C DIM 17 - Frappez et on vous ouvrira
« Frappez et l’on vous
ouvrira » : comment
interpréter cette phrase de Jésus ? Quel sens peut-elle avoir pour nous ? Essayons d’y voir plus clair…
On est bien d’accord, le
contexte est celui d’un enseignement où Jésus répond à la demande des
disciples : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste
l’a aussi appris à ses disciples ». 
-D’abord, en premier lieu, Jésus
leur donne les paroles de ce qui sera appelé la prière du « Notre
Père » ; 
-ensuite, il leur raconte la
parabole de l’ami importun qui finit par obtenir ce dont il a besoin à cause de
son sans-gène ;
-et enfin, il leur donne
quelques conseils sur la nécessité de prier sans se décourager, en prenant pour
exemple les relations père-fils pour mettre en avant la générosité surabondante
de Dieu le Père. C’est dans cette partie que nous trouvons les phrases : « Demandez,
on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; et frappez, on vous
ouvrira. » 
Ces sentences peuvent nous
paraître énigmatiques : elles n’ont pas d’objet. Qu’est-ce qu’on doit
demander ? Que faut-il chercher ? - et surtout la dernière :
« frappez et l’on vous ouvrira ». Cette phrase manifeste une
sorte de générosité bienveillante : celui qui frappe à la porte sera
immédiatement accueilli. 
Mais de quelle porte s’agit-il ?
Qui donne l’entrée ? Que peut bien se trouver derrière cette porte ? 
Mes chers frères et sœurs, je
suis sûr qu’en tant que chrétiens, disciples du Seigneur, vous essayez de prier
le mieux et le plus possible. J’espère que vous y arrivez - peut-être mieux que
moi, chacun fait ce qu’il peut comme il est, avec ce qu’il est bien sûr.  Au séminaire, on a essayé de nous apprendre
un certain nombre de techniques de prières, d’attitudes corporelles, mentales,
d’inculquer des habitudes aussi, en s’appuyant sur des textes ou des exemples
inspirés des grands priants. Cela est bien utile, sans aucun doute. 
Mais aujourd’hui, je suis
persuadé que le problème de la prière, c’est moins de savoir comment et de
quelle manière formuler nos demandes ou nos attentes, que de
connaître notre vrai désir, ce que nous cherchons au plus profond de nous-mêmes.
« Vous ne savez
pas ce que vous demandez »,
avait déjà rétorqué Jésus à Jean et André une autre fois.
Savons-nous au fond
ce que nous cherchons vraiment quand nous prions ? – ce qui revient à
la question du ‘pourquoi la prière’.
Pour cela, il nous faut sortir
de notre mentalité de marchands de tapis ou de quémandeurs qui essayent de
marchander avec Dieu - un peu comme nous le voyons faire par Abraham dans la
première lecture, mais lui au moins ne priait pas pour lui-même mais pour
intercéder en faveur des habitants de Sodome menacés de destruction. 
Le marchandage avec Dieu est
depuis toujours une tendance profondément ancrée chez les humains, mais c’est au fond du paganisme. « Ne rabâchez pas comme les païens, ils s’imaginent que
c’est à force de paroles qu’ils seront exaucés. Ne les imitez pas : votre
Père sait ce dont vous avez besoin. » (Mt 6,7-8). L’idée qui est
souvent derrière ce que dénonce Jésus me semble être celle de convaincre Dieu
d’obéir à nos ordres. C’est de la superstition de croire qu’en faisant
telle ou telle prière exactement de telle ou telle façon, on peut influencer
Dieu ; ou pareillement en lui promettant en échange de faire telle action,
de lui offrir tel sacrifice, telle pénitence. Cela vient du lointain passé où,
dans les religions primitives, il fallait se concilier les bonnes dispositions
des divinités ombrageuses qu’on apaisait par des rites et des offrandes afin
d’obtenir certains bienfaits (la pluie, une bonne chasse, etc.). Cela n’a pas
totalement disparu de notre mentalité. 
N'est-ce pas faire de Dieu, non
pas un Père, mais un distributeur automatique comme ces machines qu’on trouve
dans les halls de gare ou d’hôpital et dans lesquelles il suffit de mettre la somme
indiquée pour obtenir son sandwich ou sa boîte de coca ? 
Si Dieu sait ce sont
nous avons besoin – avant même que nous ne l’ayons demandé, précise Jésus, alors pourquoi prier ? À quoi
bon ?
Eh bien tout
simplement pour entrer en relation avec lui. Une relation filiale. Je pense à lui comme à mon Père, et lui pense à
moi comme il le fait toujours, il me pense – et c’est cette pensée qui
me fait être dans l’existence – en voyant en moi un fils. Son fils bien-aimé,
ainsi qu’il regarde Jésus. 
En fait, quand Jésus nous invite
à frapper à la porte, c’est pour chercher-demander « l’unique
nécessaire » comme dans l’évangile de dimanche dernier, celui de
Marthe et Marie. Qu’est donc cet « unique nécessaire », sinon Dieu
lui-même et son Esprit ?  Celui
qui a Dieu, a tout ! « Dieu seul suffit », disait sainte Thérèse
d’Avila à ses filles du Carmel. « Solo Dios, basta ! »
Le reste n’est que futilités. Ou
parfois même, de « mauvaises choses » qu’il n’est pas intéressant de
demander ou qui pourraient à terme nous éloigner de Dieu comme la richesse, une
vie sans problèmes, la réussite sociale… Demander certaines choses comme la
santé, par exemple, serait par contre une bonne chose qu’on peut demander à Dieu,
à condition que ce soit pour que nous puissions mieux servir Dieu et nos
frères. 
