C DIM 18 - Vanité des vanités

 

Vanité des vanités…


Les épreuves de la Formule 1 viennent de se terminer dimanche dernier, un grand succès de foule et une compétition acharnée spectaculaire comme à chaque édition. Notre première lecture de ce dimanche sonne comme un avertissement à tous ceux qui dépensent tant d’énergie pour des futilités. « Vanité des vanités, et tout est vanité ! » Que restera-t-il dans un siècle de vos efforts pour être riche, célèbre, reconnu ? Et dans mille ans ?

Le regard du sage Qohélet est désabusé mais lucide. Il frappe d’autant plus que c’est un roi de Jérusalem, fils de roi qui l’écrit. Il a goûté à la gloire politique et l’a trouvée vaine. Inconsistante.


En hébreu, le mot qui est traduit par vanité désigne la buée du matin, le brouillard inconsistant qui flotte au-dessus des choses et se dissipe aux premières lueurs. Les hommes se laissent si facilement fasciner par l’écume des jours ! Ils courent après les médailles comme un nourrisson après un hochet. Ils désirent la richesse comme un chien son écuelle. Ils croient leurs amours éternelles alors que le temps engloutira tout, très vite…

Dur, dur constat – que notre époque évite à tout prix en l’occultant dans une frénésie de divertissement et de consommation ! Et on ne demande pas mieux que d’oublier cette vacuité creuse de nos existences passagères en se berçant de gloires et de succès tout aussi éphémères.



..........................Bon, ok, Qohélet est un pisse-vinaigre, un dépressif mal dans sa peau, un cyclothymique bipolaire. Qu’il aille vite faire soigner sa dépression chez un psychiatre !

???
N’empêche,… et si c’était lui qui avait raison ? Lors du triomphe des empereurs romains où ils défilaient, magnifiques, acclamés par la foule de Rome, un esclave était chargé de rester assis à côté de César pour lui murmurer régulièrement à l’oreille : « memento mori : n’oublie pas que tu vas mourir… »

La beauté des corps est aussi vanité. Elle s’évanouit aussi vite qu’elle est venue. Comme l’écrivait le poète François de Malherbe : « Et, Rose, elle a vécu ce que vivent les roses – l’espace d’un matin ! » et le psaume 89 renchérit : « Toute chair est comme l’herbe des prés. Dès le matin, c'est une herbe changeante : elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée… » Désolé pour vous, mesdames les coquettes (et messieurs les coquets) !



Bon, je ne veux pas plomber votre dimanche en vous refilant des idées noires – on me reproche déjà suffisamment de noircir le tableau en étant trop pessimiste ! Mais qu’a à nous dire le christianisme sur la question ? Doit-on considérer la mort au bout de chaque chose ? Et du coup, nous rétrécir en oubliant de vivre ? Est-ce qu’il ne faut plus créer, entreprendre, écrire, bâtir, composer, enfanter (j’ajouterais : se faire des soins de beauté), puisque tout finit un jour ?


Si, bien sûr. Dieu nous a créés pour cela, pour être co-créateurs avec lui et apporter de la valeur ajoutée au monde. Mais tout cela, en étant humblement conscient que seul ce que Dieu fait dure éternellement, et sans perdre de vue l’ESSENTIEL – ce que Paul appelle dans sa lettre aux Colossiens « les réalités d’en-haut » et Jésus « être riche en vue de Dieu ».

Ça veut dire quoi, ça, être riche en vue de Dieu ? Je le comprends ainsi : être riche d’humanité vraie, à l’image de Dieu de qui nous venons et vers qui nous retournons, et à l’image du Christ qui a donné sa vie pour tous les hommes. Vivre une vie de générosité et non d’accumulation, de solidarité inclusive et non de compétition à tout prix, de valorisation de l’autre et non pas d’adoration vaniteuse de soi-même, de service désintéressé et non de recherche de pouvoir… Voilà, je crois que c’est cela « être riche en vue de Dieu ».


Où en sommes-nous dans ce choix crucial ? Nous laissons-nous encore trop berner par les « vanités » qui embuent notre regard et notre âme, et nous font passer à côté de l’essentiel ? La parabole de l’homme riche insensé racontée par Jésus est là pour nous faire réfléchir :

« J’ai énormément travaillé, j’ai mis de côté beaucoup d’argent. Mes enfants ont tous de très bonnes places avec de hauts salaires. Enfin, la sécurité ! enfin, la vraie vie ! Je vais pouvoir m’éclater… »

« Tu es fou ! » dit Dieu.

« Pardon ? S’il vous plaît ? Quelqu’un a dit quelque chose qui ne cadre pas avec le discours normal ?

« Tu es fou. Oui, c’est moi qui te parle, dit Dieu. Qu’est-ce que tu auras fait de ta vie quand tu t’en iras ? Tu ne connais donc pas le proverbe qui dit : « un linceul n’a pas de poches » ou « on n’a jamais vu un coffre-fort suivre un corbillard ? » - Tu te croyais riche : tu es pauvre comme Job. Tu as oublié d’être, et de vivre ta vie en la partageant avec les autres. Tu n’as plus rien parce que tu n’es plus rien. Tu n’es plus qu’un portefeuille ! Tu t’es enrichi matériellement pour toi-même, tu t’es diverti en oubliant tes frères qui ont faim et les membres de ta propre famille qui avaient besoin de ton amour, tu as loupé la vraie fête. Pauvre homme ! je te plains. »




En conclusion: Le bonheur de l’homme (et donc la vraie vie) passe, pour Dieu, par le bonheur de l’autre. D’ailleurs, on le sent bien, on n’est pleinement heureux que lorsqu’on peut partager avec quelqu’un une joie personnelle. Les plaisirs égocentriques, eux, disparaissent comme le fumée.


Et si l’été et les vacances étaient le temps propice pour retrouver l’essentiel – et casser l’isolement de nos sociétés individualistes ? C’est l’appel que peut-être au fond le vieux « Qohélet » voulait faire retentir.




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