C DIM 21 - AGONIZOMAÏ


 


« Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? »

Cette question a taraudé des générations d’hommes et de femmes avant nous. Elle a rempli les églises et les monastères de millions de personnes en recherche de salut -si possible de salut éternel. Aujourd’hui, la question du salut semble moins prégnante. Le doute cartésien, mais aussi une société d’abondance et de technicité qui offre quasiment tout ce dont un humain peut avoir besoin sur terre, tout cela a rendu la question du salut fort lointaine et vague. 


Soyons clair : Si la curiosité sur le nombre des élus manifeste encore pour une partie des chrétiens – ceux qui vont à la messe ?  une certaine inquiétude, une recherche de sécurité pour un au-delà incertain, dans le fond, quelle que soit la réponse à la question du nombre des élus, cette réponse est toujours  malsaine : En effet : si tout le monde va au Ciel (comme dans la chanson « on ira tous au paradis »), alors pas besoin de se faire du souci, donc il n’y a plus rien à faire ; et si très peu y vont, alors à quoi bon faire tant d’efforts si risqués ? Dans les deux cas, quelque que soit la réponse, elle est un motif pour ne rien faire !


De fait, elle nous dérange, elle nous embête peut-être, cette porte ! Qui dit porte dit passage, et en plus on l’annonce étroit… Je ne sais pas vous, mais moi j’ai toujours eu horreur des examens de passage ! On a l’impression d’un filtre, comme les portiques de sécurité à l’aéroport : Toi, ça va, tu passes, rien d’illicite à déclarer. Toi, stop ! T’es pas bon, tu trimbales des choses interdites… Non, décidément, cette idée de la porte, ce n’est pas rassurant ! Du coup, peu de gens ont encore envie d’y croire…



Bon. Et si nous prenions les choses par un autre bout ? Il y a au moins trois (quatre) bonnes nouvelles dans cette histoire de porte

-D’abord, première bonne nouvelle, c’est qu’elle existe, cette porte ! Il y a une issue, un accès, une ouverture, vers ce que Jésus appelle la vraie vie, ou le royaume. Et pour dire le bonheur qui y règne, dans ce royaume de justice et de paix, il reprend l’image d’un festin souvent utilisée dans l’Ancien Testament. De l’autre côté, c’est l’injustice, les pleurs et les grincements de dents que nous connaissons bien, hélas.


-Ensuite, seconde bonne nouvelle, c’est qu’il y a moyen d’entrer, moyennant un effort. Jésus volontairement ne répond pas à la question théorique de savoir combien de gens seront sauvés ; il préfère nous tourner vers l’agir : « Efforcez-vous ! »  - agōnizomai en grec, oui, cela évoque une agonie, une étape où il faut mourir à soi-même. Car il s’agit bien d’une question de vie ou de mort, et non une cure de détox pour le bien-être personnel comme certains voient la religion ! Mais si cet effort agonique porte ses fruits, c’est dans la mesure où mourir à soi permet de se tourner vers les autres et vers Dieu ; et, dans ce cas, l’ouverture de la porte nous paraîtra évidente puisque nous ne serons pas encombrés par notre moi, cet ego qui nous aveugle et nous rend sourd à nos frères humains. Mais au contraire, joyeux déjà de pouvoir contribuer au bonheur de ceux qui nous entourent, en « redressant les mains inertes et les genoux qui fléchissent » (2de lecture).


-Alors, la troisième bonne nouvelle, c’est que c’est Jésus lui-même qui nous tient la porte, cette porte qu’il a lui-même ouverte par sa résurrection en déchirant le rideau de la mort. Et même, comme il le dit dans St Jean, la porte, c’est Lui. Il faut donc pour entrer dans la Vie, le connaître lui le Christ (connaître au sens fort, c’est-à-dire une relation vraie et profonde). Il ne servira à rien de dire : « Nous avons mangé et bu en ta présence, tu as enseigné sur nos places… »  Il faut vivre comme Lui, tourné vers son Père et vers les autres. Le catéchisme, les communions, et même la messe (manger et boire en Sa présence), cela ne suffit pas. Il faut vivre le Christ, devenir le Christ. Alors la porte s’ouvre d’elle-même.



