BANNEUX-BEAURAING, UN TEMOIGNAGE

 Pour une fois, je n'ai pas d'homélie à proposer, mais un témoignage personnel d'une expérience spirituelle vécue lors d'un pèlerinage en solo il y a un peu plus d'une semaine alors que j'étais "en vacances" : Puisse-t-il nourrir en vous aussi l'amour de Maman Marie et de son Fils.


Qu’est-ce qui m’a pris ?

Trois jours après mon retour, je me posais encore cette question : Pourquoi suis-je parti à pied, comme ça, dimanche 25 août, de chez la Vierge des Pauvres à Banneux, pour essayer d’atteindre Beauraing chez la Vierge au cœur d’or, en quatre jours si mes jambes et le reste tiennent le coup ?


En programmant l’itinéraire, j’ai compté 102 kilomètres. Donc, en moyenne, 25 par jour. Cela faisait longtemps que je n’avais plus fait de longues randonnées, et de récents problèmes aux genoux avaient révélé le diagnostic d’une arthrose compliquée d’épanchement de synovie… Pas malin ! De la gym douce et de la kiné eussent mieux convenu… Et puis ma forme, à 65 ans, n’est plus ce qu’elle a été ! J’étais conscient que peut-être à un moment donné il me faudrait interrompre ce ‘calvaire’ et me faire rapatrier. 

Pour justifier ce « coup de folie », il m’avait fallu sans aucun doute une motivation forte. Pas celle de me prouver que j’étais encore capable d’accomplir un tel challenge, un tel ‘exploit’ sportif, non, c’était bien plus sérieux que cela : j’avais un profond désir, on peut même dire un besoin. À un stade de ma vie où sont intervenus de grands changements dans presque tous les domaines, s’imposait à moi la nécessité de redonner du sens et une cohérence à ce que je vis. Me réunifier. Me reconnecter. Faire le point, et chercher ce que le Seigneur veut de moi. Et comme à chaque fois que j’ai dû vivre une telle transition, je me relance sur les chemins, que ce soit ceux de Compostelle, de La Salette, Lisieux ou d’autres… Pourquoi pas cette fois encore ?

Mais il y a aussi Marie. Et le jubilé des 75 ans de la reconnaissance des apparitions de Beauraing et de celles de Banneux, jubilé qui se célèbre justement en ce moment entre le 15 et le 31 août. Entendu sur RCF voici quelques semaines, un témoignage-dialogue extraordinaire de simplicité et de vérité (et d’humour !) entre les recteurs de Beauraing et de Banneux, les abbés Joël Rochette et Léo Palm, témoignage qui m’avait touché et remué jusque dans le cœur. Il faut dire qu’entre Marie et moi, il y a déjà une longue histoire d’amour… Et que ce soit à Banneux, à Beauraing, à Lourdes, à Medjugorje…, je sais qu’il y a là ma Maman qui est aussi celle de Jésus et de tous ses frères et sœurs du monde entier dont je fais partie. Régulièrement (mais un peu moins ces dernières années), je m’y sentais attiré, pour me laisser consoler, ressaisir par Elle, et ensuite reconduire par ses douces mains à la source – à son Fils. Lui rendre hommage par ce pèlerinage et la remercier pour ses apparitions à la petite Mariette Beco et aux enfants Voisin et Degeimbre, pour ce cadeau de ces lieux proches du ciel que sont Beauraing et Banneux où tous et chacun, surtout les plus petits, les pauvres, se sentent accueillis et aimés comme ils sont, cela me semblait naturel. Pourquoi pas ?  

Faut-il encore une autre raison, une autre motivation de partir ? J’en avais une, la plus essentielle sans doute : demander à Marie ma conversion. « Je convertirai les pécheurs », avait promis la Dame à Beauraing (et elle le fait – comme elle a converti à l’époque l’abbé Jamin, le chapelain de Banneux). Oui, comme tout chrétien, j’ai besoin constamment que le Seigneur me libère de ce qui me tire vers le bas, de ce qui obscurcit ma vie avec Lui et blesse mes relations fraternelles. En particulier certains penchants au pessimisme et les laisser-aller qui vont avec. En partant, j’étais déjà sûr que Marie m’exaucera, et que je pourrai repartir à zéro comme à chaque fois. Marie, Mère de Miséricorde, par qui les grâces de paix et de pardon de Jésus nous sont toujours offertes !

