C EPIPHANIE - Pèlerins d'espérance
En cette fête de l’épiphanie, nous
voyons du monde étonnant venir de loin, du monde bizarre, bigarré, s'approcher
de la crèche. C’est un jour de fête et de grande espérance pour l'Eglise car
nous comprenons que la Lumière du Seigneur est donnée à tous ceux qui cherchent
la vérité. Sans exclusivité : elle ne nous appartient pas.
Contemplons ces mages remplis de joie en venant se prosterner devant l’enfant-Dieu. Leur origine est mystérieuse, et même si ce récit est en partie légendaire, il nous enseigne grandement. Ces chercheurs sont partis de loin. Nous ne savons pas leurs vrais prénoms même si la tradition leur en a donné... En eux, l'Eglise voit l'humanité s'approcher de ce mystère : Dieu fait homme ; Dieu marchant humblement avec les hommes ; Dieu nous attirant avec douceur à lui pour nous faire découvrir notre véritable chemin.
C'est donc tout naturellement que
cette fête de l’épiphanie s’imposait en début janvier pour nous réjouir de l'ouverture
de cette Année Sainte, alors que bon nombre de croyants du monde entier partent
ou partiront un jour ou l’autre en pèlerinage à Rome ou vers les autres
sanctuaires locaux désignés pour accueillir les pèlerins qui ne peuvent se
rendre dans la cité éternelle, comme le sanctuaire Marial de Banneux, la
cathédrale de Malmedy, etc.
Tous ces pèlerins qui viennent on
ne sait d’où, ressemblent à des mages !
Ils ressemblent à des mages parce qu'ils font confiance pour être guidés. Comme eux, ils se laissent conduire par un sentiment profond, comme une intuition, une impulsion intérieure, un DESIR qui ressemble à une étoile lumineuse sur le chemin. Lorsqu'ils marchent, ils voient souvent cette étoile de loin, pressentant parfois là où ils vont la trouver. Elle est fidèle et les conduira jusqu’au bout. D'ailleurs, bien souvent ils n’ont plus qu’elle pour les conduire. Et c’est assez étonnant de les apercevoir parfois dans des paysages nus, ces contrées inconnues et n’avoir que le chemin et leur DESIR pour dire avec assurance : « nous allons à... » quelques dizaines, centaines ou milliers de kms plus loin.
Ils ressemblent à des
mages avec leur équipement spécifique. Pas de chameau mais un sac et un bâton. Mais ils emportent aussi avec eux
toute une histoire personnelle parfois heureuse, parfois compliquée, qui pour
eux est en train de prendre un tournant, une nouvelle orientation au travers de
cette démarche pèlerine... Mais aussi, dans leur sac, il y a les personnes
aimées, leurs AMOURS, les gens dont on partageait la vie et qui
peut-être sont restées quelque part ou à la maison ou bien nous ont quitté,
parties vers un ailleurs ou vers Dieu… Elles font aussi partie du voyage
intérieur du pèlerin. Comme tous ceux et celles qui ont confié une intention,
une souffrance ou une peine à déposer au bout du parcours…
Ils ressemblent aux
mages avec ce qu’ils comptent offrir de précieux, arrivés au terme du pèlerinage. Il y a du prix dans leur périple. Bien
souvent, leur offrande s'adresse finalement à Dieu, ou à cet être intérieur
qu’ils rechercheront avec plus d’ardeur encore, percevant qu’ils ont accédé à
une vérité nouvelle sur eux-mêmes : c’est une des grandes révélations du
pèlerinage. Je vois cet être qui est moi avec des yeux nouveaux, comprenant
mieux qui je suis et qui je deviens, qui je suis en train de devenir, sous le
regard aimant de Dieu… Je peux enfin offrir ce que j’ai de plus précieux :
ma volonté, mon intelligence, ma joie, mais aussi ce que j’ai parfois le plus
de mal à lâcher : mes SOUFFRANCES personnelles. Je lâche, j’offre
tout – entre les mains de l’Enfant de la crèche, comme les mages.
Ils ressemblent enfin
aux mages avec cette fin de l’Evangile : « ils repartirent par un autre chemin ». Une autre étoile les conduira,
un astre qui brille désormais à l’intérieur d'eux-mêmes. C’est l’ESPERANCE qui
sera le moteur de leur vie. Ainsi pour nous qui sommes invités à repartir de la
crèche par un autre chemin, celui que Dieu connaît et sur lequel le Seigneur
sera notre lumière, sa Parole notre lampe.
On ne sait pas vraiment quelle
était la foi des mages. Mais nous savons qu’il s’est passé quelque chose. Il y
a des transformations radicales qui s’opèrent ainsi sur le chemin. Et le plus
souvent, comme ce fut l'expérience des mages, une grande joie.
Si nous avons parcouru les routes
qui mènent à Rome, à Lourdes ou à Banneux, si nous avons franchi les cols et
les vallées, nous avons, surtout, pénétré le sanctuaire intérieur, chaque jour
davantage. Nous avons creusé le chemin qui rejoint le cœur profond de notre
être. Qui lie l’âme et le corps, qui invite l’homme à devenir Un en Dieu, et
réconcilié avec ses frères, avec la nature, la Terre.
Au fond, ne ressemblons-nous pas
tous aux mages ? Ne sommes-nous pas tous pèlerins de l’Essentiel ? Pèlerins d’espérance !
Allons mon cœur, mets-toi en
route…
Terminons en parodiant l’immense
théologien catholique Karl Rahner qui s’encourage lui-même à fêter l’Épiphanie
en se mettant en route pour la nouvelle année, avec pour seul bagage les trois
présents des Mages :
« Nous venons d’entrer dans
une nouvelle année. Tous les chemins qui la traversent, de l’Orient à
l’Occident, seront entraînés avec elle dans l’écoulement sans fin des années et
des siècles. Mais on peut, même sur ces chemins, être de ces bienheureux pèlerins
qui marchent vers l’Absolu, de ceux dont le voyage terrestre est un voyage vers
Dieu.
Allons, mon cœur, ouvre-toi et
mets-toi en route, car l’étoile a
lui.
Tu ne peux sans doute emporter
beaucoup de bagages, et tu en perdras bien d’autres en chemin. N’importe, va de
l’avant. L’or de tes AMOURS, l’encens de ton DESIR, la myrrhe de
tes SOUFFRANCES, tu possèdes déjà tout cela. Il acceptera tout cela. Et
nous finirons par le trouver… »
Karl Rahner, s.j., méditation sur les Rois Mages extraite de « L’Homme
au miroir de l’année chrétienne », Mame, 1966
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