Demander des choses
particulières non pas pour soi-même mais pour les autres comme fait Abraham
dans la 1ère lecture et comme nous le faisons chaque dimanche à la
messe dans la prière universelle, est également bien accueilli par le Seigneur,
pourvu qu’on ne lui inflige pas des listes interminables où on explique à Dieu ce
qu’il doit faire et comment il doit le faire...!
En nous enseignant le « Notre
Père », c’est vers Lui, vers Dieu son Père et notre Père que Jésus
nous invite à être tournés en premier lieu : Être en Sa présence.
Le louer et sanctifier Son nom en demandant que Sa volonté soit faite de
préférence à la nôtre. Et puis, en second temps, lui présenter notre
faiblesse et nos manques de façon globale puisqu’il les connaît, comme un pain,
une manne à recevoir chaque jour de Sa main. Enfin, dans la lutte contre
le mal, demander Son pardon et Sa force pour ne pas se laisser entraîner dans
la tentation. Appeler la délivrance finale. 
Voilà : cette prière est un
condensé qui nous met d’emblée dans la bonne attitude, si bien sûr nous pensons
un tant soit peu à ce que nous disons au lieu de la réciter mécaniquement. 
Si dans la parabole de l’ami
importun Jésus semble nous suggérer de pratiquer le même sans-gêne avec
Dieu (considéré comme un ami ! ce n’est pas rien !), ce n’est pas
pour que nous lui cassions les pieds ou les oreilles en l’assaillant de multiples
demandes intempestives, mais avant tout, je crois, pour qu’en entrant dans
cette familiarité toute simple avec le Seigneur nous développions cette
confiance des enfants qui sont sûrs que leur papa ou leur maman ne peut leur
donner que de bonnes choses. Je pense à certains saints comme Don Bosco,
Thérèse de Lisieux, Mère Teresa etc. qui osaient demander avec une foi totale
des choses incroyables au Seigneur – pas pour eux mais pour le bien des autres,
et qui étaient exaucés ! Par exemple Thérèse, de sa cellule du Carmel
avait demandé avec insistance la conversion d’un condamné à mort nommé Henri
Pranzini, qui avant d’être exécuté a finalement voulu embrasser un crucifix, ce
qu’elle a interprété comme une confirmation de la puissance de la prière pour
le salut des âmes.
Est-ce que nous ne nous
décourageons pas trop vite lorsque nous nous adressons à notre Papa du ciel qui
ne veut pas autre chose que le bonheur de ses enfants ? – Le bonheur selon
les Béatitudes, bien sûr, pas n’importe lequel !
Enfin, je voulais dire à la
suite de Marie-Noëlle Thabut que Jésus n’a pas, en fait, « inventé »
le Notre Père même si cela peut nous surprendre : tous les mots
viennent de la liturgie juive (Père, nom, saint, règne, pain, péchés,
tentations...). Il n’a fait que les assembler mais à sa façon en un ordre et
une correspondance entre eux qui fait que ces mots nous enseignent le
langage même de Dieu. Comme dit Marie-Noëlle, « toutes proportions
gardées, on peut comparer cette leçon à certaines méthodes d’apprentissage des
langues étrangères : elles nous invitent à un petit effort quotidien, une
petite répétition chaque jour et, peu à peu, nous sommes imprégnés, nous
finissons par savoir parler la langue ; eh bien, si nous suivons la méthode
de Jésus, grâce au Notre Père, nous finirons par savoir parler la langue de
Dieu - dont le premier mot, apparemment, est « abba », papa en araméen.
N’est-ce pas extraordinaire,
cette pédagogie ? Apprendre à parler la langue de l’autre, c’est savoir
entrer en relation avec lui. 
Voilà pourquoi il
faut frapper à la porte : c’est
parce que derrière elle se trouve un Ami merveilleux qui, si nous le cherchons
avec tout notre cœur, peut et veux nous combler bien au-delà de ce que nous
pouvons demander… Et la porte, c’est ce point de passage décisif au centre
de notre propre cœur où nous renonçons à nos désirs égoïstes et mesquins pour
devenir « chercheur de Dieu », de l’unique Nécessaire, et nous
attacher à Lui avec des liens filiaux de confiance et d’amour.
Celui qui frappe à cette porte
le fait parce qu’il ressent en lui un authentique désir de comprendre et de se
raccrocher au Tout qui est Dieu, de s’abandonner à Lui et à sa très sainte
volonté. 
Le porte ne s’ouvre que parce
qu’on le désire ardemment ; elle se dérobe à ceux qui ne manifestent pas
l’intention de s’élever et d’entrer dans un cœur à cœur avec le Seigneur. Prions-le
encore comme Jésus lui-même l’enseigne à ses disciples :
« Notre Père
qui es aux cieux… »
en chantant (vidéo) :
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