Et puis, je ne partais pas que pour moi-même, non : j’avais dans mon cœur un bouquet de visages et de noms de personnes pour qui j’allais prier et offrir ce pèlerinage et ces peines que j’allais endurer. Des malades, des personnes - souvent amies, souffrantes dans leur corps ou dans leur cœur, qui ont perdu un proche, ou qui sont dans la peine pour un fils ou une fille gravement malade, qui sont déprimées… Et puis, tous ces pauvres gens qui subissent ou font la guerre, en Ukraine, en Russie, en Israël et à Gaza, ou ailleurs… ce monde blessé, douloureux. Marie, tu es là pour tous : ton cœur porte le monde. À Fatima ou ailleurs, tu as demandé de prier pour la paix. Je le ferai.

Et bien voilà. La décision fut vite prise. Mes motivations, dont certaines étaient encore inconscientes, étaient plus que suffisantes. Je devais partir. Mon sac fut fait en un clin d’œil, le minimum à emporter, juste le nécessaire et un bâton. J’avais prévu des étapes pour passer la nuit dans des communautés religieuses : à Burnontige-Ferrières (Béthel), à Rochefort (l’abbaye cistercienne), à Beauraing (l’Accueil). Pour la seconde étape à Hotton, par contre, je n’avais rien trouvé mais je ne me tracassais pas pour cela, le coin étant assez touristique et on devait pouvoir trouver facilement une chambre quelque part. Cependant, je n’avais réservé nulle part, à aucune étape, me fiant à la Providence. Me voici donc parti, avec seulement quelques numéros de téléphone vite enregistrés pour demander aide et logement en chemin.

Dimanche donc, ce 25 août, me voici devant Marie la Vierge des Pauvres en sa ‘petite chapelle’ de Banneux. Une prière de confiance et d’abandon, je demande à Marie de bénir ce chemin que je lui offre, puis en route. Aucune appréhension, je commence les pas et les grains du rosaire… Une application bien pratique pour les randonneurs m’indique au fur et à mesure le chemin sur mon smartphone (il ne faut pas que j’oublie de le charger régulièrement, c’est un appareil de prêt et je ne sais pas par cœur le code pin si jamais je devais rallumer l’appareil qui se serait éteint en chemin). L’itinéraire choisi privilégie les sentiers et les chemins pédestres ; malgré tout il y a parfois inévitablement des routes, mais il évite les grands axes trop fréquentés. Mon sac ne me pèse pas trop lourdement, mes épaules sont bonnes, les jambes (les genoux !) semblent tenir le coup. Et je prie, ma solitude se remplit de présence, au milieu de la nature, celle de Marie et de Jésus, bien sûr, je commence un compagnonnage avec eux, mais aussi la présence de ces visages qui me viennent au cœur dans la prière, ceux pour qui je marche et que je confie à Jésus par sa Mère.

Parfois je m’arrête devant une croix, une potale. Je salue d’un signe de croix Celui qui nous a tant aimés jusqu’à donner sa vie et qui nous a donnés sa Mère, je prends parfois une photo - j’aime ces humbles témoignages de la foi des générations qui nous ont précédés - et je continue mon chemin et mon chapelet. La nature si belle dans ses paysages autour de moi m’inspire des chants, en particulier le cantique des créatures de saint François ou celui de la création de Daniel ch. 3 sur l’air de Taizé (« bénissez le Seigneur ! »). 


Bien vite cependant, des difficultés se présentent. Dont une dont je n’avais pas mesuré l’ampleur : un dénivelé très important entre les sommets et les vallées – celle de l’Amblève en particulier autour d’Aywaille ; des chemins ravinés et caillouteux où il faut faire attention à chaque pas… Et des sentiers qui parfois disparaissent au milieu des ronces et des orties. La chaleur qui augmente au fur et à mesure que la journée avance ; il ne fait pas loin de 30° l’après-midi et le soleil brûle déjà ma peau de blond. La sueur ruisselle dans mon dos, heureusement qu’il y a un petit vent, merci Seigneur ! Parfois je découvre une petite chapelle, une croix perdue dans les bois, je me recueille un instant, priant pour ceux qui l’ont édifiée. Je commence à souffrir non seulement de mes jambes (un peu), mais dans toutes les articulations de mon corps, et de contractures dans ma nuque, mon dos, mes hanches... et il reste encore une bonne dizaine de kilomètres avant l’étape, où je suis heureusement attendu par les responsables de Béthel qui m’accueillent. 

