C DIM 34 CHRIST-ROI - Dérision
Dérision.
Ils tournaient Jésus en dérision.
C’est ainsi
que le fils de Dieu a été traité, condamné à une mort ignominieuse par les
puissants de son époque et livré à la moquerie des uns et au regard passif du
peuple qui « restait là à observer » (Luc 23,35).
Ne revit-on
pas la même chose aujourd’hui, à 21 siècles de distance ?
Alors que
les puissants de ce monde sont en train de chercher par tous les moyens à
accroître leur richesse, leurs territoires, leur influence, quitte à se faire
la guerre où à la préparer, sans aucun égard à la vie humaine qui compte à
nouveau pour rien et pour la vie de la planète tout court, j’ai l’impression que,
comme au temps de Jésus, « le peuple reste là à observer » ! –
se détournant même des informations dérangeantes que des médias honnêtes
persistent à diffuser. "Du moment que ce n’est pas chez nous ! Du moment
que ce n’est pas nous qu’on prive de ses droits et de sa dignité, qu’on
maltraite, qu’on jette en prison… qu’on assassine."
Ce qui nous
intéresse bien davantage, c’est qu’on ne touche pas à notre pension, à notre
niveau de vie, notre pouvoir d’achat. Pour cela, nous sommes prêts à descendre
dans la rue. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, mais n’y a-t-il pas
aussi d’autres combats, d’autres enjeux… pour défendre les crucifiés d’aujourd’hui.
Protéger l’avenir des enfants. Et empêcher les maîtres de se faire rois. « No
King », scandaient les adversaires de Donald Trump.
« Le peuple restait là à observer ». Cette phrase me fait mal. Parce que je
fais aussi partie de ce peuple ; plus encore, je suis un des disciples,
apôtres, qui comme par hasard ont disparu au moment où l’on menait le Christ au
gibet.
Et puis, il
y a aussi tous ceux qui se moquent, qui ne respectent que la force, le
prestige, les moteurs de Ferrari ou de Porsche gonflés à bloc. Qui n’admirent
que la richesse, le luxe et son étalage et ne se satisfont que d’en avoir
davantage. Ceux-là se moquent bien des va-nu-pieds d’aujourd’hui. Et
franchement, de Jésus, qu’est-ce qu’ils en ont à faire ? Jouir, c’est tout
ce qui les intéresse. Si au moins ce Dieu se montrait puissant, se faisait
respecter… mais non ! Il est aussi impuissant que le plus petit ver de
terre, et nu comme lui. Si c’est ça, Dieu, alors franchement, quelle utilité aurait-il
pour moi ? Qu’il se sauve lui-même ! Et le monde avec…
Et moi, n’ai-je
pas parfois une relation utilitaire avec Dieu, le Christ ; est-ce que je
ne l’instrumentalise pas par exemple pour mes propres projets ?
En fait, c’est
là que je commence tout doucement, insensiblement sans m’en rendre compte, à me
faire roi. Ce n’est plus Lui, Jésus, qui est au centre, c’est moi. Aïe aïe !
Les rois de
ce monde sont nombreux, très nombreux. Il n’y a pas que les princes, les
grands, présidents ou autres chefs d’Etat ; beaucoup d’humains sur cette
planète vivent en roitelets, seigneurs de leur propre vie, ou rêvent de l’être. Cela
pourrait être risible, jusqu’au moment où ils essayent d’imposer cette « royauté »
aux autres et les manipuler pour les contraindre à obéir à leurs lois. Non
seulement ils se moquent des faibles, mais ils les utilisent à leur profit. Or,
si on se moque des pauvres, des personnes fragiles, on se moque de Dieu. Et
cela, Dieu ne l’oublie jamais !
