C PÂQUES - Quand les cactus fleurissent

 


J’ai un cactus sur l’appui de fenêtre de ma cuisine. Il est là depuis des années, mais je ne l’avais plus vu en fleurs depuis très longtemps. Vous savez, un cactus comme celui-là, en trois tiges, c’est très beau, surtout quand il fleurit : il fait autour du sommet de chaque tige une couronne de petites corolles roses comme des calices, avec des pistils jaunes au centre. Je l’aime bien, mon cactus, même ses piquants que je caresse de temps en temps comme quelqu’un qui a du caractère.

Donc, un beau matin, il y a à peu près une semaine, j’ai eu la surprise de voir mon cactus surmonté de petites boules allongées et un peu fripées, d’un rose délicat – encore fermées. Vite, une photo !

À 10 heures, la moitié de la couronne était déjà ouverte, offrant ses corolles aux rayons du soleil : allez, encore une photo.

À midi, l’entièreté des corolles avait fleuri, la couronne était complète. Clic, clic, photo ! Et ce spectacle, j’en ai profité toute la semaine.

Mais avant-hier, vendredi saint, il avait fait couvert toute la journée, avec de la pluie aussi. Revenant le soir de l’office de la Passion alors que le soleil était couché, je vois que toutes les fleurs de mon cactus s’étaient refermées, repliées, pendantes, comme si, arrivées en fin de floraison, elles allaient tomber… Petit serrement de cœur. Déjà ! - me disais-je. Pas photo.

Bon, je vais me coucher ; au lever, pas de changement pour mon cactus. Je lui donne un peu d’eau. Et puis arrive le soleil. Et à 8 heures, ce samedi matin, voilà que je vois au sommet des tiges de mon cactus : une, deux, trois, la moitié des fleurs qui, touchées par le soleil, s’ouvrent à nouveau, déployant leurs corolles roses à la lumière du soleil levant ! Au milieu du jour, toutes étaient ouvertes joyeusement, fraîchement, comme ces couronnes de la santa Lucia sur la tête des jeunes filles de Syracuse… Sous le soleil, même les épines avaient l’air transfigurées !

Résurrection !



Bien innocente et futile sans doute, cette aventure de mon cactus au caractère piquant ! Mais ce qui a traversé mon esprit à ce moment-là, c’était cette question : Comment cette plante si rude, cet être qui ne semble quasiment pas bouger toute l’année, engoncé dans sa carapace épineuse, comment sait-il tout-à-coup que c’est LE moment où il doit surgir de son immobilité, sa léthargie, pour exploser de vie et faire jaillir sa couronne de beauté toute rose ?

Le soleil ! …Derrière ses épines de cactus, des cellules photosensibles ont capté la lumière qui lui envoyait ce message : tu dois fleurir. Ouvre-toi à la vie, à la fécondité, à cette Force qui anime tous les êtres vivants. Et le miracle s’est réalisé!


Mes sœurs et mes frères, en ce jour tout neuf de Pâques, je voudrais vous poser cette question : Mes amis, quel est votre soleil ? Qu’est-ce qui peut vous faire refleurir, revivre, renaître à nouveau ?

Oh bien sûr, je ne vous confonds pas avec mes cactus – même si parmi vous certains sans doute ne manquent pas de piquants 😉. Mais si nous n’avons que des rapports lointains avec le monde végétal, nous avons pourtant avec lui ce point commun : Nous avons besoin du soleil (et d’air, d’eau, de minéraux…) pour vivre. Sans lumière, nos vies s’éteignent.



Chers amis chrétiens, avec qui je partage la foi dans le Christ ressuscité de ce matin de Pâques, je répète donc : Quel est votre soleil ? Qu’est-ce qui peut faire fondre l’hiver de vos cœurs, de tous nos cœurs de pierre, traverser nos veilles écorces et faire de nous des VIVANTS ? Des chrétiens de Pâques, qui fleurissent de tous les dons du Saint Esprit pour les mettre au service de nos frères et sœurs qui nous attendent dehors ?








Il faut qu’il soit bien chaud, ce soleil ! Bien brûlant – comme le cœur des pèlerins qui le soir de Pâques sur le chemin d’Emmaüs écoutaient le Voyageur mystérieux leur expliquer les écritures… Comme Pierre et Jean courant le matin au tombeau vide ; comme Marie-Madeleine s’entendant appeler par son nom par le Promeneur du jardin ; comme Pierre prêchant chez le centurion à Césarée, Paul qui balance tous les vieux ferments et pétrit une pâte nouvelle avec ses convertis à Corinthe…

Oui, ce soleil-là est plus chaud que tous les thermoréacteurs nucléaires réunis du monde entier ! Que toutes les galaxies de l’univers !