Les 1.000 derniers pas deviennent une torture ! Mais je tiens bon, mon arrivée est un soulagement et l’accueil de la communauté est chaleureux. Comme on goûte bien davantage des plaisirs aussi simples qu’une boisson fraîche quand on est altéré, une douche (glacée en l’occurrence, il n’y avait pas d’eau chaude, mais qu’importe !) quand le corps est endolori et collant de sueur… La couche qui accueille le pèlerin fatigué avec ses draps propres et son matelas moelleux fait partie des bienfaits que l’on apprécie. Cependant, cette nuit-là, mon corps a été pris de tremblements violents – une réaction physiologique imprévue mais qui ne s’est plus produite par la suite.


Au matin une Eucharistie et des laudes avec le prêtre de la communauté et un bon petit déjeuner (deux œufs s’il vous plaît) me mettent en forme pour un nouveau départ. Mes contractures ont presque complètement disparu, les genoux fonctionnent… Super ! Merci Seigneur ! Un passage par le sanctuaire de saint Antoine de Harre, tout près de là ; 

encore quelques grimpettes et escalades par le chemin escarpé des crètes de la Roche-à-Frêne près de Wéris (où j’ai laissé ma casquette, oubli qui me fera perdre beaucoup de temps pour essayer de la récupérer). Après Wéris et ses dolmens, une pente plus douce jusqu’à Hotton en passant par Ny où une route interdite car défoncée par les inondations mais accessible aux piétons me fera faire un raccourci apprécié. Une ancienne voie de tram rectiligne comme un Ravel me conduit ensuite jusqu’au pont sur l’Ourthe, au centre de Hotton. Hélas, mes recherches pour trouver une chambre d’hôte ou un petit hôtel s’avèrent d’abord infructueuses, et mes pieds me disent qu’ils en ont assez de tourner en rond. Les restaurants sont nombreux, mais les hôtels ont disparu et les gîtes ou chambres d’hôte ont émigré à plusieurs kilomètres de la ville – ce n’est rien pour qui a une voiture. On me renseigne une boulangerie qui aurait des chambres, mais elle est fermée, c’est lundi (j’ai eu beau sonner et même téléphoner au numéro fixe renseigné sur la porte, personne n’a répondu). Je suis perplexe sur le trottoir, mais je me dis que Marie va arranger cela.

À ce moment sort de chez elle devant moi une dame qui m’aperçoit et me demande si je cherche quelque chose. Je lui explique, et elle aussi me dit d’aller voir à la boulangerie voisine – qui est fermée, mais, dit-elle, le boulanger doit être là, sa camionnette est dans la cour. Elle interpelle alors une autre dame qui est sur son balcon, un appartement attenant à la boulangerie, qui confirme que le boulanger est bien là – peut-être dort-il comme le meunier de la chanson. Comme la seconde dame est sa locataire, on lui demande si elle peut appeler le boulanger – elle possède en effet son numéro de gsm privé. « Je ne peux pas vous le donner, répond-elle, mais je veux bien essayer de l’appeler avec son gsm. » - Encore une fois, pas de réponse, personne ne décroche. Les dames entament alors une conversation à propos de la rentrée de leurs enfants ; j’attends qu’il se passe quelque chose… Puis, tout-à-coup, à côté, une fenêtre s’ouvre et une tête apparaît : « Vous m’avez appelé ? » C’était notre boulanger ! Mis au courant, celui-ci s’empressa de descendre de chez lui et de me donner une chambre. Sans oublier de remercier les dames et Marie bien sûr ; et, après un plat de pâtes à l’auberge du coin, je profitai à plein de ma chambre tout confort. (Ah, la douche chaude, le lit !).


La troisième étape avait pour objectif l’abbaye de Rochefort – où j’avais jadis mes habitudes, y passant à peu près une fois l’an pour une retraite (la seule église chauffée en hiver !). Après un robuste petit déjeuner au tea-room de la boulangerie (mmm le petit pain au chocolat !), et le café offert par le patron – « mais vous prierez pour moi, n’est-ce pas, à Beauraing ? », je me remets en route. Je sens que mon corps s’adapte et les douleurs et les inconvénients du début ont disparu progressivement. Le chemin s’étire paisiblement en passant par les villages de Menil-Favay, Marenne, Verdenne, vers Marche-en-Famenne. 