Donc, en
cette fête appelée bizarrement « fête du Christ-Roi de l’univers »,
on nous offre ce passage de la Passion selon saint Luc où nous voyons d’une
part Jésus, désigné « roi des Juifs » par Pilate, impuissant sur la
croix, tourné en dérision, objet de mépris et d’insultes, et d’autre part, par
contraste, la folie de toute-puissance qui agite le monde et le mène aujourd’hui comme
au temps de l’empire romain – mais peut-être encore pire, car il ne semble plus
avoir de limites à l’ubris humain !
Mais Jésus
ne parlait-il pas tout le temps du Royaume, pourtant ?
Certes. Mais
ce Royaume, celui de Dieu, n’est pas de ce monde, précisément. C’est là que
se situe le grand malentendu. Il n’est pas compatible, ce Royaume que prêche
Jésus, il n’est pas soluble ou assimilable par les royautés humaines qui se
font servir sans se mettre elles-mêmes au service de ceux que l’on considère
comme inférieurs, les sans-titres.
Ces deux logiques apparaissent paroxistiquement dans le texte d’évangile d’aujourd’hui. Deux conceptions de la royauté : d’un côté, le Royaume de Dieu, celui dont ne cessait de parler Jésus, Royaume où les petits, les humbles, les pauvres sont les premiers, un royaume d’amour qui bat au rythme du cœur de Dieu ; et, de l’autre côté, les empires ou royaumes humains tous confondus : empires politiques, financiers, militaires, technologiques, commerciaux…, où les gens ne sont que des rouages, des pions interchangeables et sans valeur au service des maîtres.
Ces deux
logiques s’opposent donc frontalement, et on a l’impression que c’est celle de
la force pure qui gagne et est vainqueur lors de la mort du Christ. Ceux qui
ont éliminé ou réduit au silence leur opposition, parfois en faisant
massacrer leurs contestataires plutôt que de les entendre, ceux qui ont masqué leurs méfaits contre
la planète par des campagnes de désinformation ou en noyant sous les lobbies et
l’argent les protestations des défenseurs de l’environnement..., tous ceux-là
peuvent aussi se dire : « C’est gagné. La raison appartient au
plus fort. »
Mais, il y
a aussi celui qu’on appelle « le bon larron » - le "voleur de paradis" comme on l'a surnommé - et qui n’était sans doute pas
aussi bon que cela, un condamné de droit commun.
Lui, et lui
seul a pris la défense de Jésus : « Il n’a rien fait de mal. » Il ne s’est
pas tu, contrairement au peuple qui observait sans rien dire.
Et il a fait
une seule prière : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras
dans ton Royaume. » Je voudrais aussi faire cette prière le jour de ma
mort : C’est la plus humble que je connaisse. « Souviens-toi de
moi » : ne te souviens pas de mes mérites, je n’en ai pas. Tout
est grâce et m’est venu par toi. « Souviens-toi de moi » :
ne te souviens pas de mes péchés, ils ne comptent pas à tes yeux car ce que tu
regardes, c’est l’amour seul qui a pris chair dans ma vie. « Il lui sera
beaucoup pardonné parce qu’elle (il) a beaucoup aimé. » (Luc 7,47). « Souviens-toi
de moi », car j’ai pu à certains moments être ton compagnon de souffrance
et de soutien, au travers de mes frères malades, handicapés ou rejetés.
Oui,
Seigneur, « souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Car ton Royaume, il vient. Il est déjà là, dans le cœur des tout-petits que
nous essayons d’être. Et c’est lui qui triomphera, qui a déjà tout gagné alors
que s’agitent les roitelets de ce monde, car le Père qui t’a relevé des morts a
témoigné que l’AMOUR seul est ROI, et qu’il est vainqueur pour toujours.
Oui, d’une
certaine façon, même s’il doit y avoir encore pas mal de souffrances et d’épreuves,
de luttes pour la justice et la vérité, ainsi que tu nous en as avertis, si
nous restons avec toi jusqu’au bout DANS L’AMOUR, aujourd’hui nous
sommes déjà dans le Paradis ! Amen.
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