C SAINTE FAMILLE - Y a plus d'saison !
















Vous connaissez le proverbe : « Noël au balcon, Pâques aux tisons » ? Cela veut dire que les saisons sont inversées du point de vue des températures. Cela arrive parfois. Les gens sont d’ailleurs de plus en plus déboussolés : on trouvait déjà des galettes des rois dans les commerces alors que la Toussaint venait juste de passer…

Alors, ici, c’est un peu pareil. Y a plus de saison ! On vient de fêter Noël, on est dans le temps de Noël, et on a l’impression à première vue que l’évangile de ce dimanche vient pour nous flanquer une douche froide !

Comment ! On est encore dans la douce chaleur de cette ambiance merveilleuse de Noël, de la joie des familles qui se sont retrouvées pour partager des moments conviviaux en oubliant quelques instants les soucis quotidiens, et voilà que pour célébrer la « sainte famille » on nous balance la disparition de Jésus, un gosse à peine âgé de douze ans – évaporé dans la nature !


Pas besoin de faire un dessin pour comprendre et ressentir l’angoisse des parents qui vivent une telle situation, un tel drame : Où est-il ? Que lui est-il arrivé ? accident, enlèvement, mauvaise rencontre… ? Toutes ces questions, ces conjectures se bousculent dans la tête des parents saisis de panique, torturés d’angoisse…

Eh bien, cette angoisse-là étreint chaque année des centaines de familles qui découvrent la fugue d’un de leurs enfants ou ados. Et cela arrive chez des enfants de plus en plus jeunes, disent les statistiques. Et presque toujours, les parents culpabilisent : « Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que je n’ai pas fait pour que ça arrive ? »

On comprend la réaction de Marie qui sonne on dirait un peu comme un reproche après ces trois jours d’angoisse et de recherche : « Mon enfant – ça c’est le rappel du lien affectif qui les unit – mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? (elle dit l’incompréhension) : Vois comme ton père et moi nous avons souffert en te cherchant ? » (elle expose simplement la conséquence douloureuse de cette fugue pour le couple parental).

Ce n’est quand même pas trop violent comme interpellation ! Sûr que pour d’autres géniteurs, cela doit se passer plus sèchement, voire avec une taloche – surtout à cette époque… La douceur de Marie est en fait désarmante. On comprend d’autant moins la réponse de Jésus qui frise l’insolence : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? » (Ben tiens !) « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »


Là c’est quand même le comble, et même la honte pour Joseph (« je dois être chez mon Père »). Franchement, qu’est-ce qu’ils ont pu comprendre ?...

Pourtant, Luc rapporte qu’ensuite, leur enfant si bizarre retourna avec eux à Nazareth, et « il leur était soumis ». Et Marie, elle, gardait dans son cœur tous ces événements en les méditant. Marie remet toujours toutes choses dans le tamis de sa foi, de sa confiance en Dieu à qui elle s’est totalement livrée par son oui.

Quelle signification peut avoir pour nous cet épisode familial a priori désarçonnant, surtout concernant un enfant qui par définition aurait dû être encore plus sage qu’un ange, au moins selon l’idée que nous nous faisons couramment de la sainteté du Christ ?


Eh bien, quitte à vous surprendre, je pense qu’ici, sous la plume de Luc, ce n’est pas de Noël qu’il parle mais de Pâques.



Vous ne me croyez pas ? Prenez l’épisode des pèlerins d’Emmaüs, toujours de la plume de Luc, cette rencontre qui a lieu le soir même de Pâques (Lc 24,13-35) :

-   *     Si vous avez bien entendu, la scène d’aujourd’hui se déroule à Jérusalem et Luc fait référence à la fête de Pâque. On cherche Jésus sur le chemin, et on le retrouve au bout de trois jours « auprès de son Père » c-à-d au Temple.

-     *   Dans l’épisode d’Emmaüs, deux disciples reviennent de Jérusalem le soir de la Pâque, Jésus est mort depuis trois jours et son corps a même disparu. On l’a cherché au tombeau mais on ne l’a pas trouvé.

-       * Les deux compagnons font route sur le chemin, ce fameux chemin qui représente la recherche de sens de foi et où le Ressuscité les accompagnera pour se révéler enfin à eux (leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent comme quand Marie et Joseph retrouvent leur enfant).

-       * De même, les paroles de Jésus sur le chemin réchaufferont le cœur désormais brûlant des disciples d’Emmaüs, comme les paroles de l’enfant feront s’extasier les docteurs de la loi qui écoutent ses réponses au Temple.

-       *  Et comme Jésus se tient au milieu des docteurs de la Loi, Jésus se tiendra le même soir au milieu des disciples enfermés au cénacle, leur expliquant qu’il doit monter auprès du Père.



Le parallèle est frappant : la disparition « fugue » de Jésus est, pour Luc, l’anticipation ou annonce de la Résurrection et de la glorification auprès du Père.


=>Que peut nous enseigner pour notre propre vie chrétienne ce récit de la disparition de Jésus et les liens que Luc établit avec les évènements de Pâques ?


Luc écrit pour des chrétiens qui croyaient au retour prochain du Christ. L’absence du Maître qui se prolongeait les faisait souffrir, d’autant que des persécutions commençaient tant de la part des Juifs que des Romains. Ils se posaient donc la question du pourquoi de cette absence, au milieu de leurs tribulations et de leurs épreuves. Luc, en fait, leur explique en même temps que, pour Jésus, il lui fallait être auprès de son Père, donc séparé physiquement d’eux, mais en même temps aussi qu’il les accompagne désormais sur le chemin de leur vie, comme ce compagnon mystérieux dont les paroles redonnent sens aux événements et réchauffent les cœurs, et qui se révélera à eux enfin tout au bout du chemin dans la lumière pascale.


Vous voyez que Noël, c’est déjà Pâques ; ou plutôt c’est Pâques et la Résurrection qui est la clé ‘pascale’ qui nous permet de déchiffrer les angoisses, les deuils, les absences et séparations qui jalonnent notre parcours sur terre et qui nous font tant souffrir. Il faut pour cela, comme Marie, s’asseoir et méditer comme elle qui stockait toutes ces informations sur son disque dur en attendant de pouvoir relire tous ces événements à la lumière de la Résurrection du Christ… ce que nous avons, nous, la chance de pouvoir faire dès maintenant puisque nous avons la clé.

En somme, l’évangile de ce jour nous dit : Ne cherchez pas en arrière, mais regardez devant, vers Celui qui est vivant. Ne t’épuise pas à faire la liste des occasions manquées, des oublis, des conflits, des pertes... Crois seulement qu’un avenir t’est offert, t’est ouvert. « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin de monde. » Amen ! Gloire à toi Seigneur !







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