Je fais une pause sur un banc abrité d’un bouquet d’arbres à côté d’une belle croix portant un Jésus en fer forgé au visage délicat : le « Noir bon Dieu ». Il me donne courage pour le reste de la demi-étape par Fond-les-Vaulx. Traversant Marche-en-Famenne et ses rues animées et ses places remplies de touristes sirotant leur verre aux terrasses et me regardant comme un ovni, je me hâte de retrouver ma nature et ma solitude bien-aimée. Enfin, la route où quelques potales et chapelles à chaque carrefour font encore signe au pèlerin, se rapproche petit à petit de Rochefort. Le matin, j’avais appris en téléphonant à l’abbaye que l’hôtellerie était fermée pour travaux ; néanmoins je décidai d’y passer quand même et d’assister aux vêpres. Pour le logement, j’avais une solution de rechange en la personne d’une nièce d’une amie très chère décédée il y a deux ans, et qui était toute disposée à m’accueillir chez elle à Rochefort. 


Reçu à l’accueil (tout renouvelé et modernisé) de l’abbaye par l’hôtelier Bernard qui me traite toujours comme un ami et me commente tous les changements et les travaux en cours dans et autour de l’abbaye, je suis dirigé vers une cafétéria où je peux souffler et me reposer un peu de l’écrasante chaleur en attendant les vêpres. Trempé de sueur, je me défais de mon sweet-shirt et de mes chaussettes que je fais sécher… aux fenêtres de l’abbaye ! Tant pis pour les touristes qui passent dans la cour. Après une petite heure, rhabillé, je me dirige vers l’église abbatiale et me recueille en attendant que commence l’office de vêpres ; un moine seul, agenouillé vers la statue de la Vierge, est en prière comme un bloc de marbre. Ensuite, à la cloche sonnante, les autres moines arrivent (dont deux nouveaux profès, m’a-t-on dit), et les psaumes résonnent dans la splendide église aux doux arcs romans et au labyrinthe rappelant celui de Chartres. En sortant de l’église, il ne me reste plus que deux ou trois petits kilomètres pour atteindre le repos du soir chez la nièce de mon amie (merci, Anne !). 


Je sens que le pèlerinage et le chemin me transforme peu à peu, physiquement mais aussi mentalement. Plus d’impatience, tout est accueil. Plus d’inquiétude, tout est confiance. Plus de pensées tristes ou pessimistes, tout est joie et simplicité. Tout est grâce ! Et la grâce vient de Jésus par Marie. Je me tiens constamment dans l’action de grâce, la prière de reconnaissance, et cela fait un bien fou. Je médite les mystères du rosaire, l’un après l’autre, avec les Ave et les Notre Père. Je me remémore un film que j’ai vu un peu avant de partir, « Marie de Nazareth », et les scènes ainsi que les attitudes, les expressions des acteurs et des actrices m’inspirent dans ma prière (surtout celle qui incarnait Marie). Je demande à Marie de m’aider à suivre son Fils Jésus comme elle-même l’a suivi – ce qui est bien mis en valeur dans le film. Marie, jour après jour, à la suite de Jésus…



Dernière étape : un passage par la communauté de Tibériade chez le frère Marc et les petits frères et petites sœurs de Lavaux-sainte-Anne, avant d’entamer l’ultime cheminement jusqu’à la Vierge au Cœur d’or. Il fait une chaleur torride, je suis heureusement protégé par une casquette donnée par ma gentille hôtesse de la veille ainsi que par une huile de protection solaire au monoï (re-merci, Anne !). Je suis bruni (cramé !) sur toutes les parties découvertes, comme je ne l’ai jamais été. Je connais la communauté de Tibériade depuis sa fondation, et j’y venais assez souvent à ses débuts qui étaient précaires et difficiles, frère Marc et frère Joseph ont été longtemps seuls ; maintenant deux communautés jumelles (masculine et féminine) fleurissent en vocations nombreuses et en nouvelles fondations en Lituanie, au Congo et même en Chine et aux Philippines je crois. Arrivé chez eux près de midi, tous les frères étaient assis à une grande table à l’extérieur dans le jardin et prenaient leur repas. Je vais d’abord saluer le Seigneur dans l’église à l’autel en forme de barque, en remerciant encore Jésus et Marie, puis rejoins les frères qui m’accueillent à leur table : Frère Marc se souvient très bien de moi, on échange des nouvelles… Deux nouveaux frères et une sœur vont faire leurs engagements (vœux) dans la communauté ce dimanche : quelle joie ! Je les ajoute à ceux pour qui je pérégrine en priant, pour que la joie d’appartenir au Seigneur ne les quitte jamais.


