C ASCENSION - Un vide salutaire
Un humoriste disait : à l’Ascension,
Jésus a dit à ses disciples : « Allez
voir ailleurs si j’y suis ». Ils y allèrent et effectivement
il y était…
Effectivement
Jésus est toujours ailleurs ; il disparaîtra toujours au moment où nous
voudrions mettre la main dessus pour en faire une idole, un brave petit Jésus
bien à nous. Les disciples d’Emmaüs en savent quelque chose !
Toujours présent, toujours ailleurs, jamais
atteint : l’Ascension nous empêche de faire du Christ glorifié une
idéologie. Et peut-être même bien d’en
faire une religion si on la comprend juste comme un système, un ensemble figé de
dogmes et de rites qui enferment et empêchent la vie…
« Qu’avez-vous à rester là, à regarder
vers le ciel ? » (Ac 1,10)
Jésus est ailleurs. Son
absence crée un vide, mais un vide salutaire. Comme le disait un poète
allemand, Hölderlin, « Dieu a fait l’homme comme la mer a fait les
continents : en se retirant ». Ce retrait permet une autre
présence, celle de l’Esprit. D’ailleurs, l’Esprit est déjà là, d’une certaine
façon, il a toujours été là, depuis la création du monde. (Jésus l’avait donné
aux apôtres dès après sa résurrection ; souvenez-vous, « il souffla
sur eux en leur disant : recevez l’Esprit-Saint ».)
En fait, l’Esprit est toujours là. Mais
il a besoin d’être activé pour déployer sa puissance et pour
manifester en l’homme les œuvres de Dieu. La Pentecôte, c’est un peu comme la Confirmation
(le sacrement) : c’est l’activation de l’Esprit-Saint qui était déjà là,
et qui va se déployer. Prenons l’image du courant électrique :
toute l’installation est prête et fonctionnelle ; la centrale tourne
toujours à plein régime, mais il faut actionner l’interrupteur pour que par
exemple la lampe ou la machine s’allume…
Jésus, c’est l’électricien qui est venu faire
le raccordement. Quand il a terminé l’installation et qu’il a donné le mode d’emploi,
il fallait qu’il s’en aille pour que les usagers apprennent à se servir eux-mêmes
de l’installation et s’exercent en étant branchés en permanence sur la centrale :
Ils sont devenus autonomes. Et dans la joie de l’Esprit, ils invitent de plus
en plus d’autres humains à se brancher sur le réseau, pour produire le Christ
universel, ce grand Corps connecté qui est l’Eglise spirituelle. C’est l’évangélisation,
qui se poursuit toujours aujourd’hui sous l’impulsion qui a été donnée à la
Pentecôte.
Donc Jésus est parti – mais il n’a pas
disparu. Il est là où l’Esprit (le ‘’courant électrique’’ si vous voulez) fait
jaillir des choses nouvelles, fait éclater la vie là où il n’y avait que la
mort, la tristesse, le désespoir… là où l’amour jailli du cœur de Dieu rend les
hommes solidaires et unis…
L’Ascension, finalement, c’est
la multiplication de Jésus : au lieu d’être en un seul endroit et en
un temps donné, comme il était au cours de sa vie publique, désormais il sera
partout à la fois et présent à tous ceux et toutes celles qui sont branchés sur
le réseau de l’Esprit-Saint !
L’Ascension nous invite aussi à ne pas vouloir
garder Jésus pour nous, pour nous faire du bien, à nous-mêmes. S’il s’échappe,
c’est encore une fois pour nous renvoyer vers les autres, vers le monde, en
étant porteurs de ce message de liberté et d’amour de l’Evangile. « à vous d’en être les témoins ! »,
nous ordonne-t-il aujourd’hui.
Oui, célébrer l’Ascension, c’est vivre l’expérience du vide de l’absence du Seigneur : En refusant que ce vide inscrit dans nos cœurs soit comblé par ce qui étourdit et distrait - comme c’est malheureusement souvent le cas dans notre société où l’on n’assume plus le manque et l’absence mais où on l’escamote dans une frénésie de plaisir et de consommation -, en faisant en sorte que jamais la blessure de l’amour du Christ en nous se referme, nous transformons ce vide en un moteur pour aller vers les autres et chercher continuellement chez eux l’Absent. C’est là qu’il nous précède et nous attend. Ce vide appelle et impulse donc des relations nouvelles : pour que le « réseau » s’étende et grandisse toujours plus.
Fêter l’Ascension, frères et sœurs bien-aimés, c’est aussi découvrir dans l’Eucharistie le vrai Corps du Christ qui est l’Église : par l’Église seulement, par l’amour fraternel vécu entre nous, nous pourrons toucher et voir celui qui n’est plus là devant nos yeux et qui nous attend pour nous faire nous aussi asseoir à la droite du Père, toute la famille des frères de Jésus ! Bonne fête de l’Ascension !
…Et une question pour terminer : Suis-je toujours bien relié au « réseau », et depuis quand ai-je encore (ou n’ai-je plus) activé la connexion pour permettre à l’Esprit de Jésus d’impulser sa puissance d’amour dans ma vie ?
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