VOUS LE CONNAISSEZ : Ce soleil, c’est l’Amour. Voilà notre soleil ! Sans amour, nous ne pouvons pas vivre, sans lui nous sommes déjà morts. Et l’Amour, c’est Dieu, c’est le Christ qui nous a aimés jusqu’à en mourir le vendredi saint, et que Dieu a ressuscité pour nous faire entrer dans cet Amour, ce cycle qui reçoit sans cesse la vie pour la donner, la partager… et la recevoir à nouveau.

Une vie, si elle n’est pas donnée - un amour, s’il n’est pas partagé, ne sert à rien. L’amour fait vivre, nous en faisons déjà l’expérience tous les jours. Sans amour, autant rester dans le fond de son lit et attendre la mort.

Pâques, c’est la victoire de l’Amour sur la mort. C’est la lumière de la vie, qui vient toucher et envahir tous les recoins obscurs et desséchés de nos existences pour les faire refleurir et devenir fécondes. Cette lumière - cette vie est tellement forte qu’elle fait rouler et s’ouvrir les pierres qui nous enfermaient dans nos tombeaux, pierres de doutes, de souffrances, de deuils, d’angoisses et de désespoirs. Nos dépendances, nos assuétudes, nos manques et nos blessures profondes fondent sous cette douce lumière guérisseuse. Je deviens – nous devenons libres, libres pour aimer !



Ce que je vous dis, mes amis, ce n’est pas que de la poésie. Des millions d’hommes et de femmes, de chrétiens de tous temps et de tous lieux l’ont expérimenté. Des milliers de catéchumènes jeunes et adultes qui vont être baptisés ou qui l’ont été la nuit dernière (17.000 en France, plus de 500 en Belgique) ont eux aussi fait cette découverte qui les a convaincus que ce chemin donne sens à toute leur existence, et que le Soleil de leur vie, c’est désormais le Christ : J’ai la joie, la grande joie d’accompagner moi-même un jeune qui va bientôt officiellement demander le baptême et sa maman , cela me remplit aujourd’hui d’espérance dans la force du message chrétien et l’avenir de l’Eglise ; j’ai vu aussi ces nombreux jeunes de chez nous en Wallonie qui sont partis l’été dernier aux Journées Mondiales de la Jeunesse, à Lisbonne et à Maredsous, et revenir avec de la lumière plein les yeux et le cœur. Ceux, ils étaient 13.500, venus d’Ile-de-France, qui se sont retrouvés ces jours-ci à Lourdes pour une « Frat » qui rassemble chaque année plus de monde…  Ceux qui à Taizé, à Saint Jacques de Compostelle ou à Rome se font « pèlerins d’espérance » à l’appel du pape François…



L’évangile aujourd’hui est sur les routes, les chemins, là où se rencontrent les hommes. Il sort de plus en plus des églises pour aller là où les gens vivent : là où ils travaillent en cherchant un sens à ce qu’ils font ou subissent, là où ils sont soignés par des mains aimantes dans les hôpitaux, les maisons de repos, là où des familles, des communautés vivantes inventent de nouvelles façons de faire Eglise et de témoigner de leur foi…


Frères et sœurs, chacun de nous, aujourd’hui, en ce Jour de Pâques, est appelé à laisser entrer la Lumière de la Résurrection dans son cœur et dans sa vie : « Laissez entrer le soleil » (let the sun shine in) comme chantait la comédie musicale Hair reprise par Julien Clerc. Nous devons être ou devenir des femmes et des hommes d’espérance et de foi renouvelée, des chrétiens de Pâques, c’est quand même mieux que les lapins, non ? – et pour cela, pour accueillir tout cet Amour dans notre vie et le laisse nous transformer, faire comme mon cactus : s’exposer autant que nous pouvons à Ta Lumière Seigneur Jésus - comme si on bronzait au soleil sur la plage.  C’est ce que nous allons faire maintenant tous ensemble en priant et en célébrant l’Eucharistie pascale.

Joyeuse et lumineuse fête de Pâques à toutes et tous !










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