B DIM 32 - Il y a beaucoup de pauvres veuves...
Glonk… glonk… glonk…
Vous connaissez ce bruit ? Oui,
c’est celui d’une pièce, disons de 20 centimes, qui tombe dans un plat
métallique.
Il m’est arrivé cette histoire il y a
quelques années, alors que je célébrais la messe dans une paroisse des Hautes
Fagnes dont je tairai le nom.
Le brave sacristain avait l’habitude
de démarrer la collecte très tôt, parfois même déjà au moment où tout le monde
récite le credo après l’homélie - ce n’était pas l’idéal, avouons-le ! Or,
justement, ce dimanche-là, c’était celui où on lit l’évangile de la pauvre
veuve qui a mis deux piécettes dans le tronc du Temple, tout ce qu’elle avait.
Et donc, parce que notre brave
sacristain était aussi un peu distrait, ou bien je ne sais pas quel diable
l’avait perturbé, il avait oublié de mettre le tissu en feutre dans le fond du
plat qui servait à la collecte !
Alors vous imaginez…. Pendant que
tout le monde priait religieusement le credo, on entendait toutes les secondes
dans l’église ce petit bruit qui résonnait : « glonk… glonk… ». Des
sourires apparaissaient sur le visage des gens qui commençaient à se marrer…
Je n’ai pas pu résister !
Quand le credo a pris fin, alors
qu’on entendait toujours le « glonk… glonk… » dans le fond de
l’église, j’ai dit tout haut dans le micro : « Décidément… il y
a beaucoup de pauvres veuves dans cette paroisse ! »
Chers sœurs et frères… j’espère pour
les finances de votre église et de l’UP que vous n’êtes pas aussi pauvres que
la ou les veuves en question ! – Nous verrons cela tantôt à la collecte.
Bon, cette petite histoire vous a
amusés sans doute.
Mais qu’est-ce que nous pouvons
retenir, quel est le message de la Parole de Dieu qui peut nous parler
aujourd’hui, avec
ces deux veuves, celle de Sarepta avec Elie et celle de Jérusalem avec Jésus ?
N’est-ce pas une ou des histoires trop banales, insignifiantes ?
- Oui, ces deux personnages, ces deux
veuves donnent tout ce qu’elles ont pour vivre, elles sont généreuses, bravo.
Donc Jésus nous suggère d’être généreux nous aussi et de partager avec les
pauvres. Très bien. (Nous verrons cela à la collecte).
Mais est-ce tout ?
Si Marc a pris la peine de raconter
cette anecdote, c’est qu’il y a vu encore bien d’autres choses, et même des
choses extrêmement importantes. Pour nous les faire pressentir, je voudrais
vous raconter une autre petite histoire : celle qui est arrivée à Mère
Teresa de Calcutta.
« Un jour, raconte-t-elle, je
descendais la rue ; un mendiant vint vers moi et me dit: « Mère Teresa, tout
le monde te fait des cadeaux ; moi aussi, je veux te donner quelque chose.
Aujourd'hui, je n'ai reçu que vingt-neuf centimes de roupie pour toute la
journée et je veux te les donner. » Je réfléchis un moment ; si je prends
ces vingt-neuf centimes (qui ne valent pratiquement rien), il risque de n'avoir
rien à manger ce soir, et si je ne les prends pas, je lui ferai de la peine.
Alors j'ai tendu les mains et j'ai pris l'argent.
Jamais sur aucun visage, je n'ai vu
autant de joie que sur celui de cet homme, tellement heureux d'avoir pu faire
un don à Mère Teresa ! C'était un énorme sacrifice pour lui, qui avait mendié
toute la journée au soleil cette somme dérisoire dont on ne pouvait rien faire.
Mais c'était merveilleux aussi, car ces piécettes auxquelles il renonçait
devenaient une fortune, puisqu'elles étaient données avec tant d'amour. »
Dans le don, frères et sœurs, vous l’avez
compris, ce n’est pas ce qu’on donne, combien on donne
qui compte, mais c’est l’amour avec lequel on le donne ! (On a tous
chez soi par ex. un bibelot, un objet qui n’a pas de valeur pécuniaire mais
auquel nous tenons beaucoup car il nous rappelle une personne qui nous l’a
donné comme un geste d’amour.)
Faisons attention à la manière dont
nous donnons.
Ce ne doit jamais être pour nous donner bonne conscience, pour avoir la paix. C’est
une part de nous-mêmes que nous pouvons, que nous devons donner. Si c’est
de l’argent, cela doit exprimer mon engagement, la part de moi-même que je veux
offrir à l’autre. Les pharisiens eux ne donnaient rien d’eux-mêmes puisque
c’était dans l’ostentation. (Vous allez me dire que vous allez mettre tantôt
beaucoup d’amour dans la collecte, je veux bien, ce n’est pas pour moi !)