-Et enfin, dernière bonne nouvelle, s’il est vrai qu’il y aura des surprises, que des premiers seront derniers et que des gens à qui on ne s’attendait pas seront admis aux premières places, Jésus nous dit quand même – et c’est aussi vraiment une bonne nouvelle ! – qu’ils seront nombreux à venir de l’Orient et de l’Occident, du nord et du midi, « les rescapés des nations » comme les appelle Isaïe (1è lecture). Ces mêmes nations (donc les païens, ceux qui ne connaissent donc pas la foi), le Seigneur les rassemblera et elles verront sa gloire. « Car je (Dieu) connais leurs actions et leurs pensées », dit Isaïe. Dieu ne met pas de limite de race, d’origine et même de croyance à son salut, ce qui compte ce sont les actions et les pensées qui doivent être justes, ajustées : « produire un fruit de paix et de justice » (Héb 12,11).

En résumé, Jésus n’affirme pas le petit nombre des sauvés, mais le sérieux de l’existence humaine ! Parce que de fait, nous avons besoin de mettre toutes nos forces pour atteindre ce but (agōnizomai). Il veut nous responsabiliser. Nous rendre libres, autonomes.


Pour conclure, je vous livre cette méditation de Barbara Fleischmann, auteure suisse :


« Nous voici donc face à deux voies : Une porte étroite d’un côté, et une large voie de l’autre. Concrètement, qu’est-ce que tout cela veut dire ?

La voie étroite est celle qui est de prime abord difficile. Au contraire, la voie large est celle qui apparaît comme facile. Dans les faits, la voie du mal toujours large, facile et agréable à parcourir (au début). Au contraire, la voie du bien apparaît toujours comme étant étroite, dure et fatigante !

Ici il faut faire attention à ne pas tomber dans une tentation ordinaire qui est d’imaginer que le chemin large l’est jusqu’au bout et que le chemin étroit l’est également jusqu’à son terme ! Un peu comme si tout allait toujours merveilleusement bien pour les méchants et qu’en revanche tout va toujours de travers pour les gentils.

La voie des impies est large, effectivement, mais attention : seulement au début ! Plus on avance dans cette voie du mal, dans la large voie de la perdition, plus elle devient étroite et amère.  Voyez bien : la voie large devient très étroite car à la fin elle se termine dans une impasse. Les plaisirs qu’elle procure ont comme caractéristique de diminuer au fur et à mesure qu’on les goûte, et provoquent finalement de la nausée et de la tristesse. On constate tout cela facilement dans certains types de désordres (comme ceux la drogue, l’alcool ou le sexe). Il faut une dose de plus en plus grande pour produire un plaisir de la même intensité, jusqu’à ce que l’organisme ne réponde plus et c’est alors l’effondrement, souvent physique et psychique.

Au contraire, la voie des justes est étroite au début, lorsqu’on s’y engage, puis elle devient une voie spacieuse ; on y trouve l’espérance, la joie et la paix du cœur. La voie du mal est large, mais elle finit en une impasse mortifère. Au contraire la voie du bien est étroite, mais elle s’élargit à mesure que l’on y avance. »


Notre liberté a quelque chose de grave, vous ne trouvez pas ?  La vie de l’homme est une affaire sérieuse. Non, la vie chrétienne n’est pas un fauteuil ! Ni une chaise ou un banc d’église. C'est un combat, pour continuer d'aimer et de servir ...comme Lui.

+ + +

Merci Seigneur de ne pas nous dire combien de temps il nous reste, ni combien seront sauvés. Ce n’est pas important de le savoir. Ce qui est important c’est que tu nous aimes, et que tu veux nous aider à trouver salut.
L’important est que ton amour prenne patience et que tu sois miséricordieux. J’ai confiance en toi, tu veux nous aider par tout son amour et de toute ta grâce à franchir la porte étroite.
Avec Toi Seigneur, tout devient possible !  Amen.



Commentaires

LES HOMELIES - ANNEE C (2024-2025)

LES HOMELIES - ANNEE B

LES HOMELIES - ANNEE A