C DIM 03 - Sortons de nos mares!

 HOMELIE 3e DIMANCHE ORD. 23/01/2022 

" SORTONS DE NOS MARES ! "

Quand après la proclamation de l'Evangile le célébrant présente le Livre ouvert et invite l'assemblée à acclamer la Parole du Seigneur, après cela généralement on s'assied, on s'installe, on baille peut-être, et on se prépare à passer un moment plus ou moins long, (dans notre Esprit, c'est souvent "long"), le mieux possible, avec patience en attendant la suite.

Eh bien, aujourd'hui soyons bien éveillés, et regardons deux situations à 3 ou 400 ans d'intervalle, où, quand le Livre est refermé, les gens ne dorment pas mais réagissent très fort:

 

1er flash: Quand le scribe Esdras fit la lecture du Livre, en l'an 398 av. J-C, depuis le lever du jour jusqu'à midi, le peuple tout entier, hommes, femmes, enfants, rassemblé debout à ses pieds, criait "Amen", se prosternait, et puis les gens pleuraient car ils se rendaient compte combien ils avaient laissé Dieu de côté durant plus de 100 années qu'ils avaient été en exil à Babylone. Et puis, ils étaient si  heureux de retrouver leur ville, leur foi, leur Temple, leur Dieu qui leur parlait, finalement! ET QUE LEUR DIT-IL, DIEU ? "LA JOIE DE DIEU, MA JOIE EST VOTRE REMPART", non plus ces murailles de pierre qui ne vous ont servi à rien !

 


2ème flash: Maintenant, ce n'est plus un scribe de Jérusalem, mais un paroissien de Nazareth, vers les années 30, qui ouvre le Livre. Et quand Jésus (car c'est lui) rend le Livre au servant de la synagogue, tous ont les yeux fixés sur lui. Or, il n'a fait que lire la Parole inscrite, un passage d'Isaïe qui dit: "L'Esprit qui est sur moi m'a envoyé porter une bonne nouvelle aux pauvres, la liberté, la lumière, la délivrance, une année de grâce exceptionnelle où tout ce qui va de travers sera redressé, et où enfin on pourra connaître le bonheur, la joie." Il n'a ajouté qu'une chose, et c'est le "sermon" le plus bref de toute l'histoire: "Cette parole de l'écriture que vous venez d'entendre, c'est pas demain, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit".


Avouez qu’il y avait de quoi réveiller les gens ! Pourtant, juste après ce fameux sermon, il y a eu du grabuge à la synagogue. Tellement que les que les paroissiens de Nazareth voulaient le balancer par-dessus la colline…


Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu’il a ensuite affirmé que les cadeaux de Dieu, le bonheur promis pour les pauvres, la joie pour les affligés, les boiteux qui marchent et les aveugles qui voient, tout cela ce n'était pas réservé pour les fidèles d'Israël, le peuple élumais aussi offert pour les étrangers, les païens ! Inadmissible pour les Juifs, le peuple élu ! Là, Jésus jetait un fameux pavé dans la mare…


Ça a été le même problème quand les religions chrétiennes se sont constituées l’une contre l’autre : Qui a raison ? Qui a la vérité ? Et on déclare les autres anathèmes, excommuniés…. La semaine de prière pour l’unité des chrétiens nous rappelle chaque année le scandale de l’orgueil de la division. On s’est profondément enlisé dans cette mare-là !


Je voudrais creuser un peu avec vous cette image de la mare, dans laquelle Jésus lance allégrement des pavés, comme un gosse qui fait ricocher des galets…



Les eaux d’une mare sont des eaux stagnantes, qui ne se renouvellent pas. Elles ne reçoivent pas les eaux vives d’une source, et contrairement aux fontaines, elles n’abreuvent plus les assoiffés, n’irriguent plus les terres stériles et desséchées. Ce sont les eaux mortes d’une tradition mal comprise et mal vécue, quand elle oublie l’aspect ouvert et non statique de sa mission… quand on veut capter l’eau à son seul usage personnel (souvenez-vous du Papet de Manon des Sources).


Une tradition peut se figer en coutumes et en modèles inchangeables, et ne plus se soucier de se renouveler. Elle déploie toute son énergie à conserver et verrouiller, à restaurer et rétablir à l’identique ce qui existait dans un passé idéalisé comme parfait et immuable.


Les évangiles, et particulièrement celui de saint Luc, montrent comment Jésus vient inaugurer une nouvelle fraternité humaine qui transforme les frontières familiales, nationales ou religieuses. Pour lui, elles doivent être non pas des marques d’enfermement et de replis identitaires ou nationalistes, mais des espaces de rencontre. Lui, le "nazaréen", vient habiter et parcourir le pays sans frontière des pauvres du monde entier qui attendent la bonne Nouvelle, des captifs et des opprimés qui attendent la libération, des aveugles qui attendent le retour à la vue…


Saint Paul poursuivra l’œuvre universaliste du Christ et en sera un grand réalisateur. Ayant une double nationalité, à la fois juif et citoyen romain, grand voyageur et fondateur de communautés, il présentera la terre entière comme ayant vocation à être le pays de Dieu, celui de l’amour universel, celui que lui-même a chanté dans son merveilleux hymne à l’amour qu’on lit souvent aux mariages…

 

Après Jésus, après Paul, le concile Vatican 2 a lui aussi jeté un grand pavé dans la mare. Au fil des siècles, bien des choses dans l’Eglise romaine étaient devenues stagnantes et s’étaient figées dans des rites formalistes, des formulations peu intelligibles, des pratiques peu conformes à l’amour dont parle saint Paul.

La vie est mouvement. Or, Dieu est vie. L’évolution est la loi de toute histoire : celle de l’humanité, celle de la pensée, celle de la vie sur la terre, celle de chaque personne. C’est ce que le Concile a bien compris.

 

Des remises en question de nos façons de vivre l’Eglise, comme celle que sous-tend le fameux synode mondial lancé par le pape et auquel nous sommes invités à participer, mais aussi toutes les expériences d'Eglise, rencontres de prière oecuméniques ou actions de solidarité avec des citoyens non croyants ou musulmans…, toutes ces expériences doivent nous aider à sortir nous aussi un peu de nos "mares aux canards", nos train-trains routiniers où l'on s'englue parfois trop facilement.

Il faut se mettre à l'écoute de l'Esprit pour relire ensemble l'Evangile, bonne nouvelle pour aujourd'hui, qui souvent nous bouscule et nous remet en question.

 


La foi doit tracer son chemin, comme Jésus l’a fait lui-même. "Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin." En homme libre. Comme il nous veut aussi, femmes et hommes libres.

C’est sur les chemins des hommes que Dieu est venu marcher avec nous, nous accompagner, nous éclairer. Faisons lui confiance : l'avenir de l'Eglise est devant nous, pas derrière.

Je suis heureux de vivre avec vous cette aventure, et je vous invite tous à la rencontre du 5ème dimanche 30 janvier en Unité Pastorale où nous lancerons le processus synodal chez nous...

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