C DIM 13 - Urgence !

 13° Dimanche du temps ordinaire C - 25/06/2022


Est-ce que nous savons toujours distinguer dans notre vie ce qui est urgent et ce qui ne l’est pas ?


J’entendais tout à l’heure sur TV5 monde, la télévision suisse, Bertrand Picard le célèbre scientifique, déplorer que tout le monde politique, mais aussi les jeunes qui manifestent pour le climat, se paient de déclarations unanimes : « Il faut changer, il faut changer pour éviter la catastrophe. » Bien sûr, tout le monde est d’accord. Mais personne ne parle des solutions à mettre en place, on reporte à demain les décisions douloureuses, parce qu’on n’en ressent pas encore l’urgence.

=>Par contre, on dirait qu’aujourd’hui, Jésus, lui, est aux urgences !

à trois personnes qui sont disposées à le suivre, il donne chaque fois un message surprenant :

-Il indique au 1er qui se présente, que lui-même Jésus n’a pas d’endroit où se reposer et donc qu’il ne faut pas s’attendre à une petite promenade bien gentille…

-Il impose au 2ème de renoncer à enterrer son père, car le temps presse et le règne de Dieu n’attend pas.

-Il conseille au 3ème, qui veut faire d’abord ses adieux à ses proches, de ne pas regarder en arrière alors qu’il vient de « mettre la main à la charrue », car le royaume de Dieu n’attend pas.


Avouez, c’est quand même un peu choquant ! Ces messages ne sont pas faits pour encourager les candidats à devenir disciples, n’est-ce pas ! Imaginez qu’on donne cet évangile lors des préparations de baptême, par exemple, où à ceux qui demandent un sacrement, les futurs confirmés ? Qui serait d’accord ?

ATTENTION ! DANGER ! SECTE !  N'est-ce pas ce que toute personne sensée dirait ? D'ailleurs, j'imagine que beaucoup d'entre nous auront déjà mis le bémol : Depuis le temps que nous entendons ces paroles à la messe, je ne connais personne qui ait refusé d'aller à l'enterrement de son père à cause d'elles ! On se dit : "ce n'est pas pour nous, nous on n'est pas des "fous de Dieu", mais des gens raisonnables, heureusement. "

Un couple qui préparait son mariage m’a fait découvrir ce texte autrement. Depuis, j’y vois surtout un avertissement contre la tentation du délai : délai pour éviter de se mettre en route tout de suite, excuse pour différer le véritable engagement… Le fiancé me racontait : « C’est ce que j’ai fait lors d’une première relation avec une autre femme, qui a duré des années. Je me disais : quand j’aurai un boulot stable, quand on aura une maison, quand on sera sûr d’être ensemble, quand on sera d’accord sur les enfants, quand… quand… alors peut-être on se mariera. Mais en réalité, c’était le symptôme d’une hésitation plus profonde. Et de fait, nous nous sommes séparés au bout de quelques années, constatant qu’on n’arrivait pas à s’engager ensemble. »

Je crois que c'est  le nœud du problème que Jésus veut dénoncer avec des paroles fortes, certes, et même choquantes pour qu'elles marquent les esprits et fassent réfléchir.



Ne pas savoir gérer les priorités devient un mal régulier du monde d’aujourd’huiJésus avait choisi les siennes, rien ne pouvait lui en faire dévier : « Le visage déterminé, il prit la route de Jérusalem » – en sachant très bien ce qu’il risquait, il avait déjà annoncé sa mort prochaine aux disciples qui ne le croyaient pas. Mais pour lui, rendre visible le Règne de Dieu était la priorité des priorités. Et cela sans passer par la violence, comme l’auraient voulu les 2 frères Jacques et Jean, ce qui est un raccourci dangereux et en contradiction avec le sens du message d’amour.

Comme le fait d’interdire l’avortement aux Etats-Unis, quelles qu’en soient les raisons ou situations concrètes – alors que la vente d’arme de guerre est autorisée même pour les moins de 18 ans ! (Cherchez l’erreur.) Invoquer la volonté de Dieu comme le fait Trump est indécent, car, si la vie humaine est effec-tivement sacrée, il y a lieu de discerner dans chaque cas quelle est la véritable priorité, et ce n’est pas chose facile. Beaucoup de choses entrent en jeu en effet, et imposer par la loi peut aussi être une violence.

 

Nous sommes tiraillés sans cesse par ce que nous croyons être des urgences, ou de fausses priorités que nous absolutisons ainsi. La vie familiale, relationnelle en souffre. Les gens sont malades du stress qu’engendrent les conflits entre de nombreuses soi-disant « urgences » imposées par le mode de vie contemporain. Et ne parlons pas de notre vie spirituelle et religieuse ! Au rayon des priorités, elles seraient plutôt tout au bas de la liste ! 

Un ami me racontait dernièrement qu’à une réunion professionnelle, on devait travailler et réfléchir ensemble une heure sur un sujet assez pointu. Chacun avait son ordinateur portable devant lui. Or, le comportement d’une des cadres de l’entreprise avait stupéfié mon ami :  Pendant une heure elle n’a cessé de répondre à ses mails et messages qui apparaissaient sur l’écran de son ordinateur, sur son téléphone mobile professionnel et sur son téléphone mobile personnel (elle avait posé les deux sur la table !)  et même sur sa montre connectée qui bipait régulièrement au point de l’interrompre dans une phrase pour la consulter et répondre…  



On relèvera que c’est le cas de très nombreux jeunes, une génération hyper-connectée dont la grande crainte est de manquer un seul appel d’un membre de leur groupe…

En fait, ce souci d’être connecté en permanence et de répondre dans l’urgence à tous ses messages les coupe en réalité, d’une présence effective à l’autre et à leur tâche présente…

=>Orc’est peut-être, si on en croit Jésus, de cette dimension spirituelle que nous négligeons tant, que viendrait l’oxygène qui irriguerait tous les autres domaines de notre vie, en les harmonisant, en les remettant à leur juste place ?

Je me demande même si ce ne serait pas au fond cela, le Règne de Dieu dont parle Jésus ? En fait, quand Dieu est la priorité, au cœur de chaque personne et de la vie sociale, familiale, tout devient en principe équilibré, et les choses s’ordonnent d’elles-mêmes !

Alors que nous célébrons la clôture de l’année AMORIS LAETITIA consacrée au couple et à la famille, famille tellement tiraillée aujourd’hui entre tant de priorités et d’exigences contradictoires, ne devrions-nous pas, quel que soit notre état de vie, opérer un authentique discernement spirituel (= à la lumière de l’Esprit de Dieu) : qu’est-ce qui est urgent et qu’est-ce qui peut attendre ? Qu’est-ce qui est important et qu’est-ce qui l’est moins ?

Savoir dire non aux pressions de la société est sans doute une clé pour discerner l’important et les véritables priorités. Non à tout ce qui aujourd’hui pollue nos boîtes mails, nos agendas, notre énergie.

Mais aussi, comme Jésus, qui le visage décidé, a pris courageusement le chemin de Jérusalem où il allait vivre sa passion, savoir rester en chemin, et se laisser toujours désinstaller, remettre en question, ne pas se contenter des acquis… en étant solidaire de l’humanité dans laquelle nos choix individuels portent conséquence.

« Le monde est en feu… ce n’est point l’heure de traiter avec Dieu d’affaires de peu d’importance » disait Sainte Thérèse d’Avila à ses Sœurs.


Et vous, chers frères et sœurs, quelles sont vos vraies urgences ?

 Prenons un temps de silence pour y réfléchir.



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