B PENTECÔTE 2024 - I.A. ou Hi-han ?

 


Il y a quelques semaines, un prêtre américain a été révoqué.

 

Ce prêtre dénommé Père Justin et habillé de la soutane et du col romain, se présentait sur un site internet comme disposé à entendre les confessions et à prodiguer des conseils aux internautes qui l’interrogeraient.

 

Il pouvait, selon le journal Figaro, réciter par cœur des chapitres entiers du Livre de la Genèse ou dresser la liste des 266 Papes depuis saint Pierre. Il était incollable, et on pouvait lui adresser n’importe quelle question aussi incongrue que « quel est le sexe des anges ? » ou toute autre pareillement insoluble comme « est-ce la grâce ou la foi qui sauve ? » - il avait réponse à tous, sans hésitation, citations de la Bible ou du Magistère à l’appui.

 


Ce prêtre était vraiment incroyable, et en a étonné plus d’un. Sauf que… ce n’était pas un vrai prêtre en chair et en os, mais un prêtre virtuel, généré par l’intelligence artificielle.

 

On s’est aperçu que quelque chose clochait quant le bon Père Justin, après quelques heures seulement d’existence, a donné des conseils théologiques étranges, comme de baptiser un bébé avec une boisson énergisante du genre coca-cola. Il a également offert l’absolution en ligne à un fidèle : « Je te pardonne tous tes péchés, va en paix. »

À un autre utilisateur qui l’interrogeait sur sa nature, le robot virtuel a assuré être « aussi réel que la foi que nous partageons ».

 

Cela a évidemment fait scandale, au point que le fameux Père Justin a été vite retiré de la toile par l’association de chrétiens fondamentalistes qui l’avait créé, mais en le remplaçant par un autre avatar, sous la forme d’un « conseiller laïc » tout aussi virtuel mais sans aucun pouvoir de confession.

 

 


Cette histoire peut être ajoutée à beaucoup d’autres déjà, dans des tas de domaines différents qui n’ont rien à voir avec la religion, mais qui montrent comment l’intelligence artificielle, en plein développement, risque d’échapper à ses créateurs. Entre autres, parce que l’une des caractéristiques de cette IA est la capacité d’apprendre par elle-même, d’apprendre à apprendre, et donc à générer et imposer des choix en fonction de millions de données ou d’algorithmes dont un cerveau humain ne peut pas contrôler le trajet.

 

On imagine ce qu’une IA incontrôlable pourrait faire si on lui donnait la possibilité de prendre des décisions dans le domaine militaire, médical, l’enseignement, ou comme c’est déjà le cas, entrepreneurial, financier… On a cité le cas d’une IA affectée à gérer des propositions d’embauche, et qui pour certains postes de décision, recalait systématiquement les femmes - parce qu’elle avait constaté en étudiant les dossiers de l’entreprise que chez les personnes qui avaient rempli ces fonctions de responsabilité, il y avait principalement des hommes ; elle en avait donc déduit que les hommes étaient plus capables que les femmes pour ces postes ! Et les prêts des banques aux particuliers sont déjà pratiquement totalement gérés par l’IA… sans états d’âme.



Nous avons probablement déjà été tous confrontés un jour à ces IA-robots, en cherchant un interlocuteur qui pouvait répondre à nos questions sur les sites des administrations, des mutuelles, des services publics… où on a remplacé les call-center téléphoniques (plus de numéros !) par des « ChatBots » prénommés Ida, Jessica ou Marcello, incontournables et qui ne comprennent pas souvent les questions qu’on leur pose.

 

Beaucoup de gens, surtout parmi les jeunes, mais pas que, ne pensent plus qu’au travers des réseaux sociaux, dont les contenus sont suggérés (comme pour les publicités) par l’intelligence artificielle. En plus d’induire une certaine dépendance, ces réseaux renforcent les communautés d’opinions, en les mettant en rapport préférentiel avec ceux qui pensent la même chose et non pas avec ceux qui les contredisent. (Les politiciens l’ont bien compris, qui appuient fortement leur campagne en vue des élections sur les réseaux sociaux et l’IA pour fidéliser leur électorat). Et, si vous êtes un habitué de YouTube, vous aurez certainement constaté que les vidéos qui vous sont proposées le sont en fonction de vos centres d'intérêt - sans que vous les ayez explicitement formulés. On sait tout (ou presque) de vous !

