C PÂQUES 05 - Toutes choses nouvelles !
Très chers frères et sœurs,
Avez-vous déjà remarqué combien nous
sommes attirés par tout ce qui est neuf ?
La publicité ne manque d’ailleurs pas
de se servir de cette propension, cette attirance, pour essayer de nous vendre
toujours de nouveaux produits…
Inconsciemment, nous associons la
nouveauté, l’état neuf, à ce qui est meilleur – ou qui pourrait l’être.
L’engouement, l’attente énorme
manifestée partout dans le monde pour le nouveau pape participe aussi de cet
intérêt pour la nouveauté.
En fait, cet intérêt ou attirance pour le neuf
est porté par quelque chose de bien plus fort que la curiosité, et qui se
nomme : l’ESPERANCE !
Et comme vous le savez, l’espérance
est un moteur essentiel à la vie (et en particulier à la vie chrétienne).
Croire que le meilleur est toujours
devant – et non pas derrière !
Il faut bien reconnaître que dans le
monde qui est le nôtre aujourd’hui, c’est peut-être un peu plus difficile de
croire en l’avenir, un avenir meilleur. La chute vertigineuse de la natalité un
peu partout dans le monde et surtout chez nous en est certainement une
conséquence.
Alors les
chrétiens, eux, se distinguent parce qu’ils ont quelque chose d’absolument rivé
au cœur et aux tripes, quelque chose que rien ni personne ne peut leur arracher.
C’est cette
chose-là qui a fait s’embarquer les apôtres
pour une vie de missionnaires, une vie risquée, à travers tout le Moyen-Orient
et la Méditerranée, à Lystres, Iconium, Pergé puis à Attalia en Turquie
actuelle, puis de nouveau à Antioche, avant d’essaimer dans tout l’empire
romain et le monde connu… Ils étaient conscients des épreuves à endurer, comme
ils l’ont dit eux-mêmes en affermissant les communautés naissantes : « Il
nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de
Dieu. » Déjà en effet les chrétiens connaissent leur part de
persécutions, d’exactions et de souffrances au nom de leur foi.
C’est aussi cette chose unique et précieuse que Jean l’ancien, en pleine époque de persécution, a entrevu dans ses visions et voulu transmettre dans le Livre des Révélations appelé l’Apocalypse : « Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés » - tiens, revoilà le mot 'nouveau-nouvelle' ! Ce que Jean décrit, c’est ce sur quoi tous les croyants, tous les chrétiens fondent leur Espérance : la venue en plénitude du Royaume de Dieu, la Cité Sainte, promise par Dieu, annoncée et initiée par Jésus Christ, la Demeure éternelle de Dieu avec les hommes. Elle n’est pas faite par les humains, elle « descend du ciel comme une épouse parée pour son mari » - image nuptiale. On ne peut que l’accueillir, la recevoir de Dieu, dans l’Esprit.
Et, en cette Cité définitive que nous, les croyants, nous habitons déjà en espérance, « Dieu essuiera toute larme de nos yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur »… Car tout cela s’en est allé, est périmé.
Je suis toujours très touché
et remué au fond de moi chaque fois que je relis ces paroles : Et
cette conclusion implacable et magnifique où Dieu dit, au présent : « Voici
que je fais toutes choses nouvelles ! » « Je fais », au
présent ! C’est nouveau ! Maintenant ! C’est commencé !
C’est commencé, mais pas encore
achevé. On est dans l’entre-deux, qui dure ; et la plénitude qui
doit se réaliser au retour de Jésus, se fait encore attendre. Mais ce que
les chrétiens regardent, bien davantage que ce qui est passé ou en train de
passer, c’est ce qui est à-venir. Ils seront des centaines, puis des
milliers à porter leur regard sur cet avenir d’Espérance : Comme Étienne
– le premier martyr – lui qui dans cet entre-deux historique aura au moment de
son supplice, sa lapidation, aura les yeux fixés sur l’horizon de la promesse
: « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme
debout à la droite de Dieu » (Ac 7,56) 1. Aujourd’hui encore, dans bien des
pays où le christianisme et les chrétiens sont méprisés et souvent persécutés,
en terre musulmane ou communiste, tant et tant de nos frères et sœurs fixent
leur regard de la même manière sur cet à-venir d’espérance, « l’étoile du
matin qui se lèvera à l’Orient ».
Oui, avec Dieu, avec Jésus, c’est
toujours du nouveau, du neuf qui commence. « Maintenant le Fils de l’homme
est glorifié » : C’est la victoire de l’amour, la victoire du
Crucifié ! C’est maintenant !
Et l’ordre que nous recevons du Seigneur pour ce temps-ci jusqu’à ce que la plénitude du Royaume se réalise : « Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Voilà comment on entre dans le Royaume qui vient, qui est déjà là : en s’aimant les uns les autres.
Ce commandement, il n’est pas nouveau parce qu’il n’aurait jamais été donné
avant, mais il est neuf parce que quand on le pratique, au fur et à mesure
que l’amour entre nous grandit, il nous fait entrer de plein pied dans cette
nouveauté du Royaume : Nous expérimentons alors la vérité de cette
parole de Dieu dans l’Apocalypse : « Voici que je fais toutes
choses nouvelles » et nous constatons que Dieu nous libère des regrets
du passé pour faire de nous des êtres neufs, comme il le réalise au moment du
baptême. En chaque disciple du Christ qui aime comme lui, le monde nouveau
est déjà présent.
