A DIM 07 - Soyez parfaits

 

« Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 48)

Parfois, nous avons du mal à comprendre la Parole de Dieu, à saisir ce qu’elle nous demande. Encore une fois, Jésus place la barre très très haut ! On en a le vertige…

« Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent ».

 Comment ces paroles peuvent-elles être reçues par ceux qui sont sous les bombes russes en Ukraine ?

Comment puis-je aimer celui qui me blesse, et se comporte avec moi d’une manière dégueulasse ?


À force d’exiger des choses impossibles, Jésus finira par nous décourager !

« Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre ; si quelqu’un veut te prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau »  Marrant, je viens de subir un cambriolage au secrétariat paroissial jeudi passé – il faut donc que j’organise des ‘portes ouvertes’ pour offrir aux voleurs ce qu’ils n’ont pas eu le temps de prendre ? Et si une loi injuste prive des salariés ou des allocataires sociaux de leurs droits, on doit applaudir ?

On a l’impression que c’est totalement déconnecté de la réalité de notre monde.  – L’idée même de pouvoir aimer celui qui nous fait souffrir est surnaturelle : La réaction de tout être vivant en contact avec une source de mal n’est pas de l’aimer, mais de la fuir ou de la combattre. C’est un principe naturel d’auto-protection. 

Avant de se dire que Jésus n’est qu’un doux rêveur, une espèce de non-violent façon hippie qui ne comprend rien à nos luttes sociales, à nos combats pour la dignité et le respect de l’intégrité de tout homme à commencer par soi-même, posons-nous la question : Pourquoi le Christ parle-t-il ainsi ; qu’est-ce qui lui donne le droit de dire des choses pareilles ?


Souvenez-vous de ce qu’il nous avait dit la semaine dernière : « Je suis venu pour accomplir la Loi. » Et il l’a fait ! Il a aimé tous ceux qui le persécutaient, il a prié pour ceux qui le mettaient en croix. En fait, Jésus est venu seulement pour nous révéler qui est Dieu son Père en nous montrant, à travers lui, sa façon d’être et d’agir : Dieu n’est pas le Tout-puissant écrasant et juge impitoyable que nous nous représentons !

Ce Dieu qui est bafoué, humilié partout, qui est rejeté, ignoré, haï, mais qui ne laisse pas sa colère retomber sur les hommes, au contraire, il veut les amener par le pardon à devenir meilleurs ; voilà le Dieu que nous révèle Jésus et au nom de qui il peut parler puisqu’il accomplit sa parole en sa propre vie.


Bon, d’accord, mais s’il peut se permettre de nous dire des choses pareilles, d’aimer ses ennemis etc, comment peut-il croire que nous, pauvres humains, nous en serions capables ? Nous ne sommes pas Dieu, nous ! Pour lui, peut-être que c’était plus facile… ?

« Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 48)

Encore un truc impossible !  Être parfait ! Être saint !  J’en suis bien loin. Et j’imagine que vous devez vous dire la même chose… En plus, les gens ‘parfaits’, on les trouve souvent insupportables, n’est-ce pas – parce qu’ils se veulent irréprochables, et ils font tout pour qu’on ne les confonde pas avec les autres, les pauvres types que nous sommes !

Les pharisiens, eux aussi, voulaient être des ‘parfaits’ en accomplissant rigoureusement toute la Loi de Moïse. Ils adoraient les règlements, pour pouvoir être séparés de la masse de ceux qui n’arrivaient pas à les respecter… Même dans nos communautés chrétiennes, on en trouve encore !



Alors, « être parfait comme Dieu est parfait », un piège ?

Non, mais si on comprend bien cette parole, ce pourrait bien être au contraire la solution. La solution pour être sauvé, chacun de nous, et le monde. Sauvé de soi-même, du mal qui surgit parfois de notre cœur… et peut tout détruire.

Nous devons reconnaître que Dieu seul est parfait, en ce sens qu’il n’est qu’amour. Ensuite, que la perfection que Jésus nous demande ne vient pas de nous-mêmes (bien incapables), mais de Dieu qui nous infuse son propre amour en nous-mêmes par son Esprit.


Et donc, plus nous nous laisserons aimer par le Seigneur, plus nous serons intimes avec Jésus, proche de son cœur (et c’est justement l’objectif de ce Carême que nous allons commencer dans quelques jours), plus ce seront ses sentiments et non les nôtres qui nous habiteront et qui nous feront aimer notre prochain – et même ce frère qui nous fait souffrir.

Nous devons être conscients que seul l’amour sauvera le monde. Autrement, nous serons happés par le cycle infernal de la violence et de la haine qui n’arrête pas de se nourrir des souffrances reçues et d’amplifier par la riposte et le ressentiment.

La perfection de Dieu ? Tendresse et douceur, compassion et bonté, miséricorde à l’égard des imparfaits, pitié à l’encontre de ceux qui se trompent Sa colère n’est pas contre les pécheurs, mais contre le mal. - Mais alors, me direz-vous, cela change tout !

Être saint comme Dieu l’est, c’est d’abord accepter d’être ‘couronné d’amour et de tendresse’ par Dieu alors que nous sommes pécheurs, c’est-à-dire indignes de ce don.

 


Et c’est, ensuite, agir de la même manière envers les autres et aussi, comme nous y invite le Christ, envers les méchants. Car eux aussi sont des Temples de Dieu en construction, comme moi, comme nous tous. Et cet agir divin –car à l’image de Celui qui nous habite –, peut bouleverser les cœurs endurcis et aboutir à créer une communauté fraternelle à partir d’hommes et de femmes les plus divers et même qui au départ étaient opposés.

 

Cela ne conduit pas à nous désolidariser des combats légitimes dans un monde régi par des rapports de force, que ce soit au niveau syndical, politique, économique… où il ne faut pas que l’agneau soit bouffé par le loup, mais cela nous apprend à injecter le virus de l’Evangile dans nos rapports humains, qui change notre regard sur l’autre en ne le réduisant pas à un ‘ennemi’ pour essayer de voir en lui aussi un frère, un fils du même Père.

Finalement, contrairement au proverbe, il se pourrait bien que, grâce à l’Esprit de Dieu, la perfection soit bien de ce monde. Un signe ? Saluez, à la fin de cette messe, une personne que vous ne connaissez pas. Un indice ? Ne ripostez pas la prochaine fois que vous vous sentirez agressés. Une confirmation ? Essayez de pardonner, de ne pas avoir de rancune, au moins une fois. Alors, vous verrez -et l’autre verra, que la perfection est de ce monde et qu’elle porte un nom tout simple : amour.



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