C DIM 05 - Avançons au large !
Il y avait un homme qui débarqua un jour dans une petite épicerie isolée dans un coin perdu d’Ardèche pour se ravitailler. Il n’avait pas l’air d’un randonneur, un peu trop bien habillé pour cela – à part ses souliers de marche. Il demanda à l’épicier s’il pouvait s’installer dehors, sur le banc, pour manger. L’épicier le lui permit volontiers et intrigué, s’assit près de lui pour entamer la conversation et lui demander ce qu’il faisait sur ce chemin. L’homme lui répondit alors qu’il venait de Milan en Italie, où il était allé pour affaires, c’était un biznessman qui avait réussi et qui avait engrangé des fortunes. Or, là-bas, à Milan, une de ses relations de travail lui a proposé de racheter sa voiture de sport avec laquelle il était venu en Italie. C’est alors que s’est produit en lui un déclic. Tout à coup, il a senti que c’était pour lui l’occasion de faire quelque chose qu’il n’aurait jamais fait auparavant. Alors, sans plus réfléchir, aussitôt, il a accepté, il a donné les papiers de la voiture au type, il s’est acheté une paire de chaussures de randonnée et il a pris le chemin du retour… à pied !
En fait,
il s’est rendu compte qu’il avait atteint tous ses buts, mais que ses succès et
ses réalisations lui avaient laissé un sentiment de vide. Il avait pourtant
tout pour être heureux, de l’argent, une situation sociale, et même une famille,
des enfants qui avaient tous fait l’université… Mais peu à peu, il s’est
demandé si celui qu’il était devenu à force de travail et d’efforts, était
vraiment celui qu’il était véritablement au fond de lui-même. Finalement,
il n’avait plus aucune envie, aucun but qui lui tenait à cœur… Comme cela peut
nous arriver parfois à nous peut-être, quand nous nous demandons finalement
pour quoi, pour qui nous nous levons le matin ?
C’est
alors, quand cet événement imprévu est arrivé dans sa vie avec la proposition de
vendre sa voiture, qu’il décida d’un coup de « prendre le large »,
comme on dit, une expression qui vient du monde des marins. Et de marcher pour
réfléchir à sa vie et lui donner un autre sens. Se retrouver lui-même en éliminant
de sa vie tout ce qui ne sert à rien, pour choisir de faire ce qui le rend
véritablement heureux… sans savoir d’avance où cela le conduira. (1)
Cette histoire me rappelle une autre que j’ai vécue sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Un jour, à une étape, je rencontrai un pèlerin venu du Mexique. En causant, il me raconte qu’il fait le ‘camino’ pour essayer de comprendre son fils et le choix de vie qu’il désirait et qui ne correspond pas du tout à ce que lui, le père, homme d’affaires, aurait voulu pour ce fils qui voulait entreprendre une carrière d’artiste. Être artiste, disait le papa, ce n’est pas un métier ! ils ont eu beaucoup de discussions houleuses à ce sujet, et le père lui avait même coupé son soutien financier. Mais le fiston s’obstinait dans sa vocation. Alors, en désespoir de cause, et parce qu’il ne voulait pas couper les ponts avec son fils, le père décida de faire le chemin de Compostelle pour réfléchir et rechercher un sens à tout cela… Arrivé comme moi tout près de Santiago, après des centaines de km, il me disait que, maintenant, non seulement il comprenait grâce au chemin et aux rencontres qu’il avait faites que la vie pouvait avoir un autre sens que celui qu’il lui avait donnée, mais aussi que lui-même avait été changé par cette expérience et qu’il allait vivre différemment en rentrant. Cette « mise au large » lui avait permis de comprendre son fils, et d’oser faire ce qu’il n’avait jamais fait. Bien sûr, me disait-il, il avait décidé également de financer les études artistiques de son gamin...
Voilà deux histoires qui peuvent nous aider à comprendre cette parole de Jésus qui est une invitation pour chacun de nous : « Avance au large ». Cette parole m’a toujours interpellée et elle m’interpelle encore aujourd’hui. Elle a pu quelquefois changer ma vie.
Quelquefois,
nos vies peuvent être étriquées, rétrécies, par manque d’audace et de décision
pour saisir le moment où tout peut basculer, prendre une orientation qui nous
rapproche de ce pour quoi nous sommes faits chacun et nous construire autrement
que selon les diktats et les normes de notre entourage ou de la société. On
peut se perdre soi-même (ce vrai moi inconnu) en restant au bord de la vie, en
cabotant le long des côtes connues au lieu de se risquer au large, là où
souffle le vent de l’Esprit.
Notre
époque, hélas, j’en ai l’impression, fait de nous de plus en plus des gens
timorés, des gens qui ont peur et ne veulent pas prendre de risques. On veut
être assuré pour tout. La vie doit être tracée comme du papier à musique.