 

 


Souvent sur la brèche de la modernité, le Pape François, à l’occasion de la Journée des Médias de dimanche dernier, nous a offert un message consacré à l’intelligence artificielle – hé oui !! Mais, si le Pape préfère éviter les lectures catastrophistes des évolutions en cours, il invite à user avec prudence de ces innovations techniques, notamment à cause de leurs effets paralysants sur la capacité des hommes à prendre en main leur destin et à être solidaires.

En réponse à l’IA et à ses dérives possibles, François appelle à utiliser complémentairement et massivement l’intelligence du cœur.

 

 



…Pour ceux qui se demandaient depuis le début de cette homélie ce que venait faire cette digression sur l’intelligence artificielle et le Père Justin en cette Fête de la Pentecôte et du don de l’Esprit sur l’Eglise et les Apôtres, eh bien voilà la réponse !

 

« Lui, quand il viendra, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité toute entière. » (Jn 16,13) car : « Il reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » (Jn 16,15)

Le Consolateur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses. » (Jn 14,26)

 

Nous, les chrétiens, disciples du Seigneur, nous avons mieux que l’intelligence artificielle. Et même, nous n’en avons pas besoin, parce que nous avons reçu l’Esprit-Saint qui nous donne l’intelligence du cœur (l’IC) et qui nous apprend à l’utiliser !

 

Jésus l’appelle l’Esprit de Vérité. La vérité chez St Jean ce n’est pas la simple connaissance dogmatique, comme chez le répétiteur virtuel Justin, ou une encyclopédie théologique, mais c’est une vie, une relation vivante avec Dieu – le Christ qui dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie », relation qui éclaire à la fois notre façon d’appréhender le monde et notre agir de chrétien.

 

L’Esprit nous y conduit, insiste Jean, c’est une route, un chemin - comme un champ d’expérience où on n’a jamais fini de découvrir la Lumière (c-à-d Dieu lui-même).

 


Sur ce chemin nous est donnée l’intelligence du cœur.

Je l’ai fréquemment rencontrée chez des gens tout simples, et qui n’avaient pas fait de grandes études, mais qui avaient cette justesse de vue, cette sagesse profonde qui leur venait de leur foi. L’intelligence du cœur permet de comprendre les choses et les gens de l’intérieur, par empathie, dirai-je, et d’adopter l’attitude d’ouverture et d’accueil qui permet le dialogue et un enrichissement mutuel.

 



À l’heure où s’affrontent les dogmatismes (politiques, sociaux, économiques, religieux…) ; où chacun campe sur ses positions, conforté par une intelligence artificielle sans âme mais qui manipule les consciences, les provoque à la confrontation et à la guerre,… ne devrions-nous pas nous ouvrir davantage à l’Esprit-Saint pour lui demander cette intelligence du cœur si nécessaire au monde d’aujourd’hui ?



Comme l’énonçait le Père Arnaud Alibert sur le site de RCF, «   Dans les temps qui sont les nôtres où chaque discours se dispute la vérité en prétendant en détenir une part plus grande que l’adversaire, ne savons-nous pas, par la foi, que la plus grande partie de vérité appartient à ceux qui construisent la vie plutôt qu’à ceux qui la racontent, à ceux qui la permettent malgré toutes les fragilités que nous connaissons, plutôt qu’à ceux qui la promettent en dépit des obstacles ? Alors oui, saint Jean a bien raison d'employer un futur et non pas un conditionnel quand il nous dit que l'Esprit de Vérité nous conduira. Laissons-nous conduire par cet Esprit. »

 

Un peu d’intelligence, oui, mais pas n’importe laquelle !

Bonne fête de l’Esprit avec les hommes !




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