C CAR 05 - Une pierre

 5ème DIMANCHE DE CAREME C : "UNE PIERRE"




En écoutant l’Evangile de ce dimanche, qui parle d’un adultère, première surprise : il n’est question que de la femme. Où donc est passé l’homme ? Autant que je sache, pour un adultère, il faut être deux, non ?

Deuxième surprise : l’énormité de la sanction. La lapidation, être tuée à coup de pierres ! Cela nous semble barbare, et nous fait penser à Daesh et aux exécutions publiques chez les extrémistes islamistes.

Il faut se remettre dans le contexte, ces lois ont été formulées il y a très longtemps, dans une société patriarcale, c-à-d dirigée par les hommes, et destinées à garantir la descendance des mâles, leur progéniture. Si l’adultère est un péché, il l’est surtout du côté de la femme.

Il faudra beaucoup de siècles, et surtout l’influence du christianisme, avant que ces différences de traitement entre les deux genres s’équilibrent progressivement. Et on n’est sans doute pas encore au bout ! 

On voit bien comment les pharisiens veulent enfermer Jésus dans un piège ; il s’en sortira très habilement en renvoyant chaque accusateur à sa propre conscience.

Mais je voudrais élargir le propos en revenant sur cette pierre destinée à lapider la femme devenue un objet, un prétexte.

Nous tous, chacun, nous avons souvent une pierre dans notre main, ou derrière notre dos; un stock de pierres que nous sommes prêts à lancer!

Nous nous promenons partout avec : au bureau, à l'atelier, à l'école, à la maison, en vacances ou même à la messe!

Nous sommes prêts à les jeter contre tout le monde : les politiciens qui tombent dans les "affaires" de coruption, les services publics qui ne font pas leur travail, les patrons qui exploitent le personnel, les syndicats qui font du "blocage", les enfants qui sont insupportables, les parents qui démissionnent, les vieux qui radotent, les enseignants qui font grève, les curés qui font les messes trop longues, les paroissiens qui ne prient plus, etc, etc. Vous n'avez qu'à mettre vous-mêmes les guillemets; on se reconnaît tous dans ces discours!

Que de pierres!!! Et bien sûr, nous les jetons souvent volontiers sur quelqu'un qui ne peut pas se défendre, parce que par exemple il n’est pas là : c'est plus facile.

...."Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre!"

=> Cela devrait déjà suffire pour qu'on s'interdise, radicalement, une bonne fois pour toutes, de JUGER, ou pis encore, de SALIR, DETRUIRE, CALOMNIER quelqu'un. Mea culpa, ayons du moins la sagesse de ces juifs qui, les plus âgés d'abord, partirent l'un après l'autre, après avoir regardé dans leur propre coeur.

Mais ne tombons pas dans le moralisme! Ce n'est pas une simple leçon de tolérance que donne le Christ ; d'ailleurs il est clair que Jésus condamne l'adultère : "Ne pèche plus"!

En fait, Jésus refuse de ne voir en cette femme qu’un objet, qu'on lui présente afin de pouvoir, lui, l'accuser. Il voit en elle la personne humaine , sa peur, sa honte, son désespoir...

Il se baisse et trace des traits sur le sol. Son silence est éloquent : « je ne veux pas entrer dans votre petit jeu. »

Quand il se redresse, c'est pour amener les accusateurs à leur propre conscience : « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre. »

Il leur laisse la possibilité de partir, l'un après l'autre, discrètement, avec sans doute de la honte dans leur cœur.

Là, il peut à nouveau se redresser et parler à cette femme restée seule en face de lui.

Maintenant, ce n'est plus une femme-objet, un prétexte, ce n'est plus une de "ces femmes-là", c'est quelqu'un, un être de chair et de sang, avec ses faiblesses et ses richesses.

"Moi non plus je ne te condamne pas. Va !"

Jésus ouvre un avenir à cette femme.Il lui rend sa dignité, il l'invite à vivre dans la dignité:

"…et désormais ne pèche plus"


En ce temps de Carême, Le Seigneur nous invite à nous redresser, à tourner nos regards vers la joie de La Résurrection. Pour cela, nous avons un sacrement : un signe que Jésus a donné à l’Eglise, qui réalise cette guérison intérieure de notre être blessé et blessant. Nous aurons l’occasion de vivre ce sacrement mercredi prochain, le 6 avril à 19h en l’église St Laurent, avec toute notre UP. 

Au lieu de ruminer nos péchés ou, pire, ceux des autres, redécouvrons notre dignité et vivons dans la tendresse de Celui dont la seule loi est l'amour. Laissons-nous surprendre par ce don gratuit de la miséricorde comme la femme de l'Evangile, don qui rejaillit sur nos propres relations et tire le monde du côté de la paix...   

Amen !



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