A AVENT 2 - Le Doux et le Dur
Certainement vous avez dû voir une fois ou l’autre
l’un de ces films qui racontent en fait une quête d’un trésor perdu dans
une jungle profonde, ou du fameux graal par Lancelot et les chevaliers de la
Table Ronde. En chemin ils doivent subir des épreuves imposées par des mages ou
des sorciers.
Tout au long du chemin qui mène vers la crèche
de Bethléem, nous rencontrons également des personnages qui ont mission de
nous y conduire : Isaïe, Jean le Baptiste, Marie, Joseph, les anges…
Ce dimanche-ci l’Église nous en présente deux
: Isaïe le prophète et Jean le Baptiste. Ils sont les gardiens
devant la porte et veillent à l’entrée de la grotte de la Nativité.
Impossible d’arriver auprès de l’Enfant sans passer par eux, sans que nous
ressemblions quelque peu à eux.
Voici donc Isaïe et Jean Baptiste. Que nous
disent-ils en ce dimanche ?
Comme leur message est différent ! Passer de
la première lecture d’Isaïe à l’Évangile, on passe d’un monde à un tout autre :
Isaïe c’est la douceur et la tendresse même. Vision d’un
avenir sans nuages, vision du parfait bonheur. Jean Baptiste au
contraire, c’est la sévérité même. Ces deux sentinelles devant la grotte de la
Nativité ne se ressemblent guère. C’est le doux et le dur.
À écouter déjà simplement les mots qu’ils
utilisent : quelle différence ! Isaïe parle d’un petit rameau fragile,
d’un enfant doué de conseil et de sagesse, d’un juge dont les jugements sont
tout en faveur des pauvres du pays. Isaïe décrit une vision de paix et un monde
sans violence, où l’agneau habite avec le loup, où le léopard se couche près du
chevreau et où l’enfant dort sur le nid du cobra. Où l’amour de Dieu couvre
toute la surface de la terre, comme les eaux couvrent le fond de la mer. Vision
de tendresse et de bonheur, ciel sans nuages. Une immense paix dans le cœur des
hommes et sur toute la surface de la terre. Oui, Isaïe : le doux.
Mais dans l’Évangile : c’est Jean-Baptiste !
Et il est dur. Il porte un vêtement de poils de chameau. Dur ! Une ceinture de
cuir. Dure ! Il mange des sauterelles et du miel sauvage. Et quand il ouvre la
bouche : « engeance de vipères », dit-il. « Convertissez-vous. La
cognée est à la racine de l’arbre. Dieu tient en main la pelle à vanner. Il
viendra nettoyer lui-même son aire. » Dur, dur.
Mais alors, qui des deux est le vrai veilleur
devant la porte ? À quelle école se mettre pour arriver à la Crèche ? Isaïe ou Jean ?
Sans doute les deux. Puisque Dieu en a mis
deux devant l’entrée.
En effet, le christianisme est à la fois
doux et exigeant. Il se nourrit à un paradoxe, qui est d’ailleurs le
paradoxe de Dieu lui-même. Dieu est infiniment bon. Mais il est aussi
infiniment juste. Il est le Consolateur mais aussi le Législateur, il est le
Tendre mais aussi le Juge.
Isaïe, c’est le doux rêveur. Il a pour mission de nous introduire dans
l’espérance en nous mettant devant les yeux la vision d’un monde selon Dieu, un
monde réconcilié, un monde de paix et d’harmonie. C’est le Royaume de Dieu qu’il
nous faut désirer de tout notre cœur.
Mais le Royaume de Dieu ne nous est pas donné automatiquement et sans effort de notre part. Il demande la conversion de notre cœur. Et c’est Jean le Baptiste qui nous le crie : « Aplanissez la route. » Et s’il faut aplanir, c’est qu’il y a des obstacles.
C’est pour cela que j’ai besoin de jugement (c’est le mot de ce dimanche), ou de jugeotte avec l’aide de l’Esprit Saint, pour discerner ce qui doit changer chez moi. La conversion, ce n’est pas pour les autres, mais pour moi d’abord !
Voilà frères et soeurs. Notre désir (selon
Isaïe) et notre conversion (selon Jean) sont le passage obligé pour arriver à
la Crèche.
De nos jours, il ne manque pas de prophètes du
bonheur. Et leur message est
souvent teinté d’un vernis religieux. Que de recettes de bonheur ils nous
proposent : méditation, relaxation, eurythmie, eutonie, danse, massage, le
dépaysement exotique. Mais toutes ces recettes ont une chose en commun : le
bonheur est assuré sans effort de notre part. Car nos peines ne sont qu’une
maladie. Prenons le médicament et nous serons guéris. Comme si notre malheur
n’était qu’un mal de tête ! Et la religion, une aspirine.
Or, le Royaume de Dieu demande un engagement
concret afin de produire les bons fruits, des fruits de justice : il
s’agit de redonner à chaque être humain la dignité d’homme et de femme, en
luttant à leurs côtés pour rétablir la justice. Le jugement de Dieu qu’il
nous faut manifester ou l’option préférentielle pour les pauvres. Pas seulement
une action humanitaire ou caritative, même si elle est bienvenue, mais s’attaquer
aussi aux racine de la pauvreté et de toutes les souffrances qu’elle entraîne.
Cela demande de faire des choix, de prendre des décisions dans notre vie personnelle
et sociale.
Voilà pourquoi le Seigneur a placé devant
l’entrée de la grotte de Bethléem deux sentinelles : Isaïe et Jean. Le Doux et
le Dur. Seulement en passant par eux deux, nous serons à même de pousser
la porte de l’étable de Bethléem et y trouver l’Enfant. Un homme averti…
Seigneur, tu nous dis avec Isaïe que ton
Christ jugera les petits avec droiture
et qu’il se prononcera en faveur des humbles
du pays.
Avec Jean, tu nous invite à préparer ses
chemins.
Toi qui es Justice, Paix, Amour et Liberté,
emplis nos cœurs de foi et de courage
pour lutter en faveur de la réalisation d’un
monde
où la dignité de la personne humaine ait plus
de valeur que tout l’or du monde.
Que nous commencions ainsi à vivre ton règne,
ici sur terre. Amen.
(Gustavo Zaracho, coordinateur national de la
JOC, Paraguay)
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