde, que l’amour et la vérité triompheraient de la méchanceté et de la haine…

Ah oui, parlons-en ! On attend toujours. C’est long, très long.

Et puis, à force d’attendre, de ne rien voir venir, vous savez ce qui se passe souvent ? On s’endort.

Notre cœur s’endort, et la lampe de la Foi, de l’Espérance qui nous maintient en éveil, cette petite flamme vacille et parfois même s’éteint.

 

C’est normal de s’endormir, le Royaume de Dieu ne vient pas comme cela d’un coup, le Seigneur ne nous en veut pas pour ça, d’ailleurs dans la parabole toutes les filles s’endorment, les sages comme les folles.

Mais si nous perdons la Foi, si nous laissons la lampe de notre cœur s’éteindre, aïe aïe aïe !

 

Il faut donc bien nourrir cette lampe avec beaucoup de bonne huile, celle de la foi et de l’amour, pour qu’elle brille même au cœur des ténèbres les plus épaisses, quand nous n’y voyons plus rien !

Et cette huile-là, on ne peut pas l’échanger avec les autres, chacun doit remplir sa propre lampe et l’entretenir soigneusement. Je comprends maintenant pourquoi les sages ne pouvaient pas partager !

 

Oui, sœurs et frères, notre lampe, celle de la foi et de l’espérance, ne brille pas beaucoup parfois…

Pour aller à la rencontre de Jésus, même si nous nous endormons parfois, il faut que notre cœur, lui, reste vigilant.

 

Demandons au Seigneur de nous donner chaque jour notre provision quotidienne de Foi et d’Amour dont nous avons besoin pour nourrir la lampe de notre cœur :

 

Seigneur, notre vie sur terre est cette marche, elle est l’attente de ta venue définitive.

Mais concrètement, cette venue est souvent loin de nos soucis !

Rends-nous davantage attentifs à toi, Seigneur Jésus, en guettant tous les signes de ta venue, attentifs aux autres, à leurs soucis, leurs besoins,

et la petite flamme de notre cœur non seulement ne s’éteindra pas, mais sa lumière réjouira tous ceux qui nous entourent !

Amen !

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Croyez-vous que vous ressusciterez ? 

C’est quand même une question cruciale, non ? Faisons un petit sondage : Qui croit qu’il ressuscitera ? Levez la main…

Tout dépend évidemment encore de ce que l’on met sous ce mot de « résurrection »…

Vous ne serez pas surpris d’apprendre que beaucoup de catholiques, s’ils sont encore nombreux à croire que « Jésus est ressuscité », ne sont par contre pas convaincus de leur propre résurrection ; et la proportion, en France et chez nous, des gens de tous horizons philosophiques et religieux qui croient en une vie après la mort ou simplement que « quelque chose survit de nous », est également en baisse (46 %, et 17 % sont « sûrs qu’elle existe » - selon la récente enquête d’Odoxa « Religions, croyance et espérance : l’état des lieux » publiée le 4 octobre dernier).

Conséquence logique : seuls 60 % de la population en moyenne souhaite encore une cérémonie religieuse lors du décès. Autrefois, c’était 90 % de la population qui « passait par l’église ». Chez les pratiquants, ceux qui vont régulièrement à la messe le dimanche, 69 % seulement pensent toujours qu’il existe une vie après la mort : étonnant ! Et on ne parle même pas des concepts théologiques du ciel, de l’enfer, du purgatoire et de la résurrection de la chair, en berne eux aussi. D’ailleurs, on n’en parle même plus dans les catéchèses et les homélies…

Dans ces conditions, on risque d’avoir bien du mal à comprendre la parabole des « vierges sages et des vierges folles » de ce dimanche.

Elle parle en effet du retour du Christ à la fin des temps. Or, si je n’attends plus rien après la petite fin du monde qui est ma mort personnelle, comment pourrais-je attendre la grande fin du monde que sera le retour du Christ, qui comme dit le Credo, « reviendra juger les vivants et le morts » ?

Jésus avait bien annoncé son retour en gloire, après sa Résurrection et son Ascension auprès du Père. Naïvement, les premiers chrétiens – saint Paul le premier – croyaient que ce serait pour demain, pour bientôt, et ils s’y préparaient en conséquence. Mais le temps a passé, la génération des Apôtres disparaît, et le Christ n’est toujours pas revenu. Alors, cette parabole des 10 jeunes filles a été récupérée-ressortie pour encourager les communautés chrétiennes à persévérer dans cette attente.

Il s’agit bien « d’entretenir la flamme » de l’espérance – c’est le cas de le dire avec les fameuses lampes à huile !

Ces dix jeunes filles représentent sans doute l’Eglise, et le contexte est bien nuptial puisqu’elles attendent toutes la venue de l’époux (le Christ) qu’elles vont rejoindre dans la salle des noces. Ce contexte est important, car il privilégie l’image de l’amour et non celle du jugement : c’est un époux qui vient, et non un juge. C’est d’amour qu’il est question : entre le Christ et son Eglise, entre lui et chacune des 10 jeunes filles, entre lui et moi.

