C TOUSSAINT - à bas la perfection !

 


TOUSSAINT…

Fête à la fois de tous les Saints, qui existe depuis le 7è siècle (instituée par le pape Boniface IV en 610, déplacée du 13 mai au 1er novembre par un de ses successeurs, Grégoire III).

Que signifie-t-elle pour nos contemporains ? Le fait est que la célébration du jour des morts qui a lieu le lendemain, ç-à-d le 2 novembre (instituée elle au Xè S par Odilon de Cluny), a largement pris le pas sur la fête des Saints au point que l’Eglise a dû s’adapter en bénissant les cimetières et restituant les croix des défunts au matin même de la fête de la Toussaint. Le 2 novembre a en quelque sorte mangé le 1… Un nouveau glissement s’est encore opéré dans la jeunesse surtout, avec l’arrivée de la fête d’Halloween venue d’outre-Atlantique.



Notre époque n’accorde d’ailleurs pas un grand crédit à ces personnages dit « Saints », alors que jadis ils étaient très populaires, invoqués autant sinon plus que Dieu lui-même. Et on leur trouvait plein d’utilités : l’un retrouvait les objets perdus, l’autre calmait les rages de dents, un autre encore veillait sur les moissons, faisait la pluie et le beau temps, d’autres patronnaient les jeunes accouchées ou empêchaient les convulsions du nourrisson… Bref, toute une panoplie !

À l’époque où la médecine était balbutiante ou trop chère pour les gueux, le recours aux prières des Saints était assurément un must. Aujourd’hui, on fait davantage confiance à la science des docteurs et des pharmaciens qu’aux vertus thaumaturgiques des canonisés. (Quoique : les très populaires Antoine et Rita ont encore leurs fans ! Il suffit d’aller voir à Harre leur sanctuaire rempli de bougies et d’ex-votos.)



Alors, la Toussaint en perte de vitesse ? Au lieu de revêtir l’aube blanche des sauvés (cf Apoc 7,9.13), faudra-t-il bientôt s’habiller de noir avec un masque grimaçant ?

N’allons pas trop vite en besogne. Si l’Eglise a choisi de célébrer en même temps tous les amis de Dieu, ses Saints, en plus de leur date personnelle de fête au calendrier liturgique, ce n’est pas pour le seul plaisir de rajouter une fête à un calendrier qui en compte déjà tant. Ce n’est pas non plus dans le seul but de « christianiser » en la remplaçant une très ancienne fête païenne (appelée Samain chez les celtes). Non, la véritable fonction de la fête de Tous les Saints est de nous rappeler, rappeler à tous les fidèles, quelle est notre destinée finale et le moyen de l’atteindre. Notre destinée, c’est de vivre avec Dieu, et le moyen, c’est la sainteté. On nous donne en quelque sorte la bande-annonce du film par cette fête où l’on montre la joie des bienheureux après leurs épreuves et difficultés sur la terre. Bref, on nous encourage ! Allez-y à fond, vous verrez, ça va être formidable !

…Le problème, c’est que nous n’avons peut-être pas tant envie que ça d’être Saints… !

Comme le disait un confrère lors de la messe télévisée dimanche dernier au « Jour du Seigneur » sur FR2, s’il est vrai que comme le dit le Concile, « dans l’Église, tous sont appelés à la sainteté » (LG 39), cette vocation peut sembler à beaucoup d’entre nous inatteignable, impossible, voire présomptueuse : « être un Saint ? il ne faudrait pas exagérer non plus ! C’est déjà bien suffisant que je vienne de temps en temps à la messe et que je mette un sou à la collecte ; alors moi, un Saint ? Demandez à ma femme ce qu’elle en pense (ou à mon mari) ! »

Et pourtant, avons-nous le choix ?



C’est pourtant notre vocation baptismale, on nous l’a dit quand le prêtre a versé l’eau sur notre tête et marqué le front avec l’Huile sainte. Et si de surcroît on n’entre chez Dieu que si on est Saint ou Sainte, ou à la limite Bienheureux-se, il faut bien qu’il y ait quelque chose de « saint » en nous… à défaut d’une auréole. Et, de toute façon, il y a du boulot ! Encore faut-il qu’on s’entende sur ce qu’est la « sainteté » ; je vais y revenir.

Bien des raisons donc peuvent nous détourner de cet appel qui nous est adressé :

  • la paresse car il faudrait nous convertir ou changer notre vie ;
  • la peur devant le récit des souffrances des martyrs (qui a envie de l'être?) ;
  • la désespérance, car nous sommes terrassés chaque jour par nos vices et nos péchés ;
  • la légèreté enfin parce que nous sentons bien qu’être Saint nous expose à bien des problèmes alors que nous préférons être peinards dans une vie pépère.