Bon. Soyons sérieux parce c’est très
sérieux.
C’est quoi ce qui a permis, a poussé
ces deux veuves, celle d’Elie et celle de l’Evangile, à se dépouiller de tout
ce qu’elles possédaient pour vivre ?
Au fond, je pense qu’elles se donnent
à Dieu.
La première donne tout ce qui lui reste, sa part vitale
et celle de son fils, à l’homme de Dieu, Elie. « Et puis nous
mourrons », ajoute-t-elle. Elle rend sa vie à Dieu dans un geste de
confiance et d’abandon absolu. Ce que j’ai de plus précieux, ma vie, ne
m’appartient pas : je te la rends. « Père, en tes mains je remets mon
Esprit », dira Jésus sur la croix.
La seconde femme, la veuve du Temple, elle a mis ses deux
piécettes dans le tronc des offrandes pour l’entretien du sanctuaire et des
prêtres. Donc, elle aussi, elle donne à Dieu, elle donne sa vie à Dieu
puisqu’elle n’a plus rien pour vivre et elle ne sait pas que Jésus la regarde
et qu’il va sûrement arranger cela. Comme la veuve de Sarepta ne sait pas
encore non plus que la jarre de farine et le vase d’huile ne se tariront pas…
Un jour, quelqu’un est venu m’offrir
un lingot d’or pour faire des travaux à l’église qui en avait vraiment besoin.
Il a été bien utile, assurément, ce lingot, mais le brave homme n’était pas sur
la paille. Seulement, proche de la mort (il avait plus de 90 ans), et ses
héritiers étant déjà bien munis financièrement, il a donné à la mesure de son
cœur et de son porte-monnaie, en pensant le donner à Dieu, pour le toit de son
église. Je n’ai pas pensé que c’était un miracle, mais j’ai quand même remercié
le Seigneur qui avait inspiré ce geste à mon généreux donateur.
Si chaque fois que nous donnons
quelque chose de bon cœur à quelqu’un, ou pour une œuvre, nous prenions
conscience que nous le donnons en fait à Dieu, au Christ, peut-être
vivrions-nous notre générosité autrement. « Tout ce que vous avez fait
à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez
fait. » Et puis, qu’avons-nous que nous n’ayons reçu, au fond ?
Est-ce que ce que j’ai m’appartient en propre pour moi tout seul, ou bien
cela m’a-t-il été confié pour que j’en fasse profiter les moins chanceux que
moi ? Nous sommes des intendants, nous rappelle Jésus dans une
de ses paraboles, des intendants à qui Dieu a confié ses biens pour les faire
servir à ceux qui sont sous nous. Bien sûr que c’est aussi le fruit de mon
travail, des années d’efforts peut-être. Et alors ? Qu’est-ce que c’est
par rapport au bonheur éternel qui nous est offert gratuitement par Dieu ?
Car ici en effet nous arrivons au
cœur de cette histoire. Jusque-là, on pourrait croire qu’il s’agit d’une leçon de morale. Mais
non, c’est bien autre chose : Les riches, d’après Jésus, donnaient beaucoup,
mais préservaient pour eux bien plus encore. La pauvre veuve donnait
apparemment bien peu, mais elle ne gardait rien. En elle, Jésus reconnaît
quelqu’un qui ressemble à Dieu. Dieu donne tout. Il a même donné son Fils.
Jésus donne tout, il se donne entièrement, jusqu’à se donner sur la croix. Et
son Père, qui a reçu ce don, lui rend la vie.
Ces textes ne sont donc pas des
leçons de morale, ce sont des paraboles de Pâques : l’annonce du Salut et de la Vie
par le don gratuit de soi. Il ne s’agit pas d’abord ici d’entendre quelques
conseils d’humilité ou de générosité. Il s’agit bien de se mettre en
présence du Christ ressuscité. En somme, Jésus qui se reconnaît dans cette
veuve, nous dit :
”Moi aussi, je ressemble à cette
pauvre veuve. Son geste préfigure ce que je vais faire. Je n’ai rien, ni
argent, ni maison, et cependant je vais tout donner de ma vie, de ma dignité :
pour toi, pour vous qui m’écoutez. Vous aussi, si vous voulez vivre, faites
cela en mémoire de moi !”
Et
nous que sommes-nous capables de donner,
de notre superflu, de notre nécessaire,
de nous-mêmes ?
Saurons-nous être de ces ”pauvres veuves” qui savent donner et se
donner jusqu’au bout d’elles-mêmes?
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