C DIM 33 - Pour des temps difficiles...

 


Luc 21, 5-19 :  Pour des temps difficiles...

En cette dernière semaine du temps ordinaire, la Parole de Dieu nous conduit sur les chemins du dépouillement et de l’espérance. Dépouillement, car il faut que nous acceptions à abandonner toute nos idoles et nos certitudes humaines (nos « temples ») afin de reconnaître la vérité de Dieu : et c’est éprouvant. Espérance, car si le Temple est détruit, la Résurrection de Jésus le rend présent auprès de tous ceux que Dieu aime et qu’il sauve de l’éloignement du péché : et c’est fortifiant !

Aujourd’hui encore, le Christ nous appelle à choisir le vrai chemin de l’Évangile qui passe pour les voies que Dieu seul sait ouvrir. Mettons-nous en sa présence.



33ème dimanche ordinaire C - 16 novembre 2025

 

“Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom.”


Brr… Ça ne donne pas très envie de devenir chrétien, n'est-ce pas !

 

Et le reste, cette énumération d’événements catastrophiques à venir n’est pas plus rassurante : guerres, désordres, tremblements de terre, famines, épidémies, phénomènes cosmiques… On a envie de zapper ! Est-ce que l’actualité n’en est pas suffisamment remplie ?




 

Et pourtant, frères et soeurs, ce message que nous entendons est un message d’espérance. Un message mobilisateur. Et je pense qu’il est particulièrement en phase avec l’époque que nous traversons en ce moment et qui est pleine de bouleversements anxiogènes. Qu’est-ce que le Seigneur essaye en réalité de nous dire ?

 

Comme d’habitude, Jésus part du contexte où il se trouve pour instruire et former ses disciples. Ceux-ci s’extasient sur la beauté majestueuse du Temple de Jérusalem où ils se trouvaient tous ensemble et où une pauvre veuve venait de déposer deux sous dans le tronc…

 

À contrepied du sentiment de solidité et de pérennité qu’on peut éprouver devant un monument grandiose fait par la main de l’homme comme les pyramides d’Egypte, le Taj Mahal, les palais de Versailles et du Louvre, la basilique Saint-Pierre de Rome, les tours de New-York ou de Dubaï ou même la Grand-Place de Bruxelles, Jésus nous ramène brutalement d’un coup à la réalité : “Ce que vous voyez, ce que vous admirez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre.”





Coup de froid pour les architectes mégalos et les promoteurs présomptueux : rien n’est éternel. Rien de ce qui est fait de main d’homme. Pire : le monde lui-même, tel que nous le connaissons, tel que nous le voyons, est en train de passer. Les événements effrayants n’en sont que les signes, comme une sorte d’avertissement : Attention, préparez-vous à des changements, à des bouleversements de votre façon de vivre personnelle et collective ; mais ne pensez pas que c’est tout de suite la fin du monde et le retour du Messie : c’est seulement la fin d’un monde, la fin d’une époque comme il y en a eu des centaines avant vous et comme il y en aura encore après... du moins, espérons-le.




 

=>De cela, nous sommes peut-être en train d’en prendre conscience de façon plus frappante et cruciale en ces dernières décennies qui ont vu :

1°- l’équilibre de paix depuis la dernière guerre être remis fortement en question par des puissances impérialistes agressives qui rejettent l’ordre mondial incarné par les institutions des Nations-Unies - relançant du même coup la course aux armements et sonnant la fin d’un certain multilatéralisme ;  

2°- les rapports sociaux, économiques et culturels être bouleversés et complètement remis à plat par l’arrivée d’abord de l’internet, des réseaux sociaux et maintenant de l’intelligence artificielle, et pour finir, par des guerres de désinformation et de manipulation d’opinions (fakes news) fragilisant les démocraties et la confiance dans la connaissance scientifique attaquée par des idéologies ultraconservatrices.

3°- Et enfin, cerise sur le gâteau, la crise climatique avec toutes ses conséquences présentes et à venir pour l’habitabilité de nombreuses régions du monde et les mouvements migratoires colossaux qui en résultent déjà, avec l’effondrement de la biodiversité et l’incapacité de la terre à renouveler ses ressources…

 

Sombre tableau qu’il est impossible d’ignorer aujourd’hui, à moins de faire partie de ces courants négationnistes qui prônent la fuite en avant dans un néo-capitalisme débridé et un isolationnisme égotique.

 

Est-ce que l’Evangile peut nous apprendre quelque chose sur cette situation de « fin d’un monde » et peut-être début d’un autre monde, qui est la nôtre ? Quelle attitude adopter, si nous ne voulons pas faire l’autruche (tout va très bien Madame la Marquise) ni nous enfermer dans un repli cynique ?



 

D’abord, pas de regrets sur les belles pierres du Temple et les ex-votos. La démolition du Temple de Jérusalem importe peu pour Jésus : pour lui, ce ne sont pas les pierres -fussent-elles sacrées- qui comptent : le vrai Temple est ailleurs ! (Souvenons-nous de l’évangile de la Dédicace du Latran). C’est l’Humain qui compte, en qui Dieu réside. C’est en fonction de lui, de l’Humain seul, que le monde nouveau doit se construire – et non pas des intérêts financiers, politiques, matérialistes... Pas de regrets, de nostalgie, donc. Mais vigilance pour que les progrès, les réalisations humaines soient au service de l’homme et pas l’inverse.


