B DIM 28 - Le Bon, le riche et le chameau
Je vais vous raconter une petite histoire vraie.
Il y a quelques années, j'étais en train de me battre
pour essayer d'expliquer aux personnes âgées de la maison de retraite de mon
village l'Evangile de ce jour, avec cette histoire de chameau et d'aiguille, et
de ce jeune homme plein de richesses et de bonne volonté qui échoue si
lamentablement à la question subsidiaire de l'examen de passage au Royaume de
Dieu.
Je m'en suis tiré comme j'ai pu. C'était quand même plus facile quand tout était en latin et que personne n'y comprenait rien! Ah oui, c'est vrai que la Parole de Dieu elle est vivante, énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants; il a raison, St Paul! Elle pénètre au plus profond de l'âme, jusqu'aux jointures et jusqu'aux moëlles!
Plus j'essayais de faire comprendre la pensée du Christ,
plus je me sentais devenir chameau, ce chameau qui essaye désespérément de
passer par le trou d'une aiguille! Ah oui, Seigneur, qui peut être sauvé,
alors?
Si ce n'est pas moi qui croit posséder des richesses,
mais si ce sont les richesses qui me possèdent ? Jésus veut des hommes, des
femmes libres pour le suivre. Pas des premiers prix de vertu, des
champions des commandements, mais des cœurs libres et généreux avant tout.
Or, il faut bien reconnaître que le chameau, il a
plusieurs bosses, qui ne sont pas seulement l'attachement aux biens matériels
et au confort, mais aussi l'image de marque, la réputation, le rang social, la
culture, l'intelligence, les relations, la santé, la beauté, la tranquillité...
toutes ces richesses auxquelles vous et moi accordons une valeur souvent
excessive! Je me sentais devenir un chameau à dix bosses!
Et en parlant de ce jeune homme riche qui me ressemblais
de plus en plus, je contemplais ces pauvres d'entre les pauvres qui sont les
personnes âgées de la maison de retraite. Pauvres de richesses, de santé,
d'esprit, de relations, etc, etc.! Et en plus, les commandements, eux, ils les
connaissaient depuis leur enfance!
Alors, tout à coup, à la fin de la messe, un d'entre eux
s'est levé. Il a dit: "Devant Dieu et devant tous ceux qui sont ici, je
veux dire que je suis un pécheur, ..."
J'étais confondu. Je lui ai répondu: oui, et nous aussi
nous les sommes! Mais Jésus vous regarde et il vous aime!
Comme il regardait avec amour le jeune homme riche de
l’Evangile.
Un peu plus tard, en allant porter la communion aux plus
défaillants d'entre eux, il m'a dit, le regard cette fois plein de lumière:
"M. l'abbé, est-ce vrai que vous avez dit: "Ce qui est impossible aux
hommes, est possible à Dieu?"
-Oui, c'est Jésus qui le dit!
Est-ce vraiment vrai ?
-Oui...
Alors, il a souri. Et moi aussi. Et j'ai senti que je
n'étais plus un chameau, mais que rien n'avait d'importance que cela: à Dieu,
rien d'impossible. A l'amour, rien d'impossible!
En fait, frères et sœurs, Dans
l'Evangile d'aujourd'hui, il n'est pas question avant tout des dangers de
l'argent, ni du matérialisme qui empêche la vie spirituelle. Il est avant tout
question d'amour :
« Posant
son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer » Cette rencontre est racontée par trois des quatre
évangélistes, et Marc est le seul qui raconte ce petit détail, que Jésus
regarde cet homme dont on dira seulement après qu'il était riche, et l’aime.
Mais en nous racontant ce
détail, Marc va à l’essentiel de la rencontre. Jésus l’aime, cet homme,
c’est-à-dire que Dieu l’aime.
L'amour, c'est d'abord une
attirance. Jésus est attiré par cet homme plein de bonne volonté, qui veut
gagner la vie éternelle. Depuis sa jeunesse, il observe les commandements :
c'est un homme droit et religieux. Un bon Juif.
Jésus le regarde. Or le
regard de Jésus, c’est le regard de Dieu, le regard de celui qui nous a créés.
Au premier chapitre de la Bible, Dieu crée le ciel et la terre, mais il fait
plus que créer. Chaque fois qu’il crée un élément du monde, il le regarde
et il se dit : « C’est bon » ; il aime ce qu’il a créé.
Quand il a créé l'homme et
la femme, il regarde l’ensemble de la création et se dit : « Ah,
c’est très bon » ;
Jésus qui regarde avec le regard de Dieu voit tout le bon qu'il y a en cet homme. Il nous voit aussi chacune et chacun de nous comme cela.
Quand on aime, on voit toujours le bon et le bien
qu'il y a dans l'autre, dans son conjoint. On s'en émerveille, et on rend grâce
à Dieu pour ce cadeau qui est l'autre. On aime le regarder, le contempler; même
quand les rides ont plissé son visage, on le trouve toujours beau et aimable.
Puisque Jésus aime notre
homme, il veut son bien, mais il veut aussi que l’homme partage sa vie : « viens, et suis moi », lui
dit-il, je veux être avec toi, et veux que tu sois avec moi.
L’homme riche ne répond
pas à l’invitation de Jésus, il s’en va. Mais il s’en va triste, et cela
montre qu’il répond quand même d’une certaine manière à l’amour de Jésus, à
l’amour de Dieu. Sa tristesse montre qu’il sait vaguement qu’en s’en allant, il
rate quelque chose qui l’attire, qu’il perd quelque chose qu’il aime. C’est
de la nature de l’homme d’aimer Dieu, même s’il ne le sait pas, même
s’il refuse l’invitation de Dieu, car Dieu l'a créé pour lui. L’homme qui
refuse Dieu agit contre son propre véritable amour, d’où sa tristesse. Mais en
elle-même cette tristesse recèle une attirance refoulée qui pourra peut-être un
jour ramener l’homme vers Jésus…
Jésus souligne de manière forte dans les trois
évangiles (Matthieu, Luc et Marc) : "Dieu seul est bon". Ainsi, Jésus
met Dieu au-dessus de tout bien : il est le Bon, qui vaut la peine qu'on
se détache de tout pour s'attacher à lui. Pas pour renoncer au bonheur, bien au
contraire ! Mais pour recevoir tout de sa main, au centuple, comme un cadeau
!!!
Ainsi,
en nous proposant de nous attacher à Dieu comme au bien suprême, Jésus nous
invite à nous dégager d'un amour possessif (ma maison, ma terre, ma
femme, mes enfants… dont j'userais en propriétaire), pour vivre en
aimant comme lui, c'est-à-dire comme quelqu'un qui ne possède rien mais
qui reçoit tous les biens comme signes d'un amour plus grand.
Combien de fois
Jésus n'a-t-il pas posé ce regard sur nous ? Laissons-le nous regarder et nous
aimer, et nous libérer de nos tristesses en nous attachant à l'unique Bien.
« N’aie pas
peur, laisse-toi regarder par le Christ, laisse-toi regarder, car il
t’aime… »
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