C’est
vrai dans tous les domaines, et bien sûr aussi dans la vie spirituelle. Combien
de chrétiens ne se contentent-ils pas d’être baptisés, d’avoir fait leur
communion et d’aller de temps en temps à la messe, en attendant d’être enterrés
à l’église ? Accomplir des rites est autre chose que de laisser le Seigneur
Jésus monter dans ma propre barque, ma propre vie, et me donner ses ordres :
« Avance au large ! » « Jette ton filet ici, là ! »
…
Chaque fois que j’ai laissé Jésus monter dans ma barque alors que j’étais pépère bien en sécurité au bord du lac à m’occuper de mes affaires - mes filets, comme Simon et ses ouvriers, chaque fois qu’il s’invitait sans crier gare dans mon frêle esquif - au travers des événements et des appels reçus, il a donné des impulsions à ma vie qui m’ont fait petit à petit comprendre qui je suis et ce pour quoi j’étais fait. Et progressivement, il m’a donné l’audace d’avancer au large, d’affronter l’inconnu avec confiance, pour une pêche inattendue, une fécondité que je n’aurais pas imaginée – et qui se réalisait alors que les moyens humains – mes moyens - sont très limités, preuve que cela ne venait pas de moi. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai plus peur de la haute mer et que je ne suis jamais tenté de revenir vers le rivage rassurant de mes certitudes, et de dire à Jésus : « Eloigne-toi de moi Seigneur car je suis un homme pécheur » ! … L’Evangile est là, frères et sœurs, pour toujours nous relancer dans la foi, ranimer l’espérance et l’audace quand elles sont défaillantes : La pêche miraculeuse, ce n’est pas un truc du passé, c’est une promesse d’avenir, des centaines et des milliers de pêches miraculeuses pour nous et pour l’Eglise si elle veut bien prendre le large au vent de l’Esprit et oser lancer les filets où le Seigneur l’ordonne !
Frères et
sœurs, une question pour terminer : -Vous souvenez-vous de quand vous avez laissé Jésus
monter dans la barque de votre vie pour la première fois ? Et quelles
autres fois ?
-Quand
ai-je eu l’envie – l’audace d’oser prendre un risque pour le Seigneur ?
-M’arrive-t-il
de rêver d’avancer au large, d’entreprendre des choses nouvelles et de réaliser
ce que je suis vraiment ?
Oscar
Wilde a écrit : « Les folies sont les seules choses que l’on ne
regrette jamais. »
Et Isaïe :
« Moi, je serai ton messager. Envoie-moi ! » (Is 6,8)
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(1) Cette histoire est tirée de la BD « Le jour où le bus est reparti sans elle » de BeKa et Marko, Bamboo édition . Ce projet inédit de récits d’accomplissement personnel en BD est une idée originale d’Olivier Sulpice, le président de Bamboo. Les BeKa (Bertrand Escaich & Caroline Roque) et Marko signent ces récits initiatiques d’exception, le tout relevé d’une pointe d’optimisme, pour des albums qui font du bien ! « Le jour où… » est une série de feel good books, il s’agit d’histoires qui aident à se sentir mieux, plus épanoui, à trouver des ressources pour appréhender la vie et ses difficultés. En d’autres termes, à voir la vie autrement…
VIDEO : JE CONNAIS DES BATEAUX (cliquez sur l'image)
Chanson
de Mannick : Je
connais des bateaux
Je
connais des bateaux qui restent dans le port
De peur que les courants les entraînent trop fort
Je connais des bateaux qui rouillent dans le port
À ne jamais risquer une voile au dehors
Je
connais des bateaux qui oublient de partir
Ils ont peur de la mer à force de vieillir
Et les vagues, jamais, ne les ont séparés
Leur voyage est fini avant de commencer
Je
connais des bateaux tellement enchaînés
Qu'ils en ont désappris comment se regarder
Je connais des bateaux qui restent à clapoter
Pour être vraiment sûrs de ne pas se quitter
Je
connais des bateaux qui s'en vont deux par deux
Affronter le gros temps quand l'orage est sur eux
Je connais des bateaux qui s'égratignent un peu
Sur les routes océanes où les mènent leurs jeux
Je
connais des bateaux qui n'ont jamais fini
De s'épouser encore chaque jour de leur vie
Et qui ne craignent pas, parfois, de s'éloigner
L'un de l'autre un moment pour mieux se retrouver
Je
connais des bateaux qui reviennent au port
Labourés de partout mais plus graves et plus forts
Je connais des bateaux étrangement pareils
Quand ils ont partagé des années de soleil
Je
connais des bateaux qui reviennent d'amour
Quand ils ont navigué jusqu'à leur dernier jour
Sans jamais replier leurs ailes de géants
Parce qu'ils ont le cœur à taille d'océan
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