En fait, ces jeunes filles, elles sont toutes pareilles. Toutes les 10, elles ont une lampe symbole de leur foi et qui éclaire leur route, et de leur espérance qui attend le lever du jour. Les 10 lampes sont remplies d’huile au début, dans laquelle la tradition a vu les bonnes œuvres, la grâce du baptême, la miséricorde, etc. Jusques là, aucune différence, si ce n’est qu’on qualifie certaines de sages (ou prévoyantes) et certaines autres de folles (ou insensées) : comme dans l’Eglise de notre temps, et celle de tous les temps.

De plus, elles s’endorment toutes, même les sages, ce qui prouve bien que ce sommeil n’est pas une faute : c’est le sommeil naturel de la mort par lequel tout être humain doit passer. Celui des premières générations de chrétiens qui attendaient le retour du Christ, comme celui de notre génération à nous. « S’endormir dans la mort » est encore une expression utilisée aujourd’hui pour le départ d’un proche. Car si on parle de sommeil, cela veut dire qu’on espère un réveil, et la parabole affirme clairement que le sommeil de la mort aura une fin lorsque le Christ – l’époux- viendra.

Donc il s’agit bien d’une parabole d’espérance, et non pas une fable pour faire peur et faire craindre le jugement ! - Un jour, tous, nous ressusciterons.

Oui mais alors, cette histoire d’huile qui manque et de lampes qui s’éteignent ? Et la réplique sèche et brutale de l’époux à la fin : « Allez-vous-en, je ne vous connais pas » ?

C’est un problème qui a trait à l’amour.  Et c’est sur ce point précis que se joue la différence – la seule -  entre les vierges sages et les vierges folles. Ce qui sera reproché aux 5 imprévoyantes est leur absence au moment de l’arrivée de l’époux « au milieu de la nuit », alors qu’elles sont parties acheter une réserve chez les marchands. Les marchands n’y peuvent rien, et d’ailleurs les 5 sages ont dû elles aussi acheter leur huile chez eux. Mais les folles n’ont pas pris de réserve suffisante – et faute de cette réserve, leurs lampes s’éteignent en cours de route lorsqu’elles se lèvent pour aller à la rencontre de l’époux…

Quelle est donc cette réserve d’huile contenue dans des « flacons » comme l’évoque la traduction ?

La question que nous nous posons tous lorsque nous vivons la mort d’un être aimé, c’est : La flamme de l’amour peut-elle durer au-delà de la mort ? - Question qui taraude tous les veufs et les veuves.

Notre amour pour Jésus, dont nous sommes censés avoir fait provision au cours de notre vie, cet amour est-il suffisant pour attendre et désirer sa venue, de notre vivant déjà, mais même au-delà du sommeil de la mort ?

C’est une grave question.  =>Si je ne désire pas Jésus, si je ne le cherche pas déjà dans ma vie d’aujourd’hui, comment pourrait-il y avoir entre lui et moi un lien d’amour si fort que même la mort ne puisse le rompre ?

Comme dans le Cantique des Cantiques, magnifique poème biblique, qui reprend lui aussi l’image nuptiale : « Mon Bien-aimé est à moi, et je suis à lui. » « J’ai trouvé Celui que mon âme désire, je ne le lâcherai pas ! » (Cant 2,16 ; 3,4). « Car l’Amour est fort comme la mort, la passion est implacable comme l’abîme. Ses flammes sont des flammes brûlantes, c’est un feu divin ! Les grandes eaux [de la mort] ne peuvent éteindre l’amour, les fleuves ne l’emporteront pas. » (Cant 8,6-7).

Seul l’amour peut vaincre la mort. Il ne faut pas attendre qu’il soit trop tard pour en faire provision en multipliant les petits gestes qui remplissent notre lampe d’huile, comme l’écrivait Mère Teresa. Car l’amour pour Dieu ne va pas sans l’amour du prochain. Et c’est là que le Christ nous attend, et qu’il vient déjà, qu’il viendra enfin à notre rencontre quand le cri retentira : « Voici l’époux, sortez à sa rencontre ! »

« Ne vous imaginez pas que l’Amour, pour être vrai, doit être extraordinaire. Ce dont on a besoin, c’est de continuer à aimer. Comment une lampe brille-t-elle, si ce n’est pas par l’apport continuel de petites gouttes d’huile ? Qu’il n’y ait plus de gouttes d’huile, il n’y aura plus de lumière. Et l’époux dira : “Je ne te connais pas”.

Mes amis, que sont ces gouttes d’huile dans nos lampes ? Elles sont les petites choses de la vie de tous les jours : la joie, la générosité, les petites paroles de bonté, l’humilité et la patience, simplement aussi une pensée pour les autres, notre manière de faire silence, d’écouter, de regarder, de pardonner, de parler et d’agir. Voilà les véritables gouttes d’Amour qui font brûler toute une vie d’une vive flamme. »     Mère Teresa


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