 

Ensuite, le Seigneur nous donne quelques précieux conseils :

- Prenez garde de ne pas vous laisser égarer par les illuminés de toutes sortes qui spéculent sur la peur et l’angoisse. Soyez capables de discernement. “Beaucoup viendront sous mon nom en disant «c’est moi!» : ne les suivez pas.” : Attention aux gourous, aux maîtres à penser, aux manipulateurs et influenceurs d’opinion de toutes sortes : les complotistes, les fondamentalistes, les nationalistes populistes… même « chrétiens ».



- Ne vous effrayez pas !” C’est un temps de passion pour l’humanité. Mais que votre foi vous garde debout et qu’elle éclaire votre présent. Accrochez-vous à ce que je vous ai révélé : Vous êtes tous et chacun aimés du Père, qui veut vous sauver. «Vous serez détestés à cause de moi». Oui, il y aura des oppositions, des persécutions ; mais même quand tout s’écroule humainement, il reste un avenir possible. “Ne vous effrayez pas !… Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.” Et même : «Vous n’avez pas à préparer votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse…»



- Vivez l’aujourd’hui ! C’est maintenant que Dieu parle. Le Royaume est déjà parmi vous. Simplement, il vous revient de le faire naître et grandir. C’est le temps de veiller dans la prière et aussi de se mettre au travail. Saint Paul paraît même très dur pour ceux qui ne font rien : «Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus !» Mais il faut noter que les personnes oisives dont parle Saint Paul ne sont pas les chômeurs : C’étaient ceux qui croyaient la fin du monde très proche et qui se disaient : “A quoi bon travailler si ce monde s’achève ? Profitons à fond de la vie et après nous les mouches !” Or, il est clair que le chrétien doit être présent à tous les combats de l’humanité en y tenant fermement la petite lampe de l’espérance. Il s’agit de mettre fin à un monde dans lequel on piétine les autres pour se grandir soi-même.



Et Jésus prévient : votre message va déranger ceux qui sont installés dans le confort et enfermés dans leur bonne conscience. Mais surtout il annonce la victoire du Jour où le Christ “soleil de justice” se lèvera au matin de Pâques. Ce matin-là, Dieu donnera raison à ceux qui ont mis leurs pas dans ceux de son Fils Jésus et qui rendent témoignage à la résurrection chaque jour en paroles et en actes fraternels ! Dieu donnera raison à ceux-là, que certains trouvent quelquefois plein de naïveté alors qu’ils sont plein d’espérance. Aujourd’hui, on parle beaucoup des ”survivalistes”, ces gens qui s’enferment dans des bunkers avec de la nourriture et des armes. Mais pour le Christ, les vrais «vivants», selon lui, seront ceux qui tiendront : les êtres d’inébranlable espérance. Le Temple de pierres vivantes, c’est eux. Et c’est à eux que Dieu a donné les promesses d’éternité.



Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.” Est-ce que cela veut dire qu’un chrétien est invincible ? Pas du tout ! Il est vulnérable et mortel comme vous et moi. Et le nombre de martyrs chrétiens partout dans le monde et depuis le début du christianisme, le confirme. Mais cette expression est à rapprocher de cette autre parole de Jésus, légèrement différente : « Tous vos cheveux sont comptés ». Cela veut dire que la totalité de ce que nous sommes est connue de Dieu. Dieu sait tout de moi, même le nombre de mes cheveux. Et comme il me veut vivant, il me rendra la vie lorsque Jésus paraîtra ; il me restaurera dans ce que je suis de plus intime, de plus personnel.




En fait, perdre son âme est la seule chose que nous devions redouter. (Cf Mt 10,28 : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme. Craignez seulement celui qui peut faire périr dans la Géhenne l’âme aussi bien que le corps. ») Si nous laissons s’insinuer en nous la peur, le doute, le cynisme et finalement la désespérance, le dégoût de la vie et de Dieu, nous perdons notre humanité car nous ne sommes plus capables d’aimer. Nous laissons l’Ennemi nous voler notre âme. Et ça c’est pire que la mort ! C’est la mort avant la mort… Même Dieu ne peut plus rien faire pour nous à ce moment-là.

Donc, c’est un message de combat que Jésus nous donne aujourd’hui, un message bien adapté à notre temps d’aujourd’hui, qui est un temps où la foi est mise à l’épreuve mais aussi l’espérance. Dans les crises que traverse l’Eglise mais aussi le monde dans lequel elle vit et témoigne, il ne faut pas que cette Eglise et nos communautés se racrapotent sur elles-mêmes et abandonnent ce qu’elles sont, leur âme. Il est normal que des pratiques meurent et disparaissent ; cela fait partie du cycle de la vie et il en a toujours été ainsi. Mais c’est pour que puissent naître de nouvelles manières de vivre en Eglise, adaptées au monde d’aujourd’hui, et un nouveau modèle de chrétien qui n’est pas encore arrivé, pas encore bien défini, mais qui sera sûrement bien armé pour porter la foi et l’espérance chrétienne sans crainte dans ce monde qui vacille et tremble sur ses bases… mais que Dieu aime.




J’aime beaucoup cette phrase magnifique d’Otto René Castillo, poète du Guatémala mort assassiné : “Être en avance sur son temps, c’est souffrir beaucoup de lui, mais il est beau d’aimer le monde avec les yeux de ceux qui ne sont pas nés encore.”


Le Christ est là avec nous, en nous par son Esprit d’amour, pour que tout événement, même tragique, puisse être avènement de plus de vie et d’amour. Depuis la résurrection, en effet, nous savons que Dieu peut faire surgir la vie même dans les décors de mort. Ne regardons pas en arrière.


« Yalla ! », comme disait en arabe soeur Emmanuelle : « En avant ! »

Et : 

« Je suis avec vous, dit Jésus, tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » 

« C'est par votre persévérance que vous aurez la vie ! »




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