Enfin, le but approche. Encore une superbe chapelle tout en haut de la colline qui surplombe Pondrôme et qui découvre un large paysage, parcouru par la ligne de chemin de fer près de laquelle ont eu lieu les apparitions. Cela me fait tout drôle d’arriver ; comme les derniers kilomètres avant la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle… L’impression qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas s’arrêter. On a raison quelque part de dire que le but, c’est le chemin. La chaleur est toujours torride, les jambes tiennent bon. Un champ de maïs interminable avant d’entrer à Beauraing par le Castel et le haut de la ville, en empruntant des petites ruelles pour piétons entre les maisons et les jardins. Et puis, c’est tout à coup la rue de l’Aubépine, avec le sanctuaire devant moi. Il est pile 5 heures. Une armée d’ouvriers et de bénévoles sont encore en train d’aménager les parterres, je ne vois pas encore la Vierge : j’espère qu’ils n’ont pas déménagé sa statue ! Il y a eu tellement de travaux sur cette esplanade, tout est transformé et ma foi, fort accueillant. Les massifs de fleurs sourient au visiteur, au pèlerin ; je m’avance au milieu des parterres et je découvre la Vierge au Cœur d’or, bien à sa place près du pont de chemin de fer où elle est apparue jadis aux enfants. Je tombe à genoux au pied de la grille qui entoure Marie, l’émotion m’a saisi et les larmes coulent… Merci, merci, merci Maman Marie ! Merci pour ce cadeau de ce pèlerinage, et surtout parce que tu es là, avec ton Fils, comme tu es là partout sur nos chemins d’humanité. Et tu m’as préparé encore un autre cadeau…


Après avoir prié un moment devant la Vierge, je me relève et je me dirige vers la chapelle votive du Saint-Sacrement à la recherche d’un prêtre et/ou d’une personne qui pourrait m’aider à trouver un logement. La chapelle est ouverte mais il n’y a personne – même plus le Saint-Sacrement qui y est normalement exposé toute la journée. Apparemment, tout ferme à 17h. Il n’y a plus personne non plus au « point-info » près de l’entrée. Bon, je téléphone à mon ami Pierre Renard, doyen de Beauraing. Chance : il est chez lui et quand je lui demande s’il est disponible pour me confesser, il me répond que je peux venir le trouver tout de suite au presbytère avant la messe de 17h45. Je m’y rends « avec des ailes ». Pierre m’accueille très chaleureusement et offre de l’eau et du chocolat au pèlerin éreinté et certainement malodorant que je dois être. Puis on en vient aux choses sérieuses : la confession. Je suis tout heureux d’abandonner dans les mains du prêtre les péchés et tous ces manques d’amour et de confiance que j’ai transportés avec mon sac depuis mon départ en sachant bien que le Seigneur et Marie allaient m’en alléger. Pierre me redit de la part du Seigneur cette parole que je garde au fond de mon cœur : « Ma grâce te suffit ! ». C’est pour moi la conclusion de mon pèlerinage. Marche léger, avance au large, donne-toi sans crainte et sans compter, puisque ma grâce te suffit !


Le doyen me donne encore quelques indications pour le logement à l’Accueil du sanctuaire. Je vais à la recherche de la responsable ou de son assistant, mais ils sont introuvables. En repassant devant la Vierge au Cœur d’or, je vois Frère Marc qui est assis sur le banc, priant devant la statue – certainement pour les futurs profès de sa communauté. Joie de le revoir encore, et de se promettre union de prière. En voulant téléphoner aux numéros fournis par le doyen, je m’aperçois que la batterie de mon smartphone et GPS a rendu l’âme : encore un signe que mon pélé est bien terminé ! J’avise alors les bénévoles qui travaillent dans les plantations, et demande à qui je puis m’adresser pour une chambre à l’Accueil ; un homme sympathique me conduit à l’Accueil et me confie à une des dames en charge des pèlerins, qui me fournit immédiatement une chambre. Ce point réglé, je dépose mon sac et je cours vers l’église paroissiale où la messe devait déjà être commencée. J’entre au moment où l’abbé Pierre Renard termine son homélie (c’est la fête de saint Augustin) – ouf, j’aurai quand même l’Eucharistie. Je communie avec beaucoup de joie ; Jésus je veux te suivre sur tous tes chemins !

