C DIM 33 - Pas un cheveu !
33ème
dimanche ordinaire C- 12 novembre 2022
“Ce temple, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre.” Jésus annonce la ruine du Temple de Jérusalem. Saint Luc peut le raconter avec assurance puisqu’il écrit son Évangile vers les années 80, à un moment où le Temple de Jérusalem est déjà démoli par les armées romaines et où les chrétiens connaissent déjà l’hostilité de leurs compatriotes juifs. En réalité, la démolition du bâtiment importe peu pour Jésus : il n’est pas un promoteur qui rêverait de remplacer une vieille église par une nouvelle. Lui, il ne veut plus de Temple. Il a deviné que son Évangile risque de devenir une religion : “Beaucoup viendront sous mon nom en disant «c’est moi!» : ne les suivez pas.” Or il n’est pas venu promouvoir une religion, il est venu inviter à la foi.
Alors il nous donne quelques conseils :

- “Ne vous effrayez pas !” C’est un temps de passion pour l’humanité. Mais que votre foi vous garde debout et qu’elle éclaire votre présent. «Vous serez détestés à cause de moi». Mais même quand tout s’écroule humainement, il reste un avenir possible. “Ne vous effrayez pas !… Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.” Et même : «Vous n’avez pas à préparer votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse…»
- Vivez l’aujourd’hui ! C’est maintenant que Dieu parle. Le Royaume est déjà parmi vous. Simplement, il vous revient de le faire naître et grandir. C’est le temps de veiller dans la prière et aussi de se mettre au travail. Saint Paul paraît même très dur pour ceux qui ne font rien : «Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus !» Mais il faut noter que les personnes oisives dont parle Saint Paul ne sont pas les chômeurs : C’étaient ceux qui croyaient la fin du monde très proche et qui se disaient : “A quoi bon travailler si ce monde s’achève ?” Comme la fin du monde n’arrive pas, petit à petit il devient clair que le chrétien doit être présent à tous les combats de l’humanité en y tenant fermement la petite lampe de l’espérance. Il s’agit de mettre fin à un monde dans lequel on piétine les autres pour se grandir soi-même.
Et Jésus
prévient : votre message va déranger ceux qui sont installés dans le confort et
enfermés dans leur bonne conscience. Mais surtout il annonce la victoire du
Jour où le Christ “soleil de justice” se lèvera au matin de Pâques. Ce
matin-là, Dieu donnera raison à ceux qui ont mis leurs pas dans ceux de son
Fils Jésus et qui rendent témoignage à la résurrection chaque jour en paroles
et en actes fraternels ! Dieu donnera raison à ceux-là, que certains trouvent
quelquefois plein de naïveté alors qu’ils sont plein d’espérance.
“Pas un
cheveu de votre tête ne sera perdu.” Est-ce que cela veut dire qu’un chrétien est invincible ? Pas du tout ! Il est vulnérable et mortel comme vous et moi. Et le nombre
de martyrs chrétiens partout dans le monde et depuis le début du christianisme,
le confirme. Pas plus que les temples de pierre, nous ne sommes pas éternels. Mais
cette expression est à rapprocher de cette autre parole de Jésus, légèrement
différente : « Tous vos cheveux sont comptés ». Cela veut
dire que la totalité de ce que nous sommes est connue de Dieu. Dieu sait tout
de moi, même le nombre de mes cheveux. Et comme il me veut vivant, il me rendra
la vie lorsque Jésus paraîtra ; il me restaurera dans ce que je suis de
plus intime, de plus personnel.
C’est
pourquoi Jésus dit encore en Matthieu 10,28 : « Ne craignez pas
ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme. Craignez seulement celui qui
peut faire périr dans la Géhenne l’âme aussi bien que le corps. » Perdre son âme, pour le Christ, est la
seule chose que nous devions redouter. Si nous laissons s’insinuer en nous la
peur, le doute, le cynisme et finalement la désespérance, le dégoût de la vie
et de Dieu, nous perdons notre humanité car nous ne sommes plus capables d’aimer.
Nous laissons l’Ennemi nous voler notre âme. Et ça c’est pire que la mort !
C’est la mort avant la mort… Même Dieu ne peut plus rien faire pour nous à ce
moment-là.
Donc, c’est un message de combat que Jésus nous donne aujourd’hui, un message bien adapté à notre temps d’aujourd’hui, qui est un temps où la foi est mise à l’épreuve mais aussi l’espérance.
Dans les crises que traverse l’Eglise mais aussi le monde
dans lequel elle vit et témoigne, il ne faut pas que cette Eglise et nos
communautés se racrapotent sur elles-mêmes et abandonnent ce qu’elles sont,
leur âme. ll est normal que des choses meurent, que des bâtiments d’église
ou des pratiques religieuses auxquelles on était attaché disparaissent. Cela
fait partie du cycle de la vie et il en a toujours été ainsi. Mais c’est pour
que puissent naître de nouvelles manières de vivre l'Eglise, adaptées
au monde d’aujourd’hui, et un nouveau modèle de chrétien qui n’est pas
encore arrivé, pas encore bien défini, mais qui sera sûrement bien armé pour
porter la foi et l’espérance chrétienne sans crainte dans ce monde qui vacille
et tremble sur ses bases…
On sait que ça ne va pas être facile, et qu'il nous faudra renoncer à pas mal de notre confort matériel ou spirituel pour que les générations futures puissent découvrir le formidable message d'espérance de l'Evangile, mais j’aime bien cette
phrase magnifique d’Otto René Castillo, poète du Guatémala mort
assassiné : “Être en avance sur son temps, c’est souffrir beaucoup de lui, mais
il est beau d’aimer le monde avec les yeux de ceux qui ne sont pas nés encore.”
N’oublions pas les dernières paroles de Jésus après sa résurrection : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ». Le Christ est là avec nous, en nous par son Esprit d’amour, pour que tout événement, même tragique, puisse être avènement de plus de vie et d’amour. Depuis la résurrection, en effet, nous savons que Dieu peut faire surgir la vie même dans les décors de mort.
Alors,
comme on dit en italien : Bon coraggio ! ou, avec sœur Emmanuelle,
en arabe : « Yalla ! »




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