Oui, frères et sœurs, l’Espérance chrétienne ce n’est pas quelque chose de déconnecté de notre vie actuelle, mais c’est ce qui la sous-tend et la traverse, lui donne son sens et sa destination. Sans elle, nous serions comme ces fétus de paille entraînés par le courant jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans le gouffre de la mort et du non-sens qui les avale tous.
Cette Espérance que le pape François a voulu nous offrir comme
thème et objectif de ce Jubilé de l’Eglise dans lequel nous sommes en plein
dedans, je voudrais comme Paul et Barnabé lors de leurs périples
missionnaires, vous exhorter à y persévérer, à l’approfondir non seulement
chacun tout seul de son côté, mais aussi en Eglise, en communauté car si nous
ne partageons pas la foi et l’espérance, et si nous n’aimons pas nos frères à
la manière de Jésus comme il nous a commandé, nous ne pourrons que vieillir au
lieu de nous renouveler chaque jour un peu plus, et la foi -la vie- s’éteindra
avec l’espérance.
Mettons tout
notre cœur, avec notre nouveau pape et tous ceux qui nous sont donnés pour faire
ensemble le chemin, mettons tout notre cœur et notre esprit à croire et à
vivre cette parole qui nous est donnée aujourd’hui : « Voici que
je fais toutes choses nouvelles » ! Amen !
__________________________________________
(1) “Voici que je contemple les cieux ouverts et le
Fils de l’homme debout à la droite de Dieu” » (Ac 7,56). Autrement dit : c’est seulement la
puissance de sa résurrection qui nous donne de traverser nos passions et
souffrances actuelles. C’est la fin qui éclaire le présent,
et non l’inverse !
C’est en partant de ce qui doit arriver : la résurrection, que
nous pouvons déchiffrer le présent. C’est en étant « lancé vers
l’avant », « en courant vers le but », que le passé et le présent trouvent
leur signification.
C’est donc que nous sommes invités à regarder les êtres et les
choses qui nous entourent « à partir de la fin », et non en
fonction de leur passé, quel qu’il soit (glorieux ou sombre).
Nous voici donc appelés à regarder cette semaine nos proches en
famille, nos collaborateurs au travail, nos rencontres habituelles « à
partir de la fin ». Même les choses matérielles, replacées ainsi en
perspective, en acquièrent une saveur et une texture nouvelle : relativisées,
elles deviennent signes du monde nouveau qui est en train de germer…
Oubliant le passé, libérés des jugements du présent, replaçons
chaque visage en perspective par rapport à son but ultime : participer à la
résurrection du Christ.
Essayez ! Vous ferez enfin l’expérience d’une vibrante course, à
l’image de Paul : « oubliant ce qui est en arrière, lancé vers l’avant, je cours vers
le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ
Jésus » (Ph 3,13-14).
Vous goûterez par anticipation le
renouvellement profond de toute la Création en Christ : « Voici
que je fais toutes choses nouvelles ».
Oui : cette semaine, regardez les
êtres et les choses qui vous environnent « à partir de la fin »…
____________________________
Les chrétiens dans le monde (extrait de l’Épître à Diognète) :
L'Épître à Diognète est une lettre d'un auteur chrétien anonyme
qui date de la fin du II e siècle. Il s'agit d'un écrit
apologétique adressé à Diognète pour démontrer la nouveauté radicale du
christianisme sur le paganisme et le judaïsme.
"Les chrétiens ne se distinguent des autres
hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils
n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque
dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Leur doctrine
n’a pas été découverte par l’imagination ou par les rêveries d’esprits
inquiets; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine
d’origine humaine.
Ils habitent les cités grecques
et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux
usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence,
tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur
manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des
étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et
supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur
est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient
comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs
nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une
table ordinaire.
Ils sont dans la chair, mais
ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils
sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de
vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le
monde les persécute. On ne les connaît pas, mais on les condamne ; on les
tue et c’est ainsi qu’ils trouvent la vie. Ils sont pauvres et font beaucoup de
riches. Ils manquent de tout et ils tout en abondance. On les méprise et, dans
ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils y trouvent leur
justification. On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils
honorent. Alors qu’ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs. Tandis
qu’on les châtie, ils se réjouissent comme s’ils naissaient à la vie. Les Juifs
leur font la guerre comme à des étrangers, et les Grecs les persécutent ;
ceux qui les détestent ne peuvent pas dire la cause de leur hostilité.
En un mot, ce que l’âme est
dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. […]
L’âme est enfermée dans le corps,
mais c’est elle qui maintient le corps; et les chrétiens sont comme détenus
dans la prison du monde, mais c’est eux qui maintiennent le monde. L’âme
immortelle campe dans une tente mortelle: ainsi les chrétiens campent-ils dans
le monde corruptible, en attendant l’incorruptibilité du ciel. L’âme devient
meilleure en se mortifiant par la faim et la soif; et les chrétiens,
persécutés, se multiplient de jour en jour. Le poste que Dieu leur a fixé est
si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter."
De la Lettre à Diognète, nn. 5-6 (Funk, 1, 317-321)
Commentaires
Enregistrer un commentaire