Un problème n’est pas encore solutionné : le retour. Pour rentrer chez moi et retrouver ma voiture au point de départ, il faudrait que je puisse rejoindre une gare pour prendre le train, soit à Jemelle ou à Namur. À la fin de la messe, après l’envoi du prêtre, je lance d’une voix forte aux fidèles qui sont dans l’église : « Bonjour, je suis pèlerin de Marie et je viens de Banneux à pied. Je cherche quelqu’un qui pourrait me conduire à une gare pour que je puisse prendre le train et rentrer chez moi. Merci ! » Immédiatement, trois personnes se proposent pour m’offrir l’une un logement si je n’en avais pas, deux autre pour me conduire à Namur. L’une partait dès ce jour, l’autre demain matin : cela m’arrangeait mieux, ayant besoin d’un décrassage et d’une bonne nuit de sommeil ; je les remercie toutes et la jeune dame qui m’offrait le transport le lendemain se présente : c’est l’assistante paroissiale du sanctuaire, laquelle travaille aussi pour le doyen, elle se prénomme Florence et avec une extrême gentillesse elle vérifie que j’ai bien tout ce qu’il me fallait, remplit avec moi les formalités à l’Accueil et me donne rendez-vous le lendemain à 8h30 pour le départ.


Cette nuit-là, après avoir apprécié les bienfaits d’une douche chaude et d’un bon repas, et avant de m’étendre voluptueusement dans mon lit, je remercie encore le Seigneur et Marie pour tous ceux qu’il a placés sur ma route, en chemin, et prie pour chacun d’eux. De la fenêtre j’aperçois la statue de Marie au Cœur d’or toute illuminée dans l’obscurité. Merci pour toutes ces grâces et ces cadeaux !

Le matin, après un rapide petit déjeuner, Florence arrive et nous nous dirigeons vers sa voiture au parking de l’Accueil. Arrive le directeur du sanctuaire, Jean-Luc, qui me salue cordialement ; il marche avec des béquilles à cause d’une méchante fracture due à un accident de vélo, mais on le sent fort et bien dans sa tête et son cœur. Il me fait l’impression d’un chrétien entièrement donné - comme ma convoyeuse d’ailleurs, l’assistante paroissiale avec laquelle je quitte Beauraing (au-revoir Maman Marie !) pour Namur. Au cours du trajet, nous avons parlé et elle m’a confié son cheminement spirituel et la place que Marie avait prise dans sa vie. De mon côté, je lui ai également raconté comment la foi en Jésus et en Marie avait suscité et nourri ma vocation. Ce fut un bel échange, encore un cadeau ! Merci Seigneur, avec ta Mère, bénis Florence et ses quatre enfants ! Bénis et soutiens son service d’Eglise.

Et voilà, la gare, le retour. Je me suis dit que le Seigneur voulait que je témoigne de cette expérience, pour ceux qui le liront – enfants de Marie et fidèles de Banneux ou de Beauraing ou toute autre personne, pour montrer encore combien Marie reste proche de chacun de nous pour nous donner son Fils et nous apprendre à l’aimer ; et pour moi-même également, justement pour que ce pèlerinage ne soit pas qu’une parenthèse mais un nouveau départ dans ma vie. D’ailleurs, curieusement, trois ou quatre jours avant d’entamer ce pèlerinage et de partir dans l’inconnu, l’imprévisible, j’avais rédigé mon testament : un accident bien sûr est toujours possible, on ne sait jamais, et ma santé n’était pas des meilleures… La précaution n’était sans doute pas idiote. Mais aujourd’hui, je donne un nouveau sens à cet acte de « faire mon testament » : Je suis mort, et un homme nouveau est né.

Chaque pèlerinage, qu’il soit à pied, en voiture, en autocar…, s’il implique un déplacement intérieur : le désir de se laisser toucher et conduire par un Autre que soi, en accueillant les signes et les inspirations que l’Esprit Saint nous envoie sur le chemin à travers la Parole divine ou les rencontres, les merveilles et les difficultés du chemin, chaque pèlerinage vécu ainsi nous fait mourir à notre moi pour vivre une renaissance. La confrontation au cours de cette « épreuve » à nos limites, l’acceptation de celles-ci nous font nous reconnaître comme véritablement pauvres devant Dieu – donc, susceptibles de tout recevoir de Lui !  « Ma grâce te suffit. » (2 Cor 12,9)

Que le Seigneur et Marie vous bénissent !

Bernard, prêtre-pèlerin




 

 

 

 

 

 

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