C CENDRES - Un carême d'espérance
CENDRES…
Revoilà le Carême. Comme chaque année, je me demande quel sens il va prendre pour moi, en essayant de le considérer comme une chance de renouveau, de réveil… Il est vrai que chaque année aussi, j’arrive difficilement à tenir mes résolutions ! La seule que j’aie jamais réussi à prendre et à conserver intégralement jusqu’à aujourd’hui, c’est celle d’arrêter de fumer – il y a 18 ans ! – et encore, c’était suite à un accident et à une hospitalisation qui m’a beaucoup aidé. Mais cela ne m’empêche pas chaque année encore de revoir ma vie chrétienne pour essayer de tendre à une meilleure intégration de ma foi et de mon agir, en me laissant « carêmiser ».
Donc, quel sens vais-je donner à ce Carême 2025 qui débute mercredi avec les « cendres » ? Je dirais que pour moi, s’engager dans le Carême, c’est faire acte d’espérance.
D’abord, c’est un entraînement collectif (comme au foot) et pas seulement individuel ; c’est un temps à vivre communautairement – cela veut dire aussi avec l’Eglise universelle, et cela seul est déjà un encouragement. C’est plus motivant de penser qu’on est tout un peuple à avancer sur le chemin de l’Exode, le chemin de la liberté. Et d’ailleurs, je ressens davantage en Carême cette dimension fraternelle, particulièrement dans la semaine sainte et Pâques qui en est l’aboutissement, recevant en communauté le Don de la vie offerte du Christ : « …pour vous et pour la multitude. Faites cela en mémoire de moi. »
Vivre le Carême, c’est un acte d’espérance – qu’on renouvelle chaque année parce que c’est affirmer que l’humain ne se réduit pas à ses défauts, ses failles psychologiques ou morales qui l’enfermeraient dans une sorte de fatalité, mais qu’il est perfectible et qu’il peut, avec la grâce de Dieu qui ne fait jamais défaut, évoluer dans le sens de sa sanctification : Je veux dire par là une meilleure cohérence avec sa vocation de baptisé. Dans le sens surtout de se laisser davantage conformer au Christ dans sa mort et sa résurrection – donc, être habité de son Esprit.
Car, et je veux le souligner, il ne s’agit pas d’une ascèse pour l’ascèse, comme si on pratiquait un sport pour l’exploit et l’orgueil de la victoire : La lutte contre les penchants qui nous tirent vers le bas, les efforts que nous mettons en place pour purifier nos sens, nos pensées, nos désirs et nos actes, ne sont pas une fin en soi. Ils sont juste un moyen pour que la grâce de Dieu puisse en faisant son travail en nous, nous aider à atteindre l’objectif. Et cet objectif, c’est apprendre à vivre en ressuscité avec Jésus dès maintenant et aussi pour l’éternité – intégrer la dimension pascale dans sa vie.
Pour cela, nous avons bien besoin du Carême, qui comme un tremplin nous redonne cette impulsion pour « choisir la vie » et refuser ce qui donne la mort ; et même s’il faut bien souvent et sans doute plus de 100 fois sur le métier remettre son ouvrage, car comme avertit le Seigneur ‘‘l’esprit est ardent mais la chair est faible’’ (Mt 26,31), cette quarantaine est utile et même indispensable pour nous aider à remettre le cap sur l’essentiel, cette orientation fondamentale qui doit être celle de toute notre vie de chrétiens.
Ce faisant, nous avons aussi la confiance – l’espérance, qu’en nous laissant nous-mêmes convertir à ce que Dieu veut pour nous en pratiquant le Carême, nous contribuons à améliorer le monde en permettant au Seigneur d’y être davantage présent et agissant même si c’est dans la discrétion.
À propos des exercices de Carême, je voudrais qu’on me permette de réagir aussi sur un certain vocabulaire qui refait surface me semble-t-il de façon plus ostentatoire ces dernières années avec la montée de courants traditionnalistes – ces derniers voyant sans doute dans les pratiques d’austérité telles qu’elles étaient définies jadis de façon rituelle et obligatoire, une sorte d’assurance pour ‘gagner le paradis’ : J’entends à nouveau (après une quasi-disparition de quelques décennies) les mots de pénitence, d’abstinence, de mortification… et dans la bouche même de certains prélats.
Bien sûr, les réalités que recouvrent ces termes ont sans doute encore une valeur en soi – pour qui sait les pratiquer avec discernement!, mais l’usage qu’on en a fait jadis, a piégé ces mots dans l’esprit des braves chrétiens actuels et surtout des non-chrétiens, qui ne voient plus dans le Carême qu’une entreprise de conditionnement mortifère émanant d’une Eglise hostile à la joie humaine et au plaisir de vivre ! De là à jeter le bébé avec l’eau du bain… Malheureusement, trop de carême (au sens pénitentiel et ascétique) a tué le Carême ! Je plaide donc pour qu’on abandonne ces termes mortificatoires et qu’on les remplace par d’autres, ‘’vivificatoires’’ ! Qu’est-ce qui me rend, qui nous rend plus vivants… pour Dieu, avec les autres ?
En fait, comme l’écrit sur le web un commentateur, il est donc important de conserver la dimension positive du Carême. Le chrétien est joyeux et rayonne de cette joie autour de lui, même durant l’épreuve (le combat spirituel). Car le travail sur soi, ces efforts, sont intimement liée à la remise intime de notre personne entre les mains de Dieu. On ne parvient pas à la vraie joie pascale par ses propres forces mais avec la grâce de Dieu. Et il est la source de la Joie.
Le principal, en conclusion, c’est la relation avec le Seigneur et avec les autres. Le Carême n’enferme pas sur soi, il ouvre sur les autres, il me rend plus sensible à leurs besoins, il me rend plus délicat et plus attentionné. Si je choisis de pratiquer une certaine ascèse, celle-ci est avant tout un moyen au service de la charité, de l’attention aux autres, de la disponibilité à Dieu et aux autres. Je suis d’accord avec cela.
Bien, voilà, chers amis… Il me reste à faire comme vous la liste de mes résolutions de cette année – ou à reprendre celles de l’année dernière, puisque « 100 fois sur le métier… ». J’aime bien sourire -humblement- de mes petites « chutes » , les ratés, les manquements…, et cet humour me permet aussi de garder l’espérance, car je sais qu’à travers tout cela, malgré toute mon épaisseur humaine, « rien ne peut [me] séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur » et que, finalement, « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu. » (Rm 8,38 et 8,28)
Bon Carême dans le secret de votre cœur !
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