Effectivement, être Saint semble difficile ! Mais qu’est-ce que la sainteté ?

Coupons tout de suite les ailes à un canard : La sainteté, ce n’est pas une liste de vertus (de préférence héroïques), une sorte de concours à qui prierait le plus, serait le plus charitable et aimable, donnerait jusqu’à sa dernière chemise aux pauvres, se jetterait au feu pour témoigner de sa foi, et cætera. (En plus, à ce concours on va très vite découvrir qu’on est tous perdants !)

Si on va dans ce sens-là, c’est sûr, on va tous se casser la figure. Non, en fait, le truc, c’est beaucoup plus simple – mais pas nécessairement plus facile. Vous savez quoi, pour devenir Saint.e ? Ne demandez pas à l’intelligence artificielle, elle ne connaît pas cela.

Le truc, c’est – je vais vous le souffler : C’est accueillir chaque jour la grâce de Dieu dans sa vie. Rien que ça !



C’est quoi la grâce de Dieu ? C’est l’Esprit Saint, si vous voulez, l’Esprit d’Amour. Car par nous-mêmes nous ne pouvons rien, nous faisons tout de travers, car nous sommes trop remplis de nous-mêmes. Mais celui qui a l’Esprit de Dieu a tout, et il fait tout juste. Seulement, il faut l’accueillir jour après jour dans sa vie, et le laisser nous diriger… Saint Séraphin (un saint russe) dit même que c’est le principal travail du chrétien : acquérir l’Esprit Saint.

Je dois dire qu’on est – vous, et moi surtout – particulièrement sourd à ses inspirations (de l’Esprit), tant on est aujourd’hui distrait par les tablettes, les smartphones et les écrans de toutes sortes… qui font écran ! Le numérique aujourd’hui est un vrai piège, parce qu’avec les réseaux sociaux, avec l’intelligence artificielle et tout et tout, on croit tout savoir et tout pouvoir, alors qu’on ne sait rien ! En tout cas, on ne sait rien de la vraie vie en Dieu qui doit se vivre dès maintenant pour se continuer après dans le Ciel, c’est-à-dire la vie spirituelle. Chez un grand nombre de chrétiens, jeunes ou moins jeunes, elle agonise, cette vie spirituelle !



Je ne dis pas que tout est mauvais dans les progrès époustouflants du numérique, il y a même sans doute des choses très positives par exemple pour soigner les gens ; mais ce qui est sûr, c’est que c’est en train de changer radicalement notre vie, et la vie des nouvelles générations. En tout cas, cela ne doit pas remplacer l’humain, la dimension humaine et relationnelle, et nous ne pouvons pas être esclaves de ce qui a l’air d’un jeu mais qui risque de prendre le pouvoir sur notre conscience (et d’abord notre inconscient). Les dangers de manipulation sont immenses ! Et Dieu là-dedans ? Ben, il n’y a plus guère de place pour lui.

Or nous avons besoin de Dieu car nous sommes faits pour lui, pour vivre avec lui. Et ça, ça s’appelle tout simplement la sainteté. Ce n’est pas se tenir sur la pointe des pieds pour devenir le meilleur, c’est humblement accueillir jour après jour la grâce de Dieu qui me transforme lentement selon son cœur en me rendant plus aimant, et qui me pardonne constamment toutes mes erreurs et mes fautes.

Donc, chers frères et sœurs, ne confondez pas, ne confondez plus LA SAINTETE et LA PERFECTION ! Ce n’est pas du tout la même chose. (D’ailleurs, les gens parfaits sont souvent insupportables !) Les Saints n’étaient pas des gens parfaits, ils avaient leurs défauts comme chacun de nous, mais ils les soumettaient à la grâce de Dieu et ils essayaient de vivre continuellement sous la mouvance de l’Esprit pour écrire avec Lui de nouvelles pages d’évangile au travers de leur vie humaine.



Beaucoup de nos parents et de nos aïeux qui ne sont pas inscrits au calendrier des Saints ont vécu de cette « sainteté d’en-bas », dans le don d’eux-mêmes et le devoir accompli humblement par amour du Seigneur et des autres. Eux aussi, ils nous entraînent à essayer un peu chaque jour de mettre de cette sainteté, ç-à-d de l’amour divin dans notre moteur !

Bonne fête à tous ! Et bonne